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Pour la rémunération, mo-bi-li-sa-tion !

Publié le 10 juillet 2010
Par Magali Clausener et Anne-Laure Mercier
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Les syndicats professionnels, qui pensaient obtenir des mesures économiques avant cet été, devront attendre la rentrée. Ulcérées, l’UNPF et la FSPF appellent à une grève des gardes et des urgences. A l’heure où nous imprimions, l’USPO réfléchissait encore, excédée par l’alliance affichée des deux autres syndicats.

Aujourd’hui samedi 10 juillet commence la grève des gardes et urgences. Tel est le mot d’ordre commun de l’UNPF et de la FSPF. Une action pour montrer le mécontentement de leurs adhérents face au silence des pouvoirs publics. La réunion du 1er juillet a mis en effet le feu aux poudres. Cette seconde rencontre entre syndicats professionnels, direction de la Sécurité sociale et ministère de la Santé devait permettre aux pouvoirs publics de proposer à la profession des pistes de travail et des orientations. Mais « l’Etat n’a fait aucune proposition. Des arbitrages devaient être pris dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 ; on nous a expliqué que ce n’était pas le cas », commente Philippe Gaertner, président de la FSPF. « Le ministère a reporté la réunion qui devait avoir lieu le 22 juin sous prétexte qu’il fallait un peu plus de temps pour décider des arbitrages. Et, le 1er juillet, on nous annonce que les arbitrages ne seront pas pris avant la rentrée. Aucune autre réunion n’a été fixée. C’est inacceptable ! », explique Claude Japhet, président de l’UNPF. « Pour nous, c’est un échec des négociations », résume Philippe Gaertner. « Ras le bol ! », lance Claude Japhet. Quant à Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, s’il est plus mesuré dans ses propos il n’en est pas moins clair : « J’appelle tous les confrères à se mobiliser avant la rentrée ». Et les trois syndicats sont unanimes : pas question d’attendre la rentrée. Il faut désormais passer à l’action.

Les syndicats mobilisent leurs troupes

Dès le 2 juillet, l’USPO réagit en adressant un e-mail aux pharmaciens demandant « à toute la profession de se mobiliser » et « un engagement sur le terrain ». « L’objectif est d’obtenir un arbitrage favorable et qui ne lèse aucun pharmacien, et sans tomber dans la surenchère », souligne Gilles Bonnefond. L’USPO prévoit aussi une assemblée générale mercredi 7 juillet, le même jour que l’assemblée générale extraordinaire prévue de longue date par la FSPF. Mais, lundi 5 juillet, l’UNPF réunit son bureau et décide de proposer aux autres organisations syndicales une grève des gardes et des urgences dès vendredi 9 juillet. « Il s’agit de lancer tout de suite une action facile à mettre en œuvre, déclare Claude Japhet. Les agences régionales de santé devront gérer cette grève. Cela va mettre le boxon et touchera, par conséquent, l’Etat. » Pour l’UNPF, une telle grève n’aura pas de conséquences pour les officines. Les pharmaciens qui souhaiteront suivre le mouvement devront simplement l’indiquer au public par une affiche. Aux préfectures ensuite de recenser les grévistes et de réquisitionner les pharmacies chaque nuit et chaque dimanche. Les titulaires réquisitionnés percevront le forfait de 75 euros par garde. Et les patients ne seront pas non plus pénalisés. En revanche, les agences régionales de santé (ARS) et les préfectures seront obligées de faire face à un surcroît de travail en pleine période de congés. Un moyen de pression pertinent à condition que les autres syndicats adhèrent à cette première action.

Une unité syndicale plus que compromise

De fait, les présidents des syndicats départementaux affiliés à la FSPF décident le 7 juillet d’appeler leurs adhérents à suspendre plutôt à partir du 10 juillet toute participation au service de garde et d’urgence et de cesser, le même jour, d’organiser ce service et d’en informer les ARS. Cette grève durera tant qu’il n’y aura pas un signal fort de la part des pouvoirs publics. Un signal qui ne devra pas être uniquement la programmation d’une nouvelle réunion… La FSPF recommande aussi à ses adhérents de limiter le stock de génériques d’ici le début du mois de septembre et de s’approvisionner en feuilles de soins papier. En clair, il s’agit de faire grève de la substitution et de la télétransmission. Pour autant, la FSPF et l’UNPF ne comptent pas s’en tenir là. L’assemblée générale de la FSPF a confié au bureau tout pouvoir de faire évoluer les mesures. Et Claude Japhet veut une unité syndicale « pour convenir d’autres actions à mener afin de durcir le combat ». Pour preuve, il était aux côtés de Philippe Gaertner lors de la conférence du 7 juillet. Et annonçait une réunion des trois présidents le 8 juillet.

