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Complètement MAD

Publié le 29 mai 2010
Par Aude Allaire
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Comment s’implanter sur un marché aussi concurrentiel que le maintien à domicile ? En montant sa propre structure juridique avec d’autres officines. C’est le pari lancé par Medicap, qui a ouvert ses portes il y a quelques mois.

Le maintien à domicile, peu ou prou, Sandrine Dazin et Frédéric Kochna en faisaient depuis longtemps. Chacun rêvait de développer cette activité, d’en faire un marché porteur de sa pharmacie. Une gageure lorsqu’on connaît l’âpre concurrence à laquelle se heurtent les officines, y compris de la part de leurs propres fournisseurs. « Je suis installée depuis neuf ans à Saint-Amand, et j’ai dès le départ souhaité développer le MAD dans mon officine, explique Sandrine Dazin. Au décès de mon mari, j’ai mis ce projet, trop lourd à gérer seule, de côté. » Pour Frédéric Kochna, le MAD s’affirme également comme un axe de développement principal. « Dès mon arrivée, il y a trois ans, j’ai souhaité mettre en place cette activité le plus vite possible au sein de mon officine, se souvient-il. D’abord parce que cela m’intéressait, ensuite parce qu’il me semble que c’est l’un des grands domaines de service que le pharmacien se doit d’apporter à sa clientèle. Enfin, parce que je n’avais jamais exploité ce marché au cours de ma carrière professionnelle. » Même si la motivation est forte, le projet mûrira pourtant doucement avant d’aboutir à l’ouverture du magasin spécialisé Medicap.

Développer l’entente confraternelle

En arrivant à dans la ville thermale du Nord, Frédéric Kochna souhaite d’abord faire connaissance avec ses confrères déjà installés et instaurer des relations confraternelles propices à l’échange d’idées et à la mutualisation des moyens. Peu à peu, les titulaires des sept officines de la ville prennent l’habitude de se réunir mensuellement. « Chacun venait parler de ce qui lui tenait à cœur, reprend le titulaire de la pharmacie de l’Amandinois. Il pouvait s’agir, par exemple, de discuter de l’interprétation de nouvelles réglementations ou de difficultés rencontrées avec un fournisseur. » Les pharmaciens décident un jour de mutualiser leurs moyens pour optimiser les choix des fournisseurs. Ils montent de façon informelle une plate-forme d’achat au fonctionnement très souple. « Pour la contention par exemple, nous nous mettons d’accord sur les fournisseurs avec lesquels nous voulons travailler et nous essayons de grouper les commandes. L’un de nous passe commande pour l’ensemble des officines et nous facture des rétrocessions en fin de mois », précise Sandrine Dazin. Les relations de confiance qui s’installent entre titulaires à Saint-Amand incitent Frédéric Kochna à pousser plus loin son projet. « Je leur ai proposé de tous nous associer dans une structure juridique indépendante et de monter un magasin de matériel de maintien à domicile. Le but était de contrôler totalement la filière tout en déchargeant chaque officine des aspects logistiques de l’activité », dit encore Frédéric Kochna. Sur les sept officines, six d’entre elles adhérent au projet.

La structure retenue est une SAS : société par actions simplifiée. Entre la société anonyme et la société à responsabilité limitée, cette structure juridique laisse une grande liberté aux associés – contrairement à la SA –, le fonctionnement interne de la SAS étant essentiellement défini par les statuts, et non par la loi. « Il fallait créer une structure juridique totalement indépendante de nos officines. La SAS m’a paru la mieux adaptée », explique Frédéric Kochna. Mais, au fil du temps, la réalisation de l’affaire se révèle plus compliquée que prévu… « Nous avons commencé à nous réunir tous ensemble en juillet 2007, se souvient-il. Au début de l’année 2009, nous étions cinq à travailler sur le projet de société de matériel de maintien à domicile. Le budget s’élevant à 500 000 €, cela représentait un investissement de 100 000 € par officine. Quand nous avons signé l’acte notarié pour l’acquisition du terrain et obtenu le permis de construire, nous n’étions plus que deux officines à maintenir notre investissement. » Pour le titulaire, le constat est amer, mais il reconnaît aussi volontiers avoir été le plus « motivé » par le projet tout au long de sa préparation. Les investissements, qui finalement s’élèvent à près de 600 000 €, sont donc répartis entre les deux actionnaires : Frédéric Kochna reprenant à son compte 75 % du chiffre nécessaire, et Sandrine Dazin 25 %. « J’ai financé cette société sur mes fonds propres. Je n’ai pas planifié le développement de cette affaire en fonction des ressources de mon officine », se félicite encore le titulaire de la pharmacie de l’Amandinois.

