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Les pharmaciens ruraux y croient

Publié le 17 juillet 2010
Par Francois Pouzaud
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La mise en place de la loi HPST laisse entrevoir des perspectives optimistes pour les pharmacies rurales. Si l’avenir est placé sous le signe de l’espoir, il est aussi assombri par des inquiétudes fondées. La traversée du désert médical est en marche, et les pharmacies rurales ne peuvent pas rester impuissantes face au départ de leurs prescripteurs.

Les pharmacies rurales sont partagées aujourd’hui entre espoir et inquiétudes. Espoir, car les officines situées au fond des campagnes risquent, demain, d’être les seules structures permettant de répondre aux besoins de premier recours de la population. Inquiétudes, car le réseau en zone rurale n’échappera pas à une remise à plat à partir des nouveauxterritoires de santé. La création de maisons de santé pluridisciplinaires va énormément bouleverser la donne pour les malades, pour la santé publique et pour les pharmaciens ruraux. Le service de proximité risque d’être sérieusement mis à mal si l’aménagement du territoire et les complémentarités territoriales sont mal orchestrés. « Si les médecins quittent les villages pour se rassembler dans une maison médicale d’un chef lieu de canton, la pharmacie ne peut pas subir de façon passive ce départ. Il est indispensable d’organiser en même temps la coordination des soins et la mise en place de pharmaciens correspondants dans les territoires de santé », avertit Gilles Bonnefond. Le président délégué de l’USPO espère que les directeurs des ARS ne se laisseront pas abuser par les promoteurs immobiliers au moment du choix d’implantation de ces maisons médicales, qui pourraient bénéficier de financements croisés de l’assurance maladie et des collectivités locales.

Quoiqu’il en soit les ruraux sont certainement, de tous les pharmaciens, les plus concernés par la loi HPST. « Ils doivent rester proches des patients et être en mesure de développer de nouveaux services, notamment dans le domaine du HAD/MAD, car beaucoup de personnes âgées en campagne sont dans l’incapacité de se déplacer », précise Gilles Bonnefond. Dans les zones où les pharmacies sont en surnombre, l’USPO plaide pour les regroupements et la création de mesures fiscales et juridiques incitatives pour les favoriser. « Il n’est pas rare d’avoir 2 ou 3 pharmacies dans une commune de 1 500 habitants qui couvrent un bassin de population, elles doivent pouvoir se regrouper dans la plus parfaire neutralité fiscale. Si les pharmaciens sont taxés sur les plus-values réalisées à l’occasion d’un regroupement, celui-ci ne se fera pas. Il ne doit pas être vécu comme une contrainte mais comme un acte de bonne gestion, donnant les moyens aux pharmaciens de se former aux actes de prévention, de dépistage, d’éducation thérapeutique, d’accompagnement des patients, à la livraison à domicile… »

Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, il y a d’autres logiques à suivre que celle du regroupement. « Il y a des pharmacies dites essentielles auxquelles il ne faudra pas toucher car elles rendent un service de proximité à la population. » Concernant l’implantation des maisons de santé, la FSPF veillera à ce que l’exercice de groupe des professionnels de santé ne soit pas un facteur d’éloignement avec les patients. « Elle doit tenir compte de la représentativité territoriale des officines souhaitée par la profession, sachant qu’un territoire de santé peut comprendre 2 à 5 pharmacies en moyenne. » Comptant sur l’appui des élus locaux pour défendre le maintien d’un service de proximité, Philippe Gaertner estime qu’il appartient à l’Etat de garantir l’accès aux soins pour tous, et non aux directeurs des ARS, « sinon, ce sera l’anarchie ! ». Et d’ajouter : « On ne peut pas se permettre de laisser des territoires vierges et ne pas considérer la vague importante des départs en retraite des médecins. Il faut procéder à des analyses locales beaucoup plus fines, l’Etat doit faire des projections à dix ans et réaliser un état des lieux cartographique de manière à ce que, pour chaque cas de figure, chaque typologie de pharmacie, on trouve des solutions appropriées et différenciées. »

La pharmacie est essentielle pour la vie d’un village, en particulier pour les personnes âgées. Au cœur de la ruralité profonde, la pharmacie peut contribuer, avec l’église, l’école, le collège, à retenir les habitants. En ville, on a des clients, à la campagne, on a ses clients. La pharmacie rurale est un lieu de vie, où l’on vient volontiers discuter, voire se confier. Le plus souvent, les pharmaciens s’installent en milieu rural parce qu’ils y ont des attaches ou recherchent un style de vie, plus décontracté et moins stressant qu’en ville. Sans compter que les frais fixes des pharmacies rurales sont bien moindres que ceux des citadines.

