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Une diététicienne à l’officine
Emmanuel Bay, titulaire de la pharmacie de l’hôtel de ville à Tourcoing, a ouvert son officine à une diététicienne, non pour doper ses ventes mais pour fidéliser ses clients en améliorant leur prise en charge.
Emmanuel Bay est l’un des premiers pharmaciens à vivre la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » grandeur nature. Titulaire de la pharmacie de l’Hôtel de ville à Tourcoing (Nord), il accueille depuis deux mois Julie, diététicienne diplômée d’Etat. Claire, infirmière, rejoindra l’équipe en septembre prochain. Toutes deux permettront d’élargir l’offre en suivi thérapeutique. Cette initiative est possible grâce à l’association du groupement d’employeurs Team Pharma auquel appartient Emmanuel Bay, membre du groupement Viadys (PHR).
Emmanuel Bay pratique depuis longtemps le principe de l’« officine ouverte ». Son équipe de sept personnes est habituée à la présence d’intervenants extérieurs. « Nous accueillons quatre fois par an des animatrices du réseau pour des journées bébé, cosmétique, régime… », expose le titulaire pour lequel ces services supplémentaires sont « un plus qui va de soi ».
Eduquer le patient
Aujourd’hui il décide de passer à l’étape supérieure : l’accueil régulier d’un professionnel de santé qui exige une information préalable des clients et un suivi de la prise en charge. Pour ce pharmacien, l’intervention d’une diététicienne et d’une infirmière est un service complémentaire à l’acte de délivrance dans son officine du centre-ville : « Nous n’avons ni le temps, ni les conditions de confidentialité requises pour répondre aux questions des clients lorsque ceux-ci se présentent avec une ordonnance après une prise de sang. Or, il existe un réel besoin d’information », constate Emmanuel Bay. Il évoque une cliente ne comprenant ni le sens du terme hypertendu, ni la prescription de son médecin traitant… D’où l’importance d’une éducation thérapeutique. « A la lecture d’une ordonnance évoquant une pathologie nécessitant un suivi, nous la commentons avec notre client et l’informons de la possibilité de consulter sur place une diététicienne », indique Pauline, l’adjointe en charge de l’initiative, qui veille à la communication entre les clients, les intervenants et l’équipe parfaitement intégrée dans la démarche. Lorsque le patient est intéressé, on lui remet un livret et lui propose un rendez-vous qui lui sera confirmé par téléphone. De son côté, il doit consigner de façon précise dans un semainier la composition de ses repas.
Des prestations gratuites
Moyennant une cotisation de 240 euros par mois à l’association de groupement d’employeurs, Emmanuel Bay offre gracieusement une journée de consultation en diététique à ses clients. Il doublera la mise en septembre quand l’infirmière, qui a déjà effectué des essais, commencera ses visites régulières. Pendant sa journée de consultation à la pharmacie de l’Hôtel de ville, Julie Capot, qui intervient dans 21 autres pharmacies du département, voit huit clients. Certains sont déjà des « habitués ». « Mes consultations durent en moyenne 45 minutes. Au bout de trois ou quatre séances, la prise en charge se termine, le client pouvant lui même prendre son régime en main », note-t-elle. Après avoir recueilli des informations précises sur les habitudes alimentaires du patient, elle établit avec lui une liste de recommandations, fixe les objectifs et lui fournit des documents (conseils, recettes….). Dans certains cas (compulsion alimentaire…), elle n’hésite pas à orienter vers des professionnels spécialisés. Dans tous les cas, les données sont « anonymisées » avant d’être centralisées chez Team Pharma.
