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Roselyne Bachelot promet le printemps
Alors que la loi HPST reste nébuleuse pour les pharmaciens, Roselyne Bachelot veut leur donner des réponses concrètes sur le plan économique… dans les mois à venir.
Roselyne Bachelot a, comme les deux années précédentes, inauguré le salon Pharmagora samedi 27 mars. Dans un tailleur-pantalon noir, la ministre a d’emblée précisé qu’elle ne pourrait pas répondre directement aux questions des pharmaciens. Elle était, en effet, attendue au congrès de MG-France, syndicat de médecins libéraux, qui se déroulait à Lille le jour même. Les symptômes d’un certain malaise politique face aux officinaux de ville quelque peu déprimés économiquement mais moins démonstratifs que les médecins ? Pourtant, Roselyne Bachelot a réaffirmé avec force son attachement à la profession.
300 décrets d’application à venir
Louant le réseau officinal pour sa large contribution à la lutte contre la grippe A(H1N1), elle a ainsi déclaré qu’elle entendait défendre la « place éminente de la pharmacie dans notre système de santé ». Et enchaîné sur son souhait de « faire évoluer » les missions des officinaux. Une allusion directe à la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) qui attribue huit missions aux pharmaciens, désormais reconnus comme des professionnels de santé à part entière. Une loi disséquée lors de nombreux débats et conférences de Pharmagora, mais qui demeure bien mystérieuse dans son application concrète : 77 % des pharmaciens ne connaissent pas le contenu de la loi, selon l’enquête Ipsos/Wolters Kluwer réalisée pour Pharmagora (voir Le Moniteur n° 2823 du 20 mars 2010). De fait, Roselyne Bachelot a annoncé que les 300 décrets d’application devraient être publiés au plus tard le 21 juillet 2010, un an après l’adoption de la loi. Une annonce effectuée à la fin de son discours consacré à la loi HPST.
L’économie en ligne de mire
Les priorités des pharmaciens ont effectivement changé. A l’heure actuelle, il leur semble bien difficile de remplir de nouvelles missions sans être assurés de leur viabilité économique. Les chiffres fournis par la FSPF sur le plateau TV de Pharmagora sont pour le moins préoccupants : 48 % des 4 320 officines interrogées ont leur trésorerie dans le rouge (contre 36 % en 2008), 80 pharmacies ont fait faillite et 120 ont fermé faute de repreneurs. D’après la Fédération, 1 500 officines pourraient disparaître d’ici à 2015.
Pour répondre à ces inquiétudes, Roselyne Bachelot n’a pas hésité à enfourcher plusieurs chevaux de bataille. La ministre va continuer à se battre « pour la place du monopole pharmaceutique en faveur de la santé publique » et « la pérennité du maillage territorial des officines ». Il est aussi « impératif d’adapter le modèle économique de l’officine à un marché du médicament structurellement moins dynamique qu’il ne l’a été ». Elle va donc constituer un groupe de travail sur l’évolution des marges des pharmacies, dont les conclusions seront prises en compte dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011. La FSPF a d’ailleurs déjà appelé à l’ouverture immédiate de négociations sur « la revalorisation de la marge de dispensation du médicament et pour la rémunération des nouvelles missions confiées aux pharmaciens d’officine par la loi HPST. » Le syndicat va jusqu’à menacer d’« actions qui seront mises en place à défaut d’avancées significatives rapides ».
La ministre va par ailleurs se pencher sur la situation des officines rurales, la télémédecine, les téléconsultations et les pratiques des grossistes répartiteurs. Sans oublier l’encadrement de la vente des médicaments en libre accès sur Internet afin de proposer « une offre légale et sécurisée aux patients ».
Beaucoup de combats en perspective. Mais quelles seront leurs issues ? Ce samedi 27 mars, Roselyne Bachelot exprimait sa satisfaction au sujet de la décision du tribunal de Colmar du 21 janvier, qui donnait raison aux pharmaciens contre Leclerc. Quatre jours plus tard, le distributeur gagnait en appel… Les mois à venir risquent d’être agités pour les pharmaciens, partagés entre espoir et crainte.
