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Commercium bibendum

Publié le 3 juillet 2010
Par Marie Luginsland
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Après une hausse de 5,4 % en 2008, ce marché a plus que doublé son score en 2009 avec un appétissant + 12,7 % (11,9 % en valeur). Qui dit mieux ?

Tout roule pour la famille « granules », qui poursuit sa remarquable ascension entamée en 2007. L’homéopathie avec AMM (entendons ici les seules spécialités conditionnées en boîte) pèse aujourd’hui près de 170 millions d’euros et 36 millions d’unités vendues, comme autant de défis aux autres médicaments du marché du libre accès.

Plus que jamais la tendance de fond se confirme : les pics de croissance sont particulièrement notoires dans les voies respiratoires, dans les produits favorisant la circulation et l’ophtalmologie, tandis que l’otologie et la minceur subissent des baisses à deux chiffres de leur chiffre d’affaires. Le trio des blockbusters, Oscillococcinum, Stodal et L. 52, a pu cette année s’appuyer sur trois événements marquants : la campagne sur les antibiotiques, la pandémie de grippe et la crise financière. En revanche, les temps sont plus difficiles pour le marché de l’homéopathie sans AMM (Contusium, HoméoSlim…). Il s’est, cette année, pris une grosse claque en chutant de 26,2 % par rapport à 2008.

C’est un fait indéniable, la campagne d’information de l’Assurance maladie « Les antibiotiques, c’est pas automatique » a conforté la position de l’homéopathie. Ces spécialités ont en effet bénéficié du report des ventes en allopathie.

La crise est passée par là

« La campagne a incité à la communication, à l’échange entre les patients et leurs médecins et en a modifié les rapports. Elle a aussi conforté ceux qui déjà se posaient des questions sur les interactions, sur les effets secondaires et sur les répercussions sur l’environnement », note Marc Bouchu, directeur marketing chez Boiron, laboratoire dont la croissance est conforme à celle du marché. Et il y a fort à parier que la nouvelle campagne « Si on les utilise à tort, ils deviendront moins forts », visant à économiser 100 millions d’euros, prolonge encore l’effet en faveur de l’homéopathie.

Sans oublier que la crise est passée par-là, avec tout ce qu’elle comporte : retour aux fondamentaux, repli de l’individu sur son bien-être… Ce qui a bien profité aux produits homéopathiques. Véhiculant une image de sécurité, garante aux yeux du public de valeurs sûres – la constance est de mise dans la politique de marques –, l’homéopathie a servi de refuge en cette période de crise, alors que bien des repères disparaissaient. Pour preuve, les parts de marché détenues par les sédatifs ou les « modificateurs de l’humeur » : L. 72 de Lehning a perçu les retombées directes de sa campagne de communication avec une hausse de 10 % de ses ventes, et les antalgiques Camilia et Arnigel sont les plus fortes ventes en homéopathie après les voies respiratoires.

Merci la « pandémie » de grippe A(H1N1) !

Le record reste, sans surprise, détenu par la classe des médicaments des voies respiratoires, avec un score jamais égalé : + 24,3 % de ventes à 85 millions d’euros, soit… la moitié du marché à elle toute seule. Décidément, annus horribilis pour les uns, 2009 aura été un grand cru pour les laboratoires homéopathiques qui, très tôt, ont bénéficié de la campagne d’informations contre la pandémie H1N1. « Alors que les vaccins ne sont sortis qu’à l’automne, dès l’été la population a été avertie des risques de grippe. Les personnes ont cherché à se protéger et se sont tournées vers les produits homéopathiques », note Marc Bouchu. Un « effet grippe » qui a profité en première ligne à Oscillococcinum et à son concurrent L. 52. « Nous avons été certes portés par cette actualité, mais aussi par un gros travail de communication auprès du grand public et des pharmaciens », nuance toutefois Stéphane Lehning, président des laboratoires du même nom, qui enregistrent une progression de 22 % de ses ventes de L. 52 en 2009. Sinuspax réalise quant à lui une hausse de 5 % en 2009 et 14,5 % au premier trimestre de cette année. Toujours dans les voies respiratoires, Weleda se réjouit d’une hausse de 100 % d’Infludo. « Jusqu’à présent très positionné sur le domaine cosmétique, Weleda s’investit dans quatre pathologies hivernales, avec succès puisque l’image très forte de naturalité liée à notre charte séduit une clientèle très soucieuse d’appliquer désormais à sa santé les exigences qu’elle avait jusqu’à présent pour son alimentation », constate Séverine Dewailly, responsable du marketing pharmaceutique. Weleda France a ainsi enregistré une hausse de 20 % sur sa gamme de dix produits. Ses sels calcaires se hissent au top-3 des vitamines et minéraux.

