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Panne moteur
Après plus d’une décennie d’existence du droit de substitution pharmaceutique, le générique est à la recherche d’un second souffle. Dans un système équilibré qui, en règle générale, encourage son développement, ce médicament peut mieux faire en termes de pénétration.
L’an dernier, le marché du Répertoire a enregistré une forte croissance en valeur de 23 % à 3,780 milliards d’euros (source GERS, année 2009), liée à l’inscription de deux molécules majeures : pantoprazole (en mai) et clopidogrel (en octobre). Mais lorsqu’on s’arrête à la croissance du générique (+ 11,8 %, à 2,289 milliards d’euros), force est de constater que la déperdition est énorme !
Le taux de pénétration des médicaments génériques reste modéré : il est bloqué à 12 % en valeur et à 23 % en volume du marché pharmaceutique remboursable. Plus grave, la part des génériques au sein du Répertoire (823 millions de boîtes) a régressé en volume de 75,4 % en 2008 à 72,1 % en 2009, et en valeur de 67,9 % à 60,6 %. L’effet de « rebasage » arithmétique dû à l’introduction de molécules importantes dans le Répertoire en cours d’année a été fatal à la pénétration du générique. Mais cette dilution est également provoquée par l’essoufflement de la substitution dans certains cas.
La France toujours en retard avec ses voisins
Cette baisse de régime a plusieurs explications : année 2009 plus pauvre en échéances brevetaires, durcissement des opposants à la substitution, développement des pratiques de protection abusives, polémique sur la qualité des génériques rendant l’acception des génériques par les patients moins sereine, substitution dépitée sur le dextropropoxyphène/paracétamol (cette association remporte malgré tout la palme des ventes en unités, devant amoxicilline, zolpidem, metformine et ibuprofène).
Malgré tout, les économies sont au rendez-vous : 1,3 milliard l’an dernier (source Gemme). Mais ce « surplace » des copies de médicaments, et plus largement des médicaments du Répertoire des génériques, confirme hélas les lacunes et limites du dispositif actuel, si particulier et propre à la France. Elle ne parvient plus à résorber son retard avec ses voisins européens. Le manque à gagner est estimé au milliard d’euro par an, si elle se contentait simplement de le rattraper.
Dans un environnement concurrentiel sous pression et un marché marqué par des baisses de prix importantes (100 millions d’euros pour la dernière vague de mars 2010), des mesures clés sont toujours en attente pour donner un second souffle à la croissance du générique en France : élargissement du Répertoire au paracétamol, aux plantes, aux patchs…, renforcement des mesures incitatives pour augmenter le taux de pénétration des génériques dans le Répertoire, et notamment l’objectif de prescription en DC, mise en œuvre des CAPI (contrats d’amélioration des pratiques individuelles). « Si le pharmacien est toujours un acteur essentiel, le médecin peut apporter sa pierre à l’édifice… La qualité d’un bon marché générique, c’est un acteur moteur, mais accompagné », soutient Didier Barret, président de Mylan EMEA et France.
NS : deux lettres à bannir
Les trois quarts des Français achètent des génériques et, dans plus d’un cas sur deux, le pharmacien est à l’origine de cet achat, selon une enquête GfK HealthCare. Ils reconnaissent donc une utilité économique et sociale au générique. Paradoxe : les officinaux affirment qu’ils sont de plus en plus souvent confrontés à des patients qui refusent les génériques, d’après un sondage Ipsos/Pharmagora. En effet, la mention « non substituable » revient plus souvent qu’avant dans les ordonnances. Selon cette enquête menée auprès de 700 pharmaciens, 58 % d’entre eux notent une augmentation du nombre de clients leur présentant une ordonnance avec la mention « non substituable ». Par ailleurs, 43 % des pharmaciens estiment que la proportion de clients refusant le générique proposé a également augmenté. 43 % n’ont pas le sentiment que cette proportion a changé, alors que 14 % affirment qu’elle diminue.
Enfin, 30 % des pharmaciens déclarent que les clients sont de plus en plus nombreux à exiger des médicaments qu’ils ont eux-mêmes choisis, tandis que 5 % considèrent qu’il y en a de moins en moins et 65 % que leur proportion reste stable.