Les pharmaciens investissent la formation
Lors de la conférence consacrée à la formation continue conventionnelle (FCC) du 29 mars, Gérard Vaël, président de l’UNOFormation, a présenté en avant-première les résultats d’une enquête réalisée en février par WK-Pharma.fr auprès de 261 officines. Il s’avère que 72,7 % des pharmaciens estiment la formation continue indispensable. L’enquête révèle également que 88,4 % des répondants (pharmaciens titulaires, pharmaciens adjoints, préparateurs) ont participé à de la formation continue et que 85,6 % sont satisfaits à très satisfaits des séminaires d’une journée, et 84,5 % de la lecture d’articles de formation continue. En revanche, 30,8 % sont peu satisfaits des formations en ligne. Le domaine scientifique arrive en tête des formations avec 71,7 %, suivi des domaines plus spécialisés, comme l’hospitalisation à domicile (60,2 %) et des formations en communication – conseil, vente, merchandising, vitrine – (37,2 %). Pourtant, des freins à la formation existent encore : 50,2 % des personnes interrogées expliquent qu’elles rencontrent des problèmes de disponibilité et 44,4 % évoquent des problèmes de coût.
Claude Japhet, président de l’OGFCCPO (Organisme gestionnaire de la formation continue conventionnelle des pharmaciens d’officine), a annoncé lors de la même conférence qu’une commission paritaire se réunira le 8 avril afin de sélectionner les organismes de formation qui ont répondu à l’appel d’offres pour la FFC. « Nous serons particulièrement vigilants pour qu’il y ait une bonne répartition des formations sur l’ensemble du territoire », a d’ailleurs déclaré Claude Japhet. Les programmes seront aussi communiqués en avril-mai, notamment grâce à un portail Internet. « Les pharmaciens pourront donc bénéficier de six jours de formation rémunérée entre mai et décembre 2010, ou les déléguer à leur adjoint », a rappelé Claude Japhet. Il a également souligné que le budget s’élevait à 5 millions d’euros pour 2010. Magali Clausener
Holdings : l’impossible accord
La FSFP (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France) maintient sa position. Réunis en assemblée générale le 25 mars, les présidents des syndicats départementaux de la Fédération « soutiennent, à l’unanimité des suffrages exprimés, leur bureau national dans sa défense de l’indépendance des pharmaciens et valident son amendement au projet de décret sur les SEL (sociétés d’exercice libéral) ». La FSPF réaffirme ainsi son exigence : que « le ou les pharmaciens titulaires soient majoritaires en droit de vote et en capital dans son officine ». Elle ne signera donc pas le projet de décret permettant la mise en oeuvre des SPF-PL (lire notre article paru dans Le Moniteur n°2823 du 20 mars 2010). Ce texte prévoit en effet de maintenir le système des SELAS (sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées) via l’article 5-1, système dans lequel le ou les titulaires exerçants peuvent être majoritaires en droits de vote mais pas en capital. Or, « la majorité en droits de vote n’est pas suffisamment protectrice, dans une logique d’indépendance, souligne Philippe Gaertner. Nous sommes en outre convaincus qu’un tel système empêchera toute une génération de nouveaux arrivants d’entrer ». Dès la fin de l’AG, le président de la FSPF a écrit à la ministre de la Santé pour lui exposer ses arguments et demande une nouvelle rencontre avec l’Etat pour que ce dernier se positionne. Rencontre qui pourrait avoir lieu fin avril.
D’ici là, il y a peu de chance que l’impasse trouve une issue. La preuve sur le plateau TV de Pharmagora, lundi 29 mars. Assis autour d’une même table à l’occasion d’un débat sur ce projet de décret, FSPF, UNPF, USPO, ordre des pharmaciens et Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine n’ont pas réussi à tomber d’accord. Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, a tenté de régler le problème en proposant de travailler sur les pactes d’associés, mais Philippe Liebermann, vice-président de la FSPF, n’a pas saisi la perche, estimant qu’il « est très facile de limiter le débat à un problème technique ». Jean-Charles Tellier, président de la section A (titulaires) de l’Ordre, pense pourtant qu’« il faut promouvoir ce texte ». Sinon, « je suis convaincu que c’est la profession elle-même qui demandera l’ouverture du capital parce que la situation sera explosive. Je ne serai vraiment pas fier d’être président de la section A à ce moment-là. » Anne-Laure Mercier
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