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Ce que cache un client mystère
Qui n’a jamais laissé sonner un peu trop longtemps le téléphone ou gardé la tête sur une ordonnance sans dire bonjour à un client qui entre ? Ces petites défaillances ou, plus grave, la qualité du conseil ne peuvent échapper à la sagacité d’un visiteur mystère. Envoyé à la demande même du titulaire, son évaluation est précieuse pour améliorer le service à l’officine.
L’enquête publiée par la revue Que Choisir en septembre dernier est encore dans les mémoires. Le magazine y avait testé 1 379 pharmacies sur les conditions de vente d’une boîte d’aspirine Upsa 500 mg et d’une boîte de Nurofen 200 mg. Les conclusions de l’enquête ne mettaient pas vraiment à l’honneur les équipes officinales. La prestation de conseil du pharmacien était évaluée sur 6 critères : les questions posées au patient, les antécédents médicaux, les informations données sur les effets indésirables, les interactions, l’affichage des prix et l’amabilité. Il en ressortait que 14 % des pharmaciens avaient demandé à qui étaient destinés les médicaments, 5 % s’étaient intéressés à l’état de santé du testeur, 15 % lui avaient parlé des effets indésirables et 41 % avaient alerté du problème des interactions.
Pour éviter ce genre de mauvaise publicité pour la profession, ces pharmaciens auraient peut-être dû faire appel à un client mystère afin d’améliorer leur conseil et leur management. Ressemblant à un client lamda, formulant les mêmes demandes que lui, il est envoyé par la plupart des groupements et des enseignes qui les intègrent dans leur charte qualité de manière le plus souvent obligatoire. Par exemple, Giropharm en fait depuis cette année un passage obligé dans la prestation globale du cursus qualité. Même lorsque ce service était facultatif, une centaine des pharmaciens adhérents y avaient recours.
« L’environnement concurrentiel oblige le titulaire à améliorer sa compétence en matière de prise en charge des patients. Toutes les pharmacies qui ont testé le client mystère sur le long terme ont amélioré leurs scores en matière de compétence managériale, de satisfaction client, de fidélisation et d’augmentation du panier moyen », assure Sam Laroui, directeur du réseau Giropharm.
L’accueil et le conseil décortiqués
Dans l’ensemble des groupements et des enseignes, le rythme des visites est de deux par an (janvier et juin chez Giropharm, mai et novembre pour Objectif Pharma par exemple). Une fréquence nettement moins importante que celle qui est imposée aux enseignes de la grande distribution, visitées de trois à six fois par an.
Avant la visite du client mystère, il est indispensable que le titulaire explique en amont à son équipe les conditions dans lesquelles elle va se dérouler. Car il ne faut surtout pas laisser penser qu’il s’agit d’un outil coercitif et mais rassurer sur les avantages que l’officine peut en tirer.
Le premier travail du client mystère consiste à évaluer l’ambiance générale de la pharmacie (propreté, éclairage, rangement, lisibilité des rayons…). « On a ainsi pu identifier qu’il y avait trop de présentoirs et que la signalétique n’était pas suffisante pour que le client se repère facilement, témoigne Agnès de La Fuente, titulaire à Saint-Amans-Soult (Hérault). Mais il se peut que le client mystère se trompe. Par exemple, Il n’avait pas identifié notre espace bébé car il donne sur une vitrine… »
Le client mystère évalue ensuite la qualité de l’accueil (sourire, bonjour…) puis le dialogue, en particulier le conseil. « Nous avons bâti un scénario autour d’un certain nombre de petits maux, explique Régine Martin, responsable marketing chez Objectif Pharma. C’est important il s’agit de la vraie valeur du pharmacien. »
L’interrogatoire du pharmacien doit porter sur les symptômes, leur date d’apparition, leur origine et leur fréquence ainsi que sur le destinataire du produit. « Ce point n’était pas évident au départ pour mon équipe, qui craignait que les clients le prennent mal. Mais ce ne fut pas le cas », raconte Agnès de La Fuente. Pour jouer son rôle de conseil, le pharmacien doit également donner des informations sur le traitement et proposer des conseils associés.