« Peu de patients connaissent l’existence de cabinets de diététiciennes en ville. Et bien souvent ils ne pourraient pas faire appel à une prestation qui n’est pas encore remboursée. », constate Julie Capot. En vêtements de ville, elle veille à mettre les clients à l’aise dans la pièce qu’Emmanuel Bay a mise à sa disposition et qui garantit la confidentialité de l’entretien. Il arrive parfois que des clients reconnaissants veuillent rémunérer Julie pour ses conseils ! « Dans ce cas, je leur dis que c’est gratuit et j’ajoute qu’ils peuvent remercier leur pharmacien qui leur offre ce service ! », déclare-t-elle en souriant.
Emmanuel Bay espère ainsi fidéliser sa clientèle. Installé à quelques dizaines de mètres de deux confrères (30 autres dans la ville), son problème majeur est la versatilité de ses clients. « Seul un tiers de ma clientèle se compose de fidèles. Les autres sont des clients de passage ou qui fréquentent diverses officines de la ville. Il est moins difficile de fidéliser les clients que l’on a déjà que d’en recruter de nouveaux ! » Mais l’initiative Team Pharma n’est pas un produit d’appel pour Emmanuel Bay. Aucune affiche n’y fait référence en vitrine, tout juste une affichette sur le comptoir. L’information des clients se fait de façon personnalisée par l’équipe. Et pas question d’inciter les patients qui sortent de leur entretien à repasser par le rayon compléments alimentaires ou diététique ! Emmanuel Bay est formel : « Je ne veux pas de passage au comptoir. Ce n’est pas le but de l’opération et surtout le client se sentirait piégé. »
Et bientôt une infirmière…
En revanche, une fois sa journée terminée, la diététicienne se réserve un moment de débriefing avec l’équipe où elle dispense les informations nécessaires pour accompagner les patients dans leur traitement. C’est alors à l’équipe de prendre le relais en attendant le prochain passage de la diététicienne.
Emmanuel Bay accueillera bientôt Claire, une infirmière. Lors de journées pilote il y a trois mois, elle a effectué des tests de glycémie et des lectures de cholestérol. Un chauffeur routier diabétique, ayant déjà eu un infarctus, est déjà revenu deux fois. Le pharmacien est assuré que l’initiative rencontrera autant de succès que celle avec la diététicienne dont le carnet de rendez-vous affiche complet. « On ne peut pas se substituer à ces professionnelles », conclut-il. Cependant, il peut s’imaginer qu’un jour l’officinal puisse intervenir dans les renouvellements de traitement en fonction des résultats obtenus lors de ces consultations dans son officine.
Envie d’essayer ?
LES AVANTAGES
• Etendre sa gamme de services.
• Permettre à l’équipe de compléter ses connaissances.
• Motiver l’équipe à de nouveaux défis.
• Travailler en équipe avec d’autres professionnels de santé.
• Fidéliser les clients sans mercantilisme.
• Donner une image de professionnel de santé.
• Renforcer le capital confiance du pharmacien.
• Mettre en pratique les directives de la loi HSPT.
• Anticiper sur d’autres prestations dès que la législation le permettra.
LES DIFFICULTÉS
• Le risque que la prestation soit mal perçue par les clients.
• La nécessité de mettre à disposition un local fermé.
• La surcharge de travail générée par la gestion du carnet de rendez-vous.
• Le besoin d’être disponible et organisé pour faire face à ce surcroît d’activité, surtout si l’officine est en sous-effectif.
• Devoir supporter un regard extérieur dans le quotidien de son officine.
LES CONSEILS
• Recueillez l’adhésion de l’ensemble de votre équipe mais nommez un responsable.
• Etablissez des consignes bien claires pour le personnel, qui soient aussi perceptibles pour le client : pas de passage au comptoir après la consultation, pas de rabattage du client pour l’opération.
• La frontière entre l’officine et la pièce de consultation doit être bien claire pour rassurer le client sur le caractère confidentiel de sa consultation.
• Veillez à ce que le débriefing soit effectué en fin de journée afin que le suivi soit assuré avec le client et qu’il n’y ait pas de contradiction entre le discours de l’officinal et celui de l’intervenant.
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