Les généralistes mal informés
Malgré les génériques et les baisses de prix, la Sécurité sociale n’aura jamais autant dépensé pour le médicament. Au fur et à mesure de la tombée des brevets, la prescription se déplace à l’extérieur du Répertoire des génériques, sous la pression des laboratoires. Un phénomène de grande ampleur que les fabricants de génériques qualifient d’érosion du Répertoire et qu’ils ont sans cesse décrié. Alors que dans les principales classes pharmacologiques, ce sont le plus souvent ces bonnes « vieilles molécules » du Répertoire des génériques qui possèdent les meilleurs niveaux de preuves et sont si bon marché en comparaison, qu’elles devraient occuper davantage le devant de la scène…
Ces piètres résultats trouvent principalement leur explication dans le défaut d’accompagnement des médecins par les pouvoirs publics, en termes d’information sur ces médicaments plus anciens, mais toujours aussi efficaces, et dans l’abandon de ces professionnels de santé livrés à la seule promotion industrielle, par tous les « canaux » de communication sur lesquels l’industrie intervient (visite médicale, formation médicale continue, prise en charge dans les congrès, influence des leaders d’opinion, association de patients…).
Une enquête récente réalisée pour le compte du Gemme par BVA Healthcare ne concluait-elle pas sur le constat que « les médecins généralistes se considèrent comme mal informés » et que « 94 % d’entre eux sont demandeurs d’aide à la prescription, en particulier en ce qui concerne leur information », et qu’ils « souhaitent dans ce contexte que la Caisse nationale d’assurance maladie s’investisse dans ce rôle d’information » ?
« Tant que les délégués de l’Assurance maladie ne seront pas spécialisés par domaine thérapeutique, que leur formation ne les amènera pas à un bon niveau d’expertise (avec notamment la connaissance et la maîtrise des études cliniques, des avis de la Commission de la transparence), que la CNAMTS n’adoptera pas de véritables stratégies marketings, avec des supports de communication professionnalisés et pertinents (type remis médecin), que des objectifs de couverture de cible et de fréquence de visites des médecins resteront aussi insuffisants (en comparaison aux standards de l’industrie), que les outils de suivi d’impact des campagnes demeureront inadaptés (imprécis, insuffisamment détaillés, non réactualisés en temps et en heure…), la dérive collective des prescriptions sous la seule influence de la promotion industrielle se perpétuera et parviendra à contourner efficacement le générique, en faisant glisser les prescriptions vers les fausses innovations coûteuses au fur et à mesure de la perte des brevets », assure François Pesty, consultant.
Progressivement, les conditions permettant aux médicaments génériques un accès rapide et équitable au marché se mettent en place. Le bilan de l’année 2009 est, sur ce plan, globalement positif, même si le remodelage de l’univers des génériques butte encore sur des obstacles politiques.
Elargir la spécialité de référence
Un article permettant aux spécialités génériques de prendre les mêmes caractéristiques physiques que la spécialité de référence a été proposé par l’Assemblée nationale et confirmé par le Sénat. Cet article, qui avait pour objet de faciliter l’observance des traitements médicaux, avait un véritable intérêt pour la santé publique.
Attendu par de nombreux acteurs du domaine de la santé, l’article a été invalidé par le Conseil constitutionnel, pour qui cette mesure « n’avait pas d’effet ou un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ».
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a introduit une nouvelle rédaction de l’article L. 5121-1 du Code de santé publique qui élargit la définition de la spécialité de référence. Cette nouvelle rédaction permet, d’une part, l’inscription, dans un groupe générique, d’une seconde spécialité de référence lorsque celle-ci présente une fraction thérapeutique active identique à celle de la première spécialité de référence de ce groupe, même si la structure chimique du principe actif est différente, et, d’autre part d’inscrire, sous certaines conditions, des spécialités qui se présentent sous une forme pharmaceutique orale à libération modifiée différente de celle de la spécialité de référence. Cette potentialité n’a pas encore été exploitée malgré tout le potentiel qu’elle représente pour le générique.