La visite mystère est toujours complétée par un appel d’un client tout aussi mystérieux, qui demande conseil. Cette partie de l’évaluation n’est généralement pas le point fort des pharmaciens, en particulier pour les délais d’attente.
Les conclusions de la visite mystère sont ensuite analysées et transmises au titulaire. L’objectif est bien sûr d’identifier les points à améliorer. Et, après chaque visite, le titulaire se voit systématiquement proposer un plan d’action pour améliorer les points faibles et optimiser les points forts. En attendant la prochaine visite…
« La visite mystère est un outil de management à manier avec précaution »
Jean-Michel Foiret, titulaire de la Pharmacie du Faubourg (Giphar) à Lille.
De quand date la dernière visite d’un client mystère chez vous ?
Jean-Michel Foiret : C’était en juin 2009, en plein dans la campagne publicitaire de Giphar avec Richard Berry. Le bilan évoquait la mise en place des visuels publicitaires dans les vitrines. Les visites mystère – ainsi que les appels téléphoniques qui s’ensuivent – mis en place par Giphar en 2007 ont lieu deux fois par an depuis deux ans.
Que pense votre équipe de ce contrôle de son travail ?
Elle le prend vraiment bien car elle en voit les résultats, mais il est évident que c’est un outil de management à manipuler avec précaution. Je ne cherche d’ailleurs jamais à savoir qui était présent le jour de la visite car elle concerne l’équipe à part entière. On en fait d’ailleurs plutôt un jeu entre nous en scrutant les clients avant la visite mystère, puis en essayant d’imaginer qui était le client mystère. C’est un très bon outil de stimulation, en amont comme en aval, qui permet de discuter différemment au sein de l’équipe. Après chaque compte rendu, je fais d’ailleurs une réunion d’équipe en commençant par insister sur les points positifs, puis en fixant un seul axe à améliorer d’ici la prochaine visite.
Justement, qu’avez-vous amélioré au fil des visites, et qu’est-ce qui pèche encore ?
Nous avons amélioré le conseil pour les petites délivrances. Le scénario mis au point par la visite mystère pour tester la délivrance du médicament au comptoir a beaucoup utilisé le cas du Nurofen. Il est vrai que le conseil n’était pas toujours suffisant, notamment quand il y avait du monde dans la pharmacie. Nous y faisons très attention maintenant. De même, nous remettons désormais des fiches qui rappellent la posologie pour éviter les surdosages ou qui donnent des conseils associés hygiénodiététiques. Ce n’était pas un geste évident pour nous, mais la visite mystère nous a aidés à prendre conscience de l’importance de ce conseil écrit. D’ailleurs, chez Giphar, ces fiches sont obligatoires. Nous sommes désormais bien notés pour l’aspect comptoir. Il va nous falloir également améliorer l’accueil téléphonique. J’ai encore du mal à quitter mon client au comptoir pour aller répondre au téléphone.
Pensez-vous que la visite mystère peut être améliorée dans la fréquence ou le choix des critères pris en compte ?
Le rythme n’est peut-être pas suffisant, mais il coûte déjà cher au groupement (600 000 Euro(s) pour l’ensemble du réseau), qui le prend intégralement en charge. Quant aux items, ils sont déjà nombreux (une cinquantaine) et portent sur quatre points principaux : le confort d’achat, la relation avec les clients, la proactivité et le ressenti du client mystère, qui est un critère subjectif non noté. Mais il manque l’aspect confidentialité : Parle-t-on trop fort ? Y a-t-il un espace de confidentialité ? J’aimerais avoir l’avis d’un client mystère sur ces aspects. Propos recueillis par Lena Rose
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