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En colère et bientôt en grève de la substitution ?

Publié le 8 mai 2010
Par Magali Clausener
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Les Pharmaciens en colère ont lancé un appel à la grève de la substitution pour protester contre la situation économique dans laquelle se trouvent de nombreuses officines. Le ministère prend la menace très au sérieux.

Le temps de l’action est venu. Les pharmaciens doivent agir fermement. […] C’est pourquoi, à compter du 17 mai 2010, nous vous demandons de stopper la substitution dans votre officine. » Ce message signé des Pharmaciens en colère (PEC) et mis en ligne sur leur site le 28 avril dernier n’est pas anodin. Même si au départ l’action ne concernerait qu’une seule molécule, elle est, en effet, extrême. Mais le président des PEC, Frédéric Abecassis, la justifie : « Les pharmaciens ont l’impression de n’être jamais entendus. D’ailleurs, le mouvement vient de la base. Depuis trois ans que les PEC existent, aucune mesure concrète en faveur des officines n’a été prise par les pouvoirs publics. La loi HPST, c’est très bien, mais nous n’en verrons les effets que dans quatre ans. Nous voulons des mesures à court terme qui permettent aux pharmacies dans le rouge de s’en sortir : une augmentation de la première tranche de marge à 30 euros, l’injection de 500 millions dans le réseau officinal, la suppression des grands conditionnements et le retrait de la loi de modernisation de l’économie pour les officines. » A cela s’ajoute l’éventualité de la vente de médicaments sur Internet ainsi que la mise en place de la vignette orange qui ont mis le feu aux poudres.

« Cet appel à la grève traduit le désarroi d’un certain nombre de pharmaciens qui sont dans une situation économique inextricable, explique Philippe Gaertner, président de la FSPF. C’est un mouvement de la base et c’est la raison pour laquelle il ne faut pas le sous-estimer. Au bureau et au conseil d’administration de la FSPF, nous avons déjà eu des demandes d’action de la part de certaines régions. La base est « remontée ». C’est inquiétant. Nous en avons déjà fait part au cabinet du ministre de la Santé. »

Une grève qui pourrait coûter cher à l’officine

Pour autant, une grève de la substitution serait-elle judicieuse, notamment deux jours avant la première réunion de travail sur la marge entre les syndicats et le ministère de la Santé le 19 mai prochain ? Claude Japhet, président de l’UNPF, n’a pas voulu faire de commentaire sur le sujet. « Je n’en fais pas sur ce genre de mot d’ordre, déclare également Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO. Quand on en lance un, il faut être sûr que cela soit efficace dans le rapport de force et ne pas donner de mauvaises idées aux pouvoirs publics – comme les TFR. Sans compter que les génériqueurs pourraient aussi réagir. Il pourrait y avoir de mauvaises surprises, par exemple un procès contre les pharmaciens qui feraient la grève de la substitution d’une molécule. » La grève comporte aussi d’autres risques : les caisses d’assurance maladie pourraient refuser le paiement du tiers payant. Il ne faut pas non plus oublier que les génériques représentent de 20 à 25 % de la marge des pharmaciens. Refuser la substitution peut donc mettre en péril l’économie de l’officine. Et l’image du pharmacien auprès des patients.

La FSPF attend le 7 juillet pour se prononcer

Frédéric Abecassis en est conscient, mais persiste : « Une grève montrerait la détermination des pharmaciens. » Cependant, il attendait le conseil d’administration de la FSPF du 5 mai, syndicat auquel il appartient en tant que président du syndicat de l’Hérault, pour savoir si le mouvement serait suivi. « Le conseil d’administration a pris acte de la convocation des syndicats par le ministère de la Santé pour travailler sur la marge des officines. C’est un point positif qui révèle que les difficultés des officines sont prises en compte. Le conseil d’administration a donc décidé de reporter les mesures envisagées au 7 juillet, date de l’assemblée générale extraordinaire, afin de laisser le temps à la négociation, relate Philippe Gaertner. Si les orientations proposées ne sont pas satisfaisantes, l’assemblée générale extraordinaire décidera si des mesures, qui pourraient porter sur les génériques et sur l’organisation des gardes, doivent être prises. »

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A l’heure de mettre sous presse, Frédéric Abecassis ne sait pas si la grève va être lancée : « Ce n’est pas moi qui décide. Soit on commence la grève pour faire pression, soit on ne la fait pas pour ne pas paralyser les négociations. Je donnerai mon point de vue, mais chacun agira ensuite. » Quoi qu’il en soit, l’appel des PEC et la décision de la FSPF d’attendre juillet pour agir en fonction des propositions du ministère montrent que la grogne monte. Et que certains sont prêts à payer le prix fort pour obtenir satisfaction.

dernière minute

La réponse du ministère de la Santé

Voici l’essentiel de la réponse du ministère de la Santé, interrogé sur le mot d’ordre des Pharmaciens en colère et leurs revendications :

« Concernant la situation économique des officines, certaines pharmacies, notamment en milieu rural, font face à des difficultés économiques, ce qui pourrait menacer le maillage territorial. Un groupe de travail spécifique, associant les représentants de la profession, a été chargé de dresser un constat objectif de la situation du secteur et de proposer des réponses aux préoccupations des pharmaciens. L’impact des grands conditionnements sera pris en compte dans le constat qui sera effectué. Par ailleurs, la loi de modernisation de l’économie a réduit les délais de paiement aux fournisseurs. Compte tenu de leurs spécificités, le ministère de la Santé a toutefois obtenu une application progressive de cette mesure pour les officines afin de ne pas déstabiliser le secteur. Les pharmaciens ont été les artisans du succès de la substitution, démontrant ainsi le rôle particulièrement efficace qu’ils jouent auprès des patients et leur implication dans les politiques de maîtrise médicalisée. Une grève de la substitution constituerait un message très négatif qui ne serait pas compris par les patients et qui pénaliserait les pharmaciens eux-mêmes. »

Le ministère a également précisé qu’« aucune décision concernant la vente des médicaments sur Internet n’a été prise » – même si « la réglementation française doit s’adapter », et qu’il « s’agit donc d’éviter tout dérapage et de préserver le monopole pharmaceutique ».