- Accueil ›
- Business ›
- RH et management ›
- Carrière ›
- Les salariés de l’offici ne s’y plaisent, femmes en tête
Les salariés de l’offici ne s’y plaisent, femmes en tête
Trois études de l’Observatoire des métiers des professions libérales donnent une cartographie très précise de l’officine. Où l’on apprend qu’elle recrute, que les femmes y sont toujours plus nombreuses et que le turnover est très faible. Notamment parce que les perspectives de carrière sont limitées.
Le 21 juin dernier, l’Observatoire des métiers des professions libérales (OMPL) a présenté trois études sur la branche officinale. La première concernait le temps partiel, la deuxième, le turnover, et la dernière le parcours professionnel des salariés. Une cartographie en demi-teinte : si l’attrait de la croix verte s’en trouve confirmé, cette triple analyse pointe aussi du doigt les problèmes de rémunération et de formation.
Pour analyser l’étendue du temps partiel à l’officine, le cabinet Ithaque a enquêté, du 15 février au 31 mars dernier, auprès de 430 entreprises, 523 salariés – dont la moitié à temps partiel – et 60 anciens salariés. Plus des trois quarts des officines emploient au moins un salarié à temps partiel : 40 % n’en ont qu’un, 45 % en comptent deux ou trois et 15 % en emploient davantage. Ces chiffres augmentent bien sûr avec la taille de la pharmacie, mais, à taille égale, le nombre de salariés à temps partiel par entreprise est plus élevé en zone rurale qu’en zone urbaine (voir p. 7). Les salariés à temps partiel sont majoritairement des femmes qui vivent en couple et ont des enfants. Outre la demande d’un salarié (55 % des cas), la mise en place d’un temps partiel est motivée par des raisons d’organisation (40 %), « pour le personnel d’entretien par exemple », indique Philippe Debruyne, consultant du cabinet Ithaque. Ces employés sont d’ailleurs tous à temps partiel, tandis qu’un préparateur sur deux est concerné.
Le temps partiel, un outil à double tranchant
Les pharmaciens, eux, sont proportionnellement plus nombreux à temps partiel qu’à temps plein. Malgré cette large utilisation, « près des deux tiers des officines ne souhaitent pas développer le temps partiel, et ce, pour des raisons très diverses : équilibre de temps partiel atteint, temps complet plus adapté, pas de moyens ». Car le temps partiel ne présente pas que des avantages : hormis une réponse aux contraintes de l’activité officinale, « notamment parce que les 35 heures ne correspondent pas au temps d’ouverture d’une pharmacie », prendre un temps partiel alourdit l’organisation et peut aussi affaiblir l’implication des salariés concernés. In fine, l’enquête montre un temps partiel plutôt subi par les contraintes de l’activité officinale, en particulier pour les employés administratifs et d’entretien.
Signe de la vitalité du secteur, les pharmacies n’hésitent pas à recruter, à en croire les résultats de la deuxième enquête de l’OMPL, réalisée auprès de 164 000 salariés entre 2005 et 2009. « Sur les quinze dernières années, le nombre de salariés a progressé de 22 % alors que le nombre de pharmacies d’officine avec salariés est resté relativement stable », commente Muriel Epstein, consultante au cabinet d’études Geste, qui a réalisé l’étude pour l’OMPL.
Effectifs stables mais perspectives de carrière limitées
L’effectif de la pharmacie augmente donc légèrement, avec une moyenne de 5,5 salariés (contre 4,6 en 1993). Les femmes en tête (88 %), talonnées par les employés (75 %). Les cadres, eux, ne représentent que 25 % du personnel.
