- Accueil ›
- Conseils ›
- Pathologies ›
- De la compression haute couture
De la compression haute couture
Brigitte Vaissier Crouzat a fait partie de l’équipe qui a conçu Mobiderm. Cette gamme de dispositifs utilisés pour mobiliser les tissus a constitué une révolution dans le secteur de la compression, notamment pour soulager certains lymphœdèmes. Ou comment prouver les bienfaits d’une collaboration ville-hôpital intelligente.
Il y a quinze ans, lorsqu’un patient présentait un bras œdématié, souvent on lui disait : “On n’en meurt pas, il faut supporter”… » Brigitte Vaissier Crouzat s’agace encore lorsqu’elle repense à ce que disaient certains confrères, et même des médecins, aux personnes présentant un lymphœdème. Si la titulaire montpelliéraine s’autorise à tenir ces propos aujourd’hui, c’est parce qu’elle a rejoint il y a dix ans le service du Dr Charles Janbon à l’hôpital Saint-Eloi de Montpellier (Hérault) – un référent en France dans le domaine de l’artériologie, remplacé aujourd’hui par le Dr Isabelle Quéré –, à l’invitation de Maryvonne Chardon, cadre kinésithérapeute.
Sa mission : aider – gracieusement – cette dernière à mettre au point un système efficace favorisant la réduction des lymphœdèmes secondaires, une obstruction des vaisseaux lymphatiques qui affecte les personnes après un curage axillaire ou ganglionnaire, notamment après un cancer du sein ou de l’ovaire. « Je n’ai pas hésité une seule seconde tant le projet était passionnant ! », se souvient Brigitte Vaissier Crouzat.
Et les pizzas devinrent bande de compression
Maryvonne Chardon avait déjà bricolé un premier dispositif pour soulager les patients à l’aide de bandes microporeuses au sein desquelles elle avait inséré et réparti des petits carrés de mousse. « On appelait ça des pizzas !, raconte Brigitte Vaissier Crouzat. Elles montreront des résultats extraordinaires pendant plus de sept ans. » Les bandes microporeuses étaient enroulées autour des membres atteints et permettaient un autodrainage grâce au différentiel de pression entre la zone d’appui et son pourtour. « L’idée de Maryvonne Chardon était de faire bénéficier également ces patients d’un traitement qu’ils pourraient assurer eux-mêmes grâce à une application simple. Elle m’a donc demandé de réaliser les mesures de tous les vêtements, bas et autres dispositifs de compression qu’elle avait imaginés et expérimentés sur les patients », explique la pharmacienne.
Le travail empirique mené avec les bandes puis les vêtements de compression a duré plusieurs années. Pour mesurer les bénéfices de leurs expérimentations, la kinésithérapeute et la pharmacienne avaient mis au point des fiches d’évaluation puis sélectionné dans leur fichier patients ceux qui étaient à même de les restituer clairement remplies. « Les patients venaient à la pharmacie ou à l’hôpital le matin et j’étais chargée de prendre leurs mesures (bras, jambes, pieds, mains…) », indique Brigitte Vaissier Crouzat. Plusieurs centaines de personnes ont ainsi été prises en charge et directement observées.
Trois ans pour mettre au point Mobiderm
Quand l’équipe du service des maladies vasculaires de Saint-Eloi s’est rendu compte que les applications étaient efficaces à 90 ?%, elle a voulu passer à la vitesse supérieure. « Nous nous sommes dit que nous allions pouvoir en faire profiter tout le monde et produire des modèles en série, explique la titulaire. Il nous a fallu trois ans pour y parvenir : trouver les bons matériaux, les bonnes dimensions, faire des essais… »
C’est le laboratoire Thuasne, spécialisé dans les produits de contention, qui a été choisi pour fabriquer les trois mobilisateurs des tissus sous-cutanés indurés ou œdématiés mis au point par Maryvonne Chardon et Brigitte Vaissier Crouzat : des plaques mobilisatrices et des bandes à carrés de mousse de 5 mm/5 mm ou 15 mm/15 mm à appliquer directement sur la peau et à porter essentiellement la nuit. La gamme de ces dispositifs, baptisée Mobiderm, est depuis trois ans commercialisée dans les officines par Thuasne. « Cette contention n’est pas encore remboursée, ni les bandes ni les vêtements », regrette toutefois la pharmacienne.
