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Contenir les médicaments contrefaits hors des officines
Les contrefacteurs déploient des trésors d’ingéniosité pour déjouer la traque qui s’organise et produire des médicaments presque plus vrais que nature à l’œil. Un fléau qui, jusqu’à présent, n’est heureusement pas parvenu à franchir le circuit traditionnel français de distribution. Oui, mais jusqu’à quand ?
Et si les faux médicaments parvenaient à se glisser dans le réseau des officines françaises ? Ce scénario-catastrophe n’est plus aujourd’hui véritablement écarté par les acteurs du médicament et de la lutte contre la contrefaçon. C’est pourquoi tous redoublent de vigilance et appellent les officinaux à leur emboîter le pas. Sans pour autant céder à la panique. « Nous avons une chaîne d’approvisionnement en médicaments très sécurisée, un système de protection sociale performant et une action énergique des pouvoirs publics en la matière », rassure Philippe Lamoureux, directeur général du Leem. Mais cet équilibre est fragile. « Le risque de voir arriver des médicaments contrefaits sur le marché national augmente, d’une part car c’est une activité rentable et d’autre part parce que la demande de soins progresse », poursuit-il.
Car force est de constater que désormais la France est un lieu de transit – et de consommation– de médicaments contrefaits. Le nombre de faux médicaments saisis en 2008 représente plus de 13 % de la totalité des contrefaçons saisies par les douaniers l’année dernière. « On a toujours dit que la France était un pays préservé, mais l’on commence à y voir des médicaments contrefaits, même si le circuit officiel de distribution de médicaments est épargné », estime Angela Grocolas, directrice pharmaceutique et qualité à l’OCP.
Des différences difficilement repérables
La montée en puissance des achats en ligne constitue un risque supplémentaire. Les saisies de médicaments contrefaits dans les colis postaux et le fret express, vecteurs connus d’acheminement de marchandises commandées sur Internet, sont en augmentation de 70 % par rapport à 2007. Ces saisies ont représenté, en 2008, 4 % de la totalité des faux médicaments interceptés par les douaniers. C’est pourquoi le Leem vient de signer une charte avec des représentants de plates-formes de commerce électronique– à l’exclusion des poids lourds du secteur que sont eBay et Amazon – visant à lutter contre la vente de produits contrefaits sur Internet.
Un vecteur de plus en plus prisé pour se procurer le produit le plus copié de la planète, Viagra. Mais pas seulement. Ainsi, certains médicaments n’ayant pas reçu d’autorisation de mise sur le marché en France, mais dans d’autres pays, et ceux en lien avec le traitement de certaines pandémies font actuellement florès sur la Toile.
Si les nouveaux vecteurs de commercialisation sont autant de portes d’entrées potentielles rendant un peu plus difficile la lutte contre le trafic de médicaments, la qualité du travail des contrefacteurs est l’autre sujet qui préoccupe les acteurs du médicament. Des blisters montés à l’envers, des couleurs à peine plus claires ou plus foncées que l’original, un emboîtement de notice du mauvais coté, une date de péremption imprimée à l’envers…
D’infimes différences qui sont souvent difficilement repérables, y compris par les professionnels. « Les contrefacteurs sont aujourd’hui capables de copier un produit à l’identique du point de vue de l’apparence », commente Angela Grocolas. Pour ne pas laisser pénétrer ces copies dans les pharmacies, le distributeur contrôle chaque lot suspect. « Dès que nous sommes alertés sur une contrefaçon, nous vérifions si le produit est distribué en France et, dans l’affirmative, nous procédons au contrôle de nos stocks. A ce jour, nous ne sommes encore jamais tombés sur une contrefaçon », se félicite la directrice pharmaceutique et qualité de l’OCP. En cas de doute, les pharmaciens devraient immédiatement retirer les produits de la vente, le temps que les vérifications s’opèrent.
La vigilance, le principe de précaution et la rapidité sont pour l’heure le seul arsenal véritablement efficace. Le grossiste-répartiteur appelle donc les officinaux à faire preuve de la même prudence. Revers de la médaille de cette méfiance de chaque instant, l’OCP reconnaît mettre une forte pression sur les pharmaciens concernant les retours, lesquels constituent aujourd’hui le facteur de risque majeur de voir de faux médicaments entrer dans les pharmacies. « Nous interdisons les retours sur tous les produits pour lesquels il y a eu une alerte sur de la contrefaçon. C’est le seul moyen de garantir que le produit livré n’est pas contrefait », assure Angela Grocolas.
Sécurité optimisée et durcissement des sanctions
Le marquage Data Matrix de tous les lots européens, qui permettra d’assurer la traçabilité de chaque boîte de médicament jusqu’à la délivrance au patient, devrait être un outil efficace contre la contrefaçon. Quant aux laboratoires, certains n’hésitent pas à prendre les devants. « Nous avons créé le laboratoire central anticontrefaçon de Tours pour être plus réactifs. Ainsi, nous sommes non seulement en mesure d’analyser très rapidement un produit suspect, mais aussi de faire le lien avec d’autres médicaments contrefaits grâce à notre base de données », explique Christine Huber, directrice de la coordination des projets anticontrefaçon chez Sanofi-Aventis.
Les sanctions à l’encontre des auteurs de contrefaçons de médicaments se durcissent également, ces dernières étant désormais assimilées à une circonstance aggravante. « Il est possible d’obtenir à titre de dommages et intérêts non seulement le manque à gagner subi par la victime de la contrefaçon, mais encore les bénéfices réalisés par le contrefacteur », explique Maître Marianne Schaffner, du cabinet d’avocats d’affaires international Linklaters à Paris.
Par ailleurs, un projet de directive communautaire relative à la contrefaçon pénale est actuellement en gestation, ce qui permettrait de durcir et d’homogénéiser les sanctions pénales dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Autant de mesures qui, associées à la vigilance et à la mise en œuvre impérative du principe de précaution, devraient encore permettre de contenir le trafic hors des officines nationales. L’enjeu est de taille car, rappelle Marianne Schaffner, « en matière de contrefaçon, la bonne foi est inopérante et toute personne détenant, offrant à la vente et/ou commercialisant des produits contrefaits peut être poursuivie ».
2008 ou le boom de la contrefaçon
→ En 2008, 881205 boîtes de médicaments contrefaits ont été saisis par les douanes françaises (781 761 en 2007).
→ 45,1 % des saisies ont été opérées au port du Havre et 43,1 % à l’aéroport de Roissy, ce qui pose la France comme un « pays de transit ». Cela étant, la montée en puissance d’Internet se confirme.
→ 36 025 boîtes de médicaments contrefaits ont été saisis via du fret express et postal.
→ Le secteur du médicament est au 5e rang (sur 17) des produits contrefaits saisis.
→ Viagra/Cialis restent invariablement les spécialités de prédilection des contrefacteurs.
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