Une collaboration étroite avec les médecins

Les rapports étant souvent plus étroits qu’en ville, il est facile de passer voir son pharmacien pour lui demander conseil. En milieu rural, les gens n’ont pas attendu l’engorgement des cabinets médicaux ou la loi HPST pour se rendre en priorité à la pharmacie. D’autant que les agriculteurs qui constituent l’essentiel de la population, n’ont pas pour habitude de se précipiter chez le médecin à la première toux venue. A la campagne, le pharmacien redevient un homme de science habitué à entendre « bonjour, docteur ! » au moment où le client arrive au comptoir et lui remet son ordonnance. Les nouveaux services pharmaceutiques par délégation médicale ne feront que renforcer cette perception du pharmacien. Une belle carte à jouer en perspective pour la moitié des pharmaciens isolés qui ont moins de trois prescripteurs dans leur zone d’attraction et les 5 % qui se contentent d’un seul et unique médecin. La proximité avec la patientèle se rencontre plus souvent qu’ailleurs. Elle suppose, bien sûr, une disponibilité importante. Ceux qui exercent depuis longtemps à la campagne le savent : de garde ou pas, en cas d’urgence, il est préférable que la sonnette de la pharmacie soit branchée en permanence.

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Respect des malades mais aussi confiance des médecins avec qui les pharmaciens ont souvent des rapports privilégiés et très « associatifs ». Cette collaboration étroite entre professionnels de santé et avec des paramédicaux débouchent sur la création de structures locales très efficaces. Proche, scientifique, disponible, intégré dans le tissu social pour peu qu’il travaille avec l’EHPAD du canton ou un service de MAD, le pharmacien rural devient, par la force, des choses un notable souvent courtisé pour rejoindre une liste aux prochaines élections municipales, voire au conseil général. Nombre de pharmaciens ruraux trouvent le temps d’exercer derrière le comptoir et de s’engager dans la vie publique. Bref, leur passion pour la pharmacie, leur attachement à leur département et leur dévouement auprès de la population font leur force. Autant d’atouts quand on sait les conséquences économiques que le recul démographique et l’avancée des déserts médicaux pourraient entraîner dans les années à venir. Vu comme cela, l’exercice à la campagne a ses charmes mais, aujourd’hui, ils ne suffisent plus au bonheur des ruraux : 50 % d’entre eux déclarent traverser des difficultés économiques récurrentes.

Au-delà des analyses économiques, l’enquête annuelle de l’APR (Association de pharmacie rurale) apporte des enseignements d’ordre sociologique intéressants sur la pharmacie rurale. Ainsi le nombre d’habitants de la zone de chalandise d’une pharmacie rurale est de 4 804, un nombre en augmentation dans 32 % des cas, en diminution dans 13 % des cas et en stagnation pour 52 %. La désertification médicale se fait sentir chez 22,5 % des confrères, alors que 73,7 % observent une stagnation du nombre des médecins, et qu’une infime fraction (3,3 %) ont le privilège de voir ce nombre augmenter dans leur environnement. Mais la crainte grandit de voir ce risque se déveloper à moyen terme (68 % en 2009 contre 61 % en 2008). Par ailleurs, dans 5 % des cas, l’officine rurale a un automate ou un robot de stockage et de délivrance. Mais Internet est utilisé au quotidien par 88,7 % des officinaux, les scanners sont présents au comptoir dans 38 % des cas et l’ADSL dans 85 % des cas. Les défibrillateurs s’invitent, eux, dans 8,7 % des officines.

Les maisons de retraite, un secteur clé

On a vite fait le tour des secteurs économiques en progression dans les officines rurales. D’après l’enquête de l’APR, seuls les médicaments conseil et grand public ont le vent en poupe. Comme ailleurs, le médicament remboursable, la parapharmacie et les préparations sont en perte de vitesse. Des secteurs clés en milieu rural, comme le vétérinaire et le MAD/HAD se maintiennent, de même que l’homéopathie et l’orthopédie. Contrairement aux idées reçues, peu de pharmacies rurales se sont spécialisées dans un rayon vétérinaire pour animaux de rente (17,5 %), le gros des troupes (91 %) se limitant à l’animal de compagnie. Le médicament vétérinaire n’est plus à leurs yeux un eldorado : pour 60,8 % des pharmaciens interrogés, il n’y a pas de possibilité de progression dans ce secteur. Les expérimentations de réintégration des médicaments dans le forfait de soins et les discussions en cours sur le dossier des EHPAD leur tiennent à cœur. En effet, les maisons de retraite représentent une partie très importante de leur activité. 46,7 % d’entre eux fournissent un EHPAD et cette activité représente en moyenne 7,5 % du CA de l’officine, soit de 2 000 € à 300 000 € de CA HT. Cependant, les pharmaciens ruraux sont inquiets. Depuis la forfaitisation des produits de la LPP, le CA dans ce domaine a baissé de 15,6 % en moyenne. Ils entendent défendre bec et ongles ce pan d’activité car il est vital pour leur économie. Enfin, 45,4 % seraient intéressés par la fonction de « pharmacien référent ». Attendant des jours meilleurs, les officines rurales sont pour l’instant repliées sur elles-mêmes et attentistes, ce qui explique qu’elles soient peu créatrices d’emplois. Seulement 9 % des titulaires sont demandeurs de diplômes de pharmaciens et 3 % de préparateurs.