Les promesses des CAPI
Les enjeux sont plus que jamais importants pour les trois prochaines années. Les échéances brevetaires vont connaître un pic, tant en nombre qu’en valeur. L’année 2010 donne le ton. Sont déjà tombés ou tomberont cette année dans le domaine public : lercanidipine, losartan et losartan + hydrochlorothiazide, anastrozole, nébivolol, mycophénolate mofétil, pramipexole, acide risédronique… A cela s’ajoute la confirmation des biosimilaires comme nouvel axe de développement.
De nombreux espoirs sont placés dans les CAPI proposés aux médecins généralistes depuis avril 2009 par l’Assurance maladie. Ce contrat, qui comprend une partie relative à la maîtrise médicalisée des prescriptions, pourra permettre d’accroître les prescriptions de spécialités inscrites au Répertoire des spécialités génériques pour les classes des antibiotiques, des inhibiteurs de la pompe à protons, des antihypertenseurs, des antidépresseurs et des statines.
Jusqu’à présent, 15 000 contrats ont déjà été signés entre l’Assurance maladie et les généralistes. Sur ce premier exercice, on a pu constater une progression du taux de prescription au sein du Répertoire des génériques sur l’ensemble des cinq classes ciblées.
Deux classes, antihypertenseurs et antidépresseurs, sont très proches des objectifs intermédiaires. Cependant, pour ces deux classes, l’élément « périmétrique » semble avoir été un facteur d’évolution déterminant. Pour les autres classes, les marges de progression sont encore importantes (11 points pour les antibiotiques, 17 points pour les inhibiteurs de la pompe à protons et 17 points pour les statines).
Au printemps dernier, la légalité des CAPI a été confirmée par un arrêt de la Cour de justice européenne quant à des incitations financières proposées aux médecins britanniques pour une prescription plus efficiente. Sauf annulation par le Conseil d’Etat, les CAPI ont de beaux jours devant eux. Et, avec eux, les génériques aussi.
+ 11,8 %
En 2009, les ventes de génériques ont représenté un CA de 2,29 Md€ (+ 11,8 %), correspondant à 823 millions de boîtes délivrées dans le champ du Répertoire.
(SOURCE IMS HEALTH.)
Alors que l’avenant pour 2009 prévoyait 82 %, l’objectif national de substitution n’a pas été atteint par les pharmaciens en 2009. Les départements qui s’en rapprochent le plus sont la Lozère (80,90 %), l’Aveyron (80,17 %), le Tarn-et-Garonne (79,67 %), les Landes (79,48 %) et le Gers (79,14 %). Pour 2010, un double objectif a été fixé : atteindre un taux de 80 % de pénétration des génériques sur le Répertoire en cours dans l’ensemble des départements et porter un effort tout particulier sur les molécules jugées à fort potentiel (clopidogrel, pantoprazole, venlafaxine, lercanidipine, losartan, valaciclovir…).
Le générique en Europe
Le poids du médicament générique n’a jamais été aussi important à l’échelle européenne pour l’industrie pharmaceutique. Il est déjà au cœur des systèmes de santé des 27 Etats membres où il est source d’économies à hauteur de 25 à 30 milliards d’euros par an. Les génériques représentent 50 % en volume et 18 % en valeur du total du marché pharmaceutique. Ce marché est l’un des plus concurrentiels en Europe, soumis à de très fortes pressions sur les prix (baisses comprises entre 30 % et 90 %). Lorsqu’un princeps arrive à échéance brevetaire, 10 à 30 sociétés sont en compétition pour le génériquer. Dans les cinq prochaines années en Europe, 40 % des ventes de médicaments actuellement sous brevet seront accessibles aux génériques.
Chiffres clés
• Marché génériques remboursables 2009 :
– CA : 2,333 Md€, soit 12 % du marché remboursable (source GERS).
– Unités : 595 millions de boîtes, soit 23 % du marché remboursable (source GERS).
• Les principales échéances 2010 : anastrozole, lercanidipine, acide risédronique, losartan et losartan + hydrochlorothiazide, desloratadine…
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