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Pas d’homéopathie sans conseil

Ces produits à succès avancent donc en rangs serrés et sous la bannière immuable de l’homéopathie. Que les laboratoires le veuillent ou non. Jean-François Lurol, directeur de la communication chez Boiron réfute ce classement sous la dénomination « homéopathie »: « Il s’agit de produits qui devraient chacun entrer en concurrence avec tous les autres médicaments de leur classe. » Pour l’heure cependant, le qualificatif semble avoir un effet marketing indéniable. Jouant sur cette image, notamment dans les campagnes télé, presse écrite et affichage qui ont marqué l’année 2009, les laboratoires ont su également gagner les officinaux, qui se révèlent de réels alliés de taille.

Car l’homéopathie demeure un marché sur lequel le conseil reste prédominant. Les laboratoires en ont conscience qui dispensent des formations permettant aux pharmaciens d’intensifier leur rôle de conseillers. « Nous pensons que l’homéopathie a tout à gagner de la loi HPST car elle donne aux pharmaciens la possibilité de répondre aux besoins de leurs clients tout en leur garantissant un bon rapport qualité/prix », observe Marc Bouchu, qui prédit que certaines pathologies actuellement largement prises en charge par les médecins de ville (ORL, état nerveux/anxiété, dermatologie) vont être transférées au bénéfice de l’officine. Des domaines où l’homéopathie a des cartes à jouer. Principalement le leader lyonnais qui, une fois encore, maintient sa position sur les trois premières marches du podium des antalgiques avec l’arrivée inattendue de Sporténine dans le classement, qui déboulonne l’Elixir Urarthone ?; en dermatologie (Homéoplasmine 40 g et 18 g et Calendula LHF) et dans les troubles de la circulation (Hamamelis Composé granules, gouttes et comprimés).

Jusqu’alors connu pour son caractère conservateur et peu innovateur, le marché, qui ne compte que cinq acteurs, se lance depuis quelques années dans les découvertes.

Diversification contenue

Après son gel à l’arnica lancé en 2008 et dont les ventes ont augmenté de 5 % en 2009, Lehning a choisi le parti pris de l’originalité en lançant le premier comprimé orodispersible, Angipax. « Avec un franc succès puisqu’il n’existait pas d’alternatives naturelles sous forme galénique adaptée à l’enfant », se félicite Stéphane Lehning, pour lequel chaque sortie de produit doit proposer une véritable avancée. Il s’apprête à lancer par ailleurs au second semestre une spécialité en dermatologie. Le laboratoire est conscient de la nécessité d’apporter une valeur ajoutée sur des marchés très concurrencés par les autres laboratoires homéopathiques mais aussi par l’allopathie. C’est principalement le cas des produits grand public comme le magnésium où la « plus-value homéopathique » n’est pas toujours identifiée par le consommateur. Biomag, par exemple, remonte la pente à 6,9 % au premier trimestre 2010 après avoir fléchi à moins 5 % en 2009.

C’est également au tour de Weleda d’étoffer sa gamme. Révisant ses packagings en veillant à davantage de visibilité pour le patient et le pharmacien, le laboratoire suisse poursuit sa percée sur de nouveaux produits ciblant le stress et le sommeil, domaine où il vient d’obtenir l’autorisation d’être placé en libre accès. D’autres pistes sont lancées pour un collyre. Autant d’efforts déployés pour se positionner sur le marché de l’OTC et y acquérir des lettres de noblesse. Mais Weleda ne se fait pas trop d’illusion. En France, les critères du statut de médicament homéopathique sont tels que bon nombre de ses spécialités vendues en Suisse (45) et en Allemagne (60) ne pourront jamais accéder au marché national parce que non justifiables en homéopathie.

C’est également le cadre réglementaire et notamment les contraintes liées aux critères européens qui ont conduit les laboratoires Lehning à cesser la commercialisation de 25 de ses produits, ramenant son portefeuille à 125 spécialités. Avec un certain manque à gagner puisque son activité n’a marqué que deux points de hausse. Cependant, repositionné et étoffé d’innovations, le laboratoire enregistre une reprise à 6 % au premier trimestre et table sur 11 % de croissance pour l’ensemble de l’année.

+ 11,8 %

En 2009, les ventes de spécialités homéopathiques avec AMM ont représenté un CA de 169,9 M € (+ 11,8 %) correspondant à 36 millions d’unités vendues.

(SOURCE IMS HEALTH.)

LES MEILLEURES VENTES

Voies respiratoires

1 Oscillococcinum

2 Stodal

3 L. 52 gouttes

Sédatifs et modificateurs de l’humeur

1 Sedatif PC cp

2 Passiflora composé gr. 80

3 L. 72 gouttes 30 ml

Antalgiques

1 Camilia unidose buvable

2 Arnigel Gel

3 Sporténine à croquer (22)

Dermatologie

1 Homéoplasmine 40 g

2 Homéoplasmine 18 g plus canule

3 Calendula LHF 20 g

Vitamines et minéraux

1 Biomag cp (90)

2 Rexorubia granulés

3 Weleda Sels calciques

Antinauséeux

1 Cocculine cp (30)

2 Cocculine doses-globules (6)

3 Nux vomica Complexe N49