Le regroupement, incontournable !

Les ruraux savent être offensifs dès qu’il faut entretenir la fidélité de la clientèle, une nécessité absolue dès lors que la réserve de nouveaux patients potentiels est réduite a minima. 66,7 % ont mis en place le dossier pharmaceutique dans leur officine et 52 % déclarent l’utiliser souvent, voire systématiquement, quand un patient se présente avec sa carte Vitale. D’ailleurs 59 % des clients y trouvent un intérêt. En revanche, ils sont moins nombreux à être convaincus du bien-fondé de la présence d’un espace libre accès sur le médicament dans leur officine. Si 40,8 % l’ont déjà mis en place (soit une proportion inférieure à la moyenne nationale), 13,3 % seulement considèrent que c’est une bonne évolution, et sur le plan commercial, 7,5 % ont constaté une augmentation du CA.

Sur l’évolution du réseau, les pharmaciens ruraux font preuve de réalisme. 65 % estiment qu’un jeune confrère sans apport personnel ne peut pas devenir titulaire, en ville comme à la campagne. Le problème de la reprise des officines préoccupe 64 % des pharmaciens interrogés. Le regroupement comme un moyen de défense est évoqué par 81 % d’entre eux. Ils croient que l’avenir le plus probable pour les officines à CA faible et en déclin réside dans le rachat par un confrère proche ou dans le regroupement.

Les chiffres clés sur le plan commercial

• Chiffre d’affaires moyen TTC : 1,5 M€ en 2009 (contre 1,29 M€ en 2007 et 1,43 M€ en 2008)

• Nombre de clients par jour : 137, en légère croissance par rapport à 2007 (123) et 2008 (127)

• Surface client : 60,5 m2 pour une surface totale de 146,5 m2, soit un rapport de 41 %.

• 94 % des ruraux déclarent avoir des places de stationnement proches de la pharmacie.

Portrait type du titulaire rural

L’âge moyen du pharmacien rural est de 50,4 ans avec un minimum de 27 ans et un maximum de 70 ans. Une fois installé, le pharmacien rural n’a pas vraiment la bougeotte : 74,6 % des titulaires n’ont pas changé de pharmacie au cours de leur carrière. En moyenne, les pharmaciens campagnards travaillent 48,5 heures par semaine et prennent 4,3 semaines de vacances par an (on sait les difficultés des titulaires exerçant dans des zones reculées à se faire remplacer en été). Les ruraux sont aussi des pharmaciens engagés : un tiers exercent des responsabilités publiques dans la profession. 17,1 % des titulaires ont des enfants pharmaciens et seulement 11,2 % envisagent de leur céder l’officine (contre 53,8 % en 2008). Une année supplémentaire de disette semble avoir marqué négativement les esprits : leur optimisme sur la pharmacie est en berne. Sinon, comment expliquer qu’ils se gardent d’orienter leurs enfants diplômés vers la reprise de la pharmacie familiale ? Sauf si le capital dégagé par la vente de l’officine l’emporte sur toute autre considération. 75 % comptent, en effet, sur ce capital pour leur retraite.

“Même ici, la concurrence est sévère”

Annie Armanet Titulaire à Saint-Félix-Lauragais (Haute-Garonne)

Installée depuis 1978, dans un village à 45 kilomètres de Toulouse, Annie Armanet gère une petite officine rurale. A près de 60 ans, elle s’interroge sur l’avenir. « L’équilibre est de plus en plus difficile à trouver, je suis très inquiète pour les années qui viennent. D’autant que le médecin pourrait cesser son activité prochainement. Pour l’heure, je dois beaucoup donner, faire énormément de présence pour joindre les deux bouts. Je travaille avec une préparatrice à mi-temps mais je ne peux payer plus de charges. J’aime ce contexte rural parce que je connais tout le monde et, surtout, je gère mes dossiers de A à Z, comme je l’entends. Et je ne me vois pas travailler en ville dans une grande officine. Si je voulais cesser mon activité, ma retraite serait faible. D’autre part, les candidats au rachat seraient peu nombreux. Et encore faudrait-il baisser le pourcentage. Transférer à mon âge ? Trop compliqué. Et d’ailleurs, pour aller où ? La concurrence est sévère. Le bourg à quelques kilomètres de chez moi concentre 3 officines. J’espère pouvoir tenir jusqu’à 65 ans mais c’est dur, il faut se battre sur tous les fronts, traquer en permanence le meilleur prix des produits, faire de la gestion au quotidien. »