Autre trait de caractère de la branche : l’âge moyen des salariés se situe autour de 39 ans. « La disparition du CAP d’employé de pharmacie explique en partie la baisse des effectifs entre 26 et 28 ans. » Le nombre de pharmaciens qui passe le cap de la titularisation (858 nouveaux titulaires durant les huit dernières années) peut aussi motiver la baisse des effectifs âgés de 28 à 32 ans, tandis que les plus de 55 ans partent progressivement en retraite. Au-delà de ces spécificités, l’OMPL observe une large stabilité des effectifs de cadres jusqu’à 65 ans grâce à l’arrivée régulière de pharmaciens adjoints. En revanche, le nombre d’employés diminue, à chaque tranche d’âge, de 21 à 31 %, à l’exception des 25-35 ans. Une baisse qui peut s’expliquer notamment par « des départs de la branche d’environ 9 000 salariés par an majoritairement âgés de moins de 45 ans », poursuit Muriel Epstein.
Par ailleurs, l’enquête révèle que les quatre premières années de vie à l’officine sont déterminantes. « Soit les salariés ont passé moins de deux ans à l’officine avant de la quitter définitivement, soit ils y restent plus de quinze ans », note-t-elle. Une fois qu’il a choisi son camp, le personnel semble donc se plaire à l’officine. Un fossé sépare pourtant les employés des cadres : 30 % des premiers ont moins de deux ans d’ancienneté tandis que les seconds affichent une ancienneté de treize ans (cinq en moyenne chez les employés). Ainsi, le turnover de la branche officinale est bien inférieur à celui de l’ensemble des secteurs (38,9 % entre 2004 et 2006), avec un taux compris entre 24 et 35 % (une variation qui tient compte de salariés intermittents). Une bonne nouvelle ? Pas sûr. Car ce chiffre cache des perspectives de carrière limitées, en particulier chez les préparateurs. « Les probabilités de changer de secteur tout en exerçant la même profession sont donc restreintes. Les autres secteurs n’offrent qu’un nombre limité d’emplois, environ 8 % dans le secteur hospitalier et 2 % dans le secteur de l’industrie. En revanche, les autres employés peuvent plus facilement transférer leurs compétences dans un autre secteur professionnel, la parapharmacie ou la parfumerie pour les vendeurs », analyse le cabinet.
Le turnover des cadres est ainsi plus important que celui des employés. Cela dit, une minorité de salariés (14 %) quitte la branche officinale. Ceux qui quittent une pharmacie pour en rejoindre une autre sont plus nombreux (21 %). Les plus mobiles ? Les 25-35 ans, les hommes et les salariés qui vivent en Bretagne, dans les Pays de la Loire, en Ile-de-France et dans le Limousin. A noter la présence de deux cas particuliers à l’officine : le salarié multiemployeur (5 % des salariés), qui concerne surtout les employés d’entretien car ces derniers obtiennent rarement un poste à temps plein, et l’existence de salariés multicontrats avec la même pharmacie (16 % des salariés).
Les salariés adorent le contact avec les patients
« Plus de la moitié des entreprises n’ont pas eu de difficultés à recruter », nous apprend la troisième et dernière étude de l’OMPL, réalisée dans les mêmes conditions que la première par le cabinet Ithaque. Les salariés interrogés plébiscitent le contact avec le public, les relations de travail avec leurs collègues, leur autonomie, le contenu de leurs tâches ainsi que leur diversité, et la sécurité de l’emploi.
Ils rechignent plus dès qu’il s’agit d’accès à la formation, de reconnaissance sociale, de niveau de rémunération et de perspectives de carrière… (voir ci-dessus). Les conditions de travail et de rémunération sont ainsi les raisons de départ les plus invoquées. Pour aller où ? Après l’officine, employés, pharmaciens et préparateurs se dirigent vers le secteur hospitalier ou sanitaire et social. Un nouvel emploi qui a permis aux répondants de gagner sur les horaires et en qualité de vie. Ces derniers regrettent toutefois de ne plus être en contact avec les patients. Il ne reste plus qu’à espérer que nos pouvoirs publics entendent la nécessité de faire un effort sur la formation, la rémunération et les conditions de travail à l’officine.