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La polémique sur les prix continue

Publié le 3 juillet 2010
Par Marie Luginsland
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L’Institut droit et santé et la chaire santé de Sciences-Po ont dressé, le 23 juin à l’université Paris-Descartes, un bilan de la politique de prix des médicaments en France. Où il ressort que, malgré un fonctionnement plutôt satisfaisant, cette politique mériterait peut-être certains ajustements, notamment en ce qui concerne les déremboursements et les génériques.

En France, pays champion européen de la consommation pharmaceutique, le prix du médicament est fixé selon un compromis entre l’industrie et les pouvoirs publics. Pourtant, les règles en vigueur dans d’autres pays européens, comme en Grande-Bretagne ou en Allemagne, où le prix du médicament est libre, commencent à avoir une influence sur la politique menée par l’actuel gouvernement. Le marché français est ainsi incité à en tenir compte, notamment par une directive ministérielle en vue d’une « exigence de cohérence avec les prix européens ».

Une politique de génériques inaboutie

Pour autant, cet alignement sur le prix moyen européen n’a pas enrayé la chute des prix observée depuis 2003, résultat notamment de l’indéniable « effet générique ? ». Toutefois, comme le rappelle Pierre-Louis Bras, inspecteur général des Affaires sociales, « la France ne va pas au bout de sa politique des génériques tant qu’elle n’adopte pas des prix forfaitaires par classe de médicament, comme cela est le cas dans certains pays européens dont l’Allemagne ».

Le système fonctionne malgré tout. Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), dont on se souvient qu’une polémique l’avait opposé, en mai dernier (voir Le Moniteur n° 2830), à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé à propos des écarts de prix entre médicaments similaires, en veut pour preuve la politique conventionnelle qui le sous-tend et la force du consensus entre l’industrie et les pouvoirs publics : « Quand on est prêt à mettre un prix, c’est qu’il n’est pas si mauvais que cela ! » Sous-entendu : si les laboratoires acceptent des prix qu’ils jugent par la suite trop bas, c’est qu’ils ne le sont pas tant que ça… Noël Renaudin est d’ailleurs rejoint dans cette analyse par Philippe Lamoureux, directeur général du Leem (Les Entreprises du médicament), qui estime que « ce système régule dans la continuité et non pas au coup par coup ».

Attaché à ce système même s’il n’est pas « nécessairement vertueux », le Leem réclame pourtant davantage de… transparence dans les avis de la Commission de la transparence qu’il entend pouvoir contester. Une revendication qui suscite l’étonnement du CEPS car, comme rétorque Noël Renaudin, « quand les labos attaquent les décisions du CEPS, jamais ils ne s’appuient dans leurs arguments sur l’avis de la Commission de la transparence qui, pourtant, se base sur le jugement du CEPS ! »

Des déremboursements incompréhensibles

Le manque de transparence du système est lui aussi dénoncé par Thomas Sannié, représentant du Collectif interassociatif sur la santé et vice-président de l’Association française des hémophiles. Il reste persuadé que « des hausses sont acceptées sur certains produits pour permettre de baisser le prix d’autres médicaments » et s’interroge sur les marges de négociations. S’il reconnaît que la France reste championne de la prise en charge, il ne pointe pas moins du doigt une dégradation insidieuse du système par l’augmentation du ticket modérateur et de l’automédication. Il insiste par ailleurs sur l’incompréhension des usagers face aux déremboursements. En un mot, « si un médicament justifie son intérêt, il mérite un prix ».

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Gilles Bouvenot est lui aussi placé face à ce dilemme. Il fait part du bouleversement apporté au sein de la Commission de la transparence, qu’il dirige, par le taux de remboursement à 15 % des produits à service médical rendu (SMR) faible. Jusqu’alors, elle pouvait statuer entre un SMR modéré ou faible, sans conséquence sur la prise en charge. Aujourd’hui se pose la question du choix entre l’acuité de la pathologie et le degré d’efficacité du médicament car « les assurances complémentaires n’appliquent pas toutes le même ticket modérateur, ce qui peut être source de disparités entre les assurés et, donc, pour certains, peut restreindre leur traitement ».

Une ASMR V « contournable »

Tout nouveau produit classé ASMR V (pas d’amélioration du service médical rendu) ne peut prétendre à être remboursable que s’il est moins cher que ses concurrents, obligeant les fabricants à s’aligner sur le prix du moins-disant. Pourtant, comme le remarque Gilles Bouvenot, « la Commission de la transparence doit faire face à des cas de médicaments auxquels est attribuée une ASMR V mais qui détiennent de nouveaux mécanismes d’action ou encore peuvent être prescrits à certains patients intolérants aux produits précédents ». La Commission de la transparence contourne alors élégamment le problème en informant le Comité économique des produits de santé qu’il n’y a « aucun progrès déterminé mais un moyen supplémentaire utile ».