Trouver les bons collaborateurs

En décembre 2009, les travaux ayant pris du retard, le magasin de matériel de maintien à domicile Medicap ouvre enfin ses portes. Il a aussi fallu pour cela trouver deux salariés à plein temps qui puissent à la fois assurer le commercial ainsi que la gestion des commandes, des relations clients et des livraisons au domicile des patients. « Je me suis d’abord intéressé aux équipes que je voyais évoluer chez mes propres fournisseurs, explique Frédéric Kochna. Cela m’a permis de tester les candidats potentiels, d’éprouver leur façon de travailler. C’est comme cela que j’ai repéré un technicien expert en la matière qui travaillait pour une société nationale de matériel de MAD. Le second a un diplôme de commercial. » Quant aux deux titulaires, ils sont présents sur le site de Medicap tous les lundis matin. Après cinq mois de fonctionnement, la toute jeune entreprise ne crie pas victoire trop vite. « Les résultats sont certes encourageants, mais il faut rester prudent », note le titulaire de la pharmacie de l’Amandinois. Toutefois, point déjà positif, le marché du MAD côté officine a été dynamisé par l’aventure, que ce soit chez Sandrine Dazin ou Frédéric Kochna.

«  L’ouverture de Medicap a réellement boosté l’activité de maintien à domicile de l’officine, note Frédéric Kochna. Cela est avant tout lié à la sensibilisation de mon équipe officinale, qui est venue avec moi faire des formations. De plus, mes collaborateurs sont en contact permanent avec les commerciaux de Medicap. C’est d’ailleurs la politique de la société : lorsqu’une officine, quelle qu’elle soit, appelle pour livrer un lit au domicile de l’un de ses clients, les commerciaux de Medicap détectent très souvent d’autres besoins en se rendant sur place. Ils se tournent alors vers l’officine à l’initiative de la livraison pour proposer une nouvelle prescription de matériel complémentaire. » Sandrine Dazin constate elle aussi que l’ouverture de Medicap a constitué un vecteur de motivation pour son équipe. « Depuis neuf ans, j’exposais toujours dans l’officine du matériel de MAD. Cela a été jusqu’à installer un lit en plein milieu du passage pour interpeller mes clients et les informer sur cette activité. Mais sans jamais obtenir beaucoup de résultat. Alors que je sens mon équipe beaucoup plus impliquée depuis que nous travaillons sur le projet Medicap. Comme moi, mes collaboratrices ont suivi les formations d’Hélène Prêcheur, qui vient régulièrement nous former sur le matériel le mieux adapté à chaque cas. De plus, nous avons fait en sorte que les équipes des deux officines ainsi que l’équipe de Medicap se connaissent bien pour faciliter les échanges professionnels. »

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Si l’idée de rallier l’ensemble des officines d’une même agglomération autour d’un projet d’activité commun n’a pas tout à fait été concrétisée, elle montre pourtant dans sa version finale les avantages à tirer d’échanges professionnels interofficines. Un exemple à méditer, sans doute adaptable à bien d’autres lieux et configurations de projets.

Envie d’essayer ?

LES AVANTAGES

• Un moyen sûr de développer le MAD dans son officine en profitant d’un soutien logistique.

• Rivaliser avec la concurrence en bénéficiant des mêmes « armes » commerciales.

• Mutualiser les moyens et, donc, diminuer les coûts.

• S’exercer à un nouveau métier au sein d’une structure différente de l’officine, notamment au travers de la fonction managériale de commerciaux.

• Rencontrer des fournisseurs que le pharmacien ne voit pas dans son exercice officinal.

LES DIFFICULTÉS

• Bien évaluer la taille du magasin, qui doit être suffisamment grand pour exposer convenablement le matériel, mais pas trop pour éviter des investissements (puis des charges) trop importants.

• Fédérer jusqu’au bout l’ensemble des confrères d’un périmètre donné.

• La mise en place est assez chronophage et nécessite d’être optimiste et motivé.

LES CONSEILS

• Foncez et ne vous découragez pas face aux désistements ! Avoir l’esprit confraternel est important à condition que cela ne devienne pas un frein au développement de votre propre officine.

• Choisissez bien l’emplacement, en tenant compte notamment de la facilité d’accès, de la visibilité.

• Veillez au recrutement des premiers salariés. Une piste : débaucher les meilleurs des sociétés concurrentes ! Privilégiez en tout cas une équipe disposant d’une bonne expérience du terrain.