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« Les jeunes ont besoin de se sentir écoutés »
Née en 2012 pour accompagner les entreprises dans la compréhension des nouvelles générations, la société militante The Boson Project cumule aujourd’hui les activités de conseil dans la transformation des organisations, l’innovation humaine et l’intrapreneuriat. Sa directrice conseil, Mariana Lagneau, une franco-vénézuélienne trentenaire (issue de la génération des milléniaux), nous éclaire sur les jeunes d’aujourd’hui. Et la façon de les manager.
PM Pour un chef d’entreprise, quels sont les principaux enseignements à tirer de l’étude « Jeunes cons vieux fous »*, qui met en perspective la fracture intergénérationnelle ?
ML Il existe des frictions très fortes entre générations, mais elles sont davantage liées à des raisons émotionnelles que rationnelles. Ces générations ne parlent pas le même langage et n’ont plus d’endroit où échanger… Or, l’entreprise est un des rares lieux où elles se croisent encore. On croit beaucoup à cette idée que le travail devient un lieu de résorption de cette fracture.
Les diverses générations ont envie de travailler ensemble et croient en l’intérêt de leur association pour faire face aux défis de notre époque. Dans l’étude que nous avons menée sur l’intergénérationnel, les répondants évaluent à 4,3/5 l’importance de la cohésion intergénérationnelle. Et les générations Z (nées en 1997 et après), Y (nées entre 1980 et 1996) et X (nées entre 1965 et 1979) citent toutes le travail comme leur premier levier d’engagement pour relever ces défis.
PM Comment mieux recruter ?
ML La nouvelle génération a des envies différentes des précédentes et ce encore plus après la crise sanitaire du Covid-19. Une enquête de la société d’audit Mazars sur le « Future of Work » menée en 2019 en France, montre que 73 % de la génération Z veut pouvoir organiser son temps et son mode de travail comme elle le souhaite. Une proportion similaire désire être son propre patron. Ce qui signifie que pour recruter, fidéliser des équipes qui ont des codes incompatibles avec une réalité métier, on va devoir inventer un nouveau paradigme.
PM Que faire face à un candidat qui ne veut pas travailler le samedi ou terminer après 18 heures en semaine ?
ML La population des 18-30 ans a envie d’autonomie et de flexibilité. Cela produit beaucoup d’irritation. Or, il faut le voir comme un nouveau deal et trouver un nouveau pacte social avec son collaborateur. C’est à l’entrepreneur d’imaginer des leviers possibles. Dans une TPE, l’individualisation peut être réelle, mais il faut l’établir ensemble.
PM Concrètement, comment mettre en place une individualisation ?
ML L’entrepreneur peut poser certaines contraintes, comme des horaires de service à la clientèle et, ensuite, engager l’équipe dans la définition de modes de fonctionnement collectifs et individuels pour répondre à ses objectifs tout en permettant une certaine flexibilité. Embarquer des équipes dans la définition de rituels collectifs ou du deal individuel est essentiel, car les 18-30 ans veulent se sentir acteurs de leur entreprise. D’où le slogan de Youth Forever* qui résume les attentes des plus jeunes : « Care, Enable, Impact » qui signifie « Prendre soin, permettre et avoir de l’impact ».
PM « Care, Enable et Impact », comment concrètement traduire ce slogan en entreprise ?
ML Tout d’abord, les jeunes attendent de l’entreprise qu’elle prenne soin d’eux (Care) parce qu’ils sont extrêmement affaiblis. Ils ont besoin de se sentir écoutés. C’est une donnée clé qui perturbe l’entreprise. Jusqu’à quel point rentrer dans le soin des collaborateurs ? Enable concerne plutôt la façon de donner les clés de compréhension, c’est-à-dire la formation, la maîtrise, la compétence… Et Impact touche à la manière dont on donne un territoire d’action au collaborateur dans l’entreprise. Il s’agit d’éviter une logique d’exécution pure. Les jeunes ne veulent pas prendre le pouvoir, mais ils ont envie d’agir, d’être impliqués. Le titulaire peut s’interroger sur les sujets pour lesquels il est prêt à laisser la main à des collaborateurs ou à s’ouvrir sur d’autres modes d’organisation.
PM The Boson Project mise sur la confiance a priori et le contrôle a posteriori. Comment instaurer cela ?
ML C’est toujours compliqué à mettre en place. Ce qui facilite la tache c’est de savoir quelles compétences sont nécessaires pour quels types de responsabilités, et de pouvoir évaluer si le collaborateur les a. Ainsi va-t-on lui confier une responsabilité à la hauteur de ses compétences et éviter de le mettre en situation de faiblesse. Cela nécessite un modèle RH un peu construit.
PM Et outre des fiches de poste ?
ML En fait, l’essentiel c’est de responsabiliser chacun dans une logique de résultats et non de moyens. Cela demande beaucoup de lâcher-prise, parce que les personnes ne procéderont pas comme vous. De plus, il est aussi important de faire des boucles d’itération, des retours d’expérience pour évaluer de façon continue si ce qui se passe va dans le bon sens, en instaurant des feedbacks. Le feedback instantané est d’ailleurs un outil précieux, attendu des jeunes générations, qui casse l’habitude de l’entretien annuel formel.
* Étude « Jeunes cons vieux fous », parue en mars 2022, menée par l’association Youth Forever créée par The Boson Project. Elle condense les réponses de 1 400 personnes.
DIRECTRICE CONSEIL DE THE BOSON PROJECT
BIO EXPRESS
→ 2014
Diplômée de Sciences Po Paris.
→ De 2014 à 2016
Diverses expériences professionnelles dans l’économie sociale et solidaire.
→ 2016
Consultante chez The Boson Project.
→ 2020
Directrice conseil, organisations et management de The Boson Project.
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