L’unité semble pourtant bien compromise. Gilles Bonnefond, irrité de ne pas avoir été invité par les deux autres syndicats à évoquer des modes d’action communs pour sauver l’économie de l’officine, a assuré au cours de sa propre conférence, le 7 juillet après-midi, ne pas savoir si, de fait, il assistera à cette réunion. Le président de l’USPO estime que « l’UNPF et la FSPF ont cosigné la division syndicale. C’est inacceptable ! ». Gilles Bonnefond ne sait pas non plus s’il suivra le mouvement de grève des gardes et des urgences préconisé par les deux autres syndicats : « Je vais réfléchir à ma position ».

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En attendant, il demande « à tous les pharmaciens de récupérer les grands conditionnements dans les cartons Cyclamed et de les stocker pour, si besoin, montrer ce que représente 36 millions d’euros de gaspillage en termes d’image. […] Nous verrons comment les acheminer jusqu’à Paris. D’ici là, mettons-nous en ordre de bataille pour la rentrée ». L’USPO propose aussi, « durant les deux mois d’été, de se désengager de tout paiement par prélèvement automatique et d’avertir fournisseurs et grossistes que, dès la prochaine échéance, le bon vieux chèque sera de retour ». Gilles Bonnefond veut ainsi « que toute la profession soit solidaire des pharmaciens en difficulté » et se montre prêt à monter d’un cran dans l’expression de sa révolte. « S’il faut aller plus loin, nous risquons de monter en puissance à la rentrée. Si on ne veut plus que le réseau existe, on va montrer ce que c’est qu’un réseau qui ne fonctionne pas, ce que c’est qu’une chaîne du médicament bloquée. Pourquoi ne pas poster par exemple deux camions devant la sortie des grossistes-répartiteurs ? On peut le tester en temps réel si rien ne se passe d’ici novembre », époque à laquelle sera voté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011.

Malgré un enjeu de taille, les syndicats font donc de nouveau front en ordre dispersé. A moins que, au moment où vous lirez ces lignes, un petit miracle unitaire se soit produit.

Tout avait bien commencé

Le 27 mars 2010, lors de l’inauguration du salon Pharmagora, Roselyne Bachelot avait annoncé la constitution d’un groupe de travail sur l’évolution des marges des pharmacies, dont les conclusions devaient être prises en compte dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011. Les syndicats étaient satisfaits : les négociations sur la marge des offices pouvaient commencer. De fait, une première réunion avec les syndicats, la direction de la Sécurité sociale et le ministère de la Santé avait lieu le 19 mai. Ce jour-là, les trois syndicats étaient convaincus que leurs signaux d’alerte étaient enfin entendus. Les pouvoirs publics partageaient, en effet, leur diagnostic : baisse de la marge, difficultés de trésorerie des officines, procédures de redressement judiciaire de plus en plus nombreuses, urgence de mettre en œuvre des mesures. Une seconde réunion était fixée le 22 juin afin que l’Etat fasse part de ses propositions. Les syndicats étaient confiants… Mais le report d’éventuelles mesures à la rentrée a été un coup de massue. Et la déception est à la hauteur des espérances.

M.C.

Les revendications des syndicats

Si tous appellent à la rémunération des nouvelles missions confiées aux officinaux par la loi HPST, chacun a sa propre conception de la façon de revaloriser l’économie officinale. La FSPF demande en outre la revalorisation de la marge de dispensation du médicament, l’annulation de la forfaitisation dans le cadre des expérimentations dans les établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et une structuration du réseau avec la possibilité de reprendre une licence dans les zones en surnombre.

L’UNPF veut la correction de la trop forte dégressivité de la marge et la restitution de 300 millions d’euros au réseau officinal.

L’USPO réclame 300 millions d’euros de revalorisation de marge sur l’exercice en cours au bénéfice de toutes les pharmacies, la revalorisation du forfait à la boîte de 10 centimes – « ce qui équivaudrait à 12 000 euros par officine en moyenne », estime Gilles Bonnefond –, le démarrage des sites pilotes pour la coordination des soins dès cette année ainsi que l’arrêt des conditionnements trimestriels. Autre revendication : le prolongement de l’expérimentation en EHPAD pour un an supplémentaire avec un retour à la facturation individuelle par la carte Vitale et la suppression de l’article de loi qui favorise la création des pharmacies à usage intérieur. Enfin, l’USPO souhaite une « optimisation des outils réglementaires et fiscaux pour les pharmaciens qui souhaitent s’engager dans les regroupements d’officine ».

M.C. et A.-L.M.