Réalisation de vêtements sur mesure
Les deux collaboratrices n’en sont pas restées là puisqu’elles ont également fait réaliser des vêtements sur mesure (gants, doigts, jambes entières, chaussettes, manchons, portés de jour ou de nuit…) par des pharmaciens orthopédistes ou des orthopédistes, testés dans un premier temps par des patients qui sortaient de l’hôpital. Ils sont aujourd’hui utilisés non seulement pour les lymphœdèmes, mais également en traumatologie, en chirurgie et en orthopédie pour traiter les entorses, assouplir des fibroses, des cicatrices hypertrophiques ou des tissus indurés, améliorer la cicatrisation, réhabiliter des zones corporelles utiles à la mobilité et même réduire un œdème consécutif à une chirurgie esthétique. « Aujourd’hui, nous avons des patients qui viennent de partout et le laboratoire lui-même exporte le produit dans plusieurs pays », se félicite Brigitte Vaissier Crouzat, qui continue son travail bénévole sur les lymphœdèmes. Une à deux fois par semaine, elle participe aujourd’hui avec l’équipe du service des maladies vasculaires de Saint-Eloi (médecins, kinésithérapeute et orthopédiste) à la mise au point de culottes, de collants et de panties destinés aux œdèmes du petit bassin, aux hanches ou aux parties génitales de l’homme ou de la femme.
Toute cette expérience accumulée fait que Brigitte Vaissier Crouzat dispense depuis quelques années des formations (une par trimestre) destinées à des kinésithérapeutes et des infirmières sur la prise en charge des œdèmes après un cancer du sein ou des œdèmes des membres inférieurs. Il y a quinze ans, quand elle avait elle-même suivi une formation en orthopédie, une personne – visionnaire – lui avait dit que cela ne lui servirait pas à l’officine. On voit le résultat !
Envie d’essayer ?
LES AVANTAGES
• La gratification de voir aboutir un projet utile.
• Sortir de la quotidienneté du comptoir.
• Suivre de près la pathologie d’un patient.
• S’inscrire dans un travail d’équipe très différent de son exercice.
• Découvrir les contingences du milieu hospitalier.
• Se diversifier.
LES DIFFICULTÉS
• L’engagement est très chronophage.
• Le sur mesure n’est pas une science exacte. Il faut donc savoir de recommencer et accepter de le faire.
• Les patients sont exigeants et ne comprennent pas que la solution à leur problème ne soit pas trouvée sur-le-champ.
• Certains oublient parfois de payer leur commande.
• Certaines de ces pathologies sont moins connues et très peu enseignées.
LES CONSEILS
• Sachez être à l’écoute.
• Acceptez de vous rendre disponible et de quitter votre pharmacie.
• Saisissez tout l’intérêt de la diversification.
• Acceptez de voir la détresse en face.
- Un patient a entendu dire qu’il pouvait désormais prendre son comprimé de Lévothyrox le soir au coucher. Est-ce vrai ?
- Alerte aux méningites : vérifiez le statut vaccinal des patients
- L’ordonnance d’une patiente souffrant d’une sinusite aiguë
- [VIDÉO] Accompagner le patient parkinsonien à l’officine
- Eau oxygénée boriquée au Formulaire national
- Prophylaxie pré-exposition au VIH : dis, quand reviendra-t-elle ?
- Financement des officines : 4 solutions vertueuses… ou pas
- Prescriptions, consultations : les compétences des infirmiers sur le point de s’élargir
- Dispensation à l’unité : chassez-la par la porte, elle revient par la fenêtre
- Quelles populations sont actuellement à risque de développer un scorbut ?