Marc Pouiol

“Un poste de premier secours”

Zouhair El Hilali Titulaire à Douchy (Loiret)

« Je me suis installé en 2005 à Douchy, un bourg de 1 000 habitants situé à l’est du Loiret, près de l’Yonne. Je ne cherchais pas particulièrement la campagne mais d’abord une officine avec un chiffre d’affaires important pour un exercice plus facile. J’y apprécie la proximité avec les clients qui sont fidèles, avec qui l’on peut prendre le temps de parler, y compris d’autre chose que de santé. Ce sont souvent des personnes âgées, que l’on connaît bien et qui nous font confiance. L’exercice rural suppose beaucoup de conseils pour faciliter le maintien à domicile. On dépasse d’ailleurs le simple cadre pharmaceutique. L’officine est ouverte 6 jours sur 7 jusqu’à 20 heures, les gens savent qu’ils peuvent s’y faire soigner, un peu comme un poste de premier secours ou un dispensaire. Je suis fier de rendre ce service et de montrer que nous ne sommes pas qu’un simple commerce. Il y a une vraie convivialité, ce qui est totalement différent de la ville. J’apprécie cette vie rurale : Paris est proche par autoroute pour le week-end ; les cinémas, la piscine ne sont pas trop éloignés. J’ai cependant une crainte, celle de la désertification médicale. Cette région est âgée, peuplée de résidents secondaires et, comme partout, les médecins disparaissent. Douchy en compte encore deux, mais sans médecins la chaîne serait rompue et notre survie en difficulté. C’est le gros inconvénient de vivre et travailler dans une zone rurale un peu excentrée. »

Jean-Jacques Talpin

“Aucune rupture de stock possible”

Valérie Peltre Titulaire à Einville-au-Jard (Meurthe-et-Moselle)

En 1997, Valérie Peltre reprend l’officine dans laquelle elle était adjointe depuis une douzaine d’années. « Non préméditée, cette installation en zone rurale me convient parfaitement. Je ne sais pas si je supporterais la concurrence effrénée, notamment sur la parapharmacie (il n’y en a pas chez moi) à laquelle sont confrontés la plupart de mes confrères urbains, dit-elle. Ici je peux jouer pleinement mon rôle de professionnelle de santé en commentant chaque ordonnance, une pratique appréciée par les patients. »

Elle a adapté ses horaires d’ouverture à la pratique des médecins locaux qui consultent en fin d’après midi : « Il n’est pas rare que je délivre des ordonnances après 19h30, heure théorique de fermeture. Certains patients font 30 kilomètres aller et retour, il est donc impensable de les faire revenir. En cas de rupture, je vais livrer. » Une attitude qui oblige à une gestion rigoureuse pour n’avoir aucune rupture de stock, d’autant que les approvisionnements, en hiver, sont parfois difficiles. « Lors du rachat de l’officine je pensais qu’elle représentait mon capital pour la retraite, mais les évolutions enregistrées ces dernières années m’ont enlevé cette illusion. J’ai la chance d’être dans un village où il y a encore des médecins en exercice pour quelques années, mais après ? », confie-t-elle. Heureusement, un projet de maison de santé est en cours à la réflexion duquel elle participe. « Je ne compte pas demander un transfert, mais je m’implique dans le dossier, car la présence de prescripteurs locaux est gage de pérennité pour la pharmacie », insiste-t-elle.

Pascal Ambrosi

“Une aubaine pour une première installation”

Marie-Madeleine Fereyrolles Titulaire à La-Tour-d’Auvergne (Puy-de-Dôme)

« Même si vous êtes du pays, affirme cette titulaire qui s’est installée en 1976, chez elle, à l’âge de 25 ans, à la campagne vous êtes mis à l’épreuve pendant deux ans, quoi que vous fassiez ! » Les qualités requises pour s’épanouir et durer, en milieu rural, selon elle ? « Une certaine autorité. Même si l’on connaît tout le monde, il faut savoir garder de la distance vis-à-vis des clients. Il suffit que j’arrive au comptoir pour couper court à tout début de discussion. J’explique, je propose et les gens me font confiance. » Autorité aussi à l’endroit du grossiste : « Je suis très exigeante sur les livraisons, sur la qualité du service, plus que sur les remises. »

Autre impératif, en milieu rural, maîtriser Internet : « Cet outil nous a sortis de l’isolement, se félicite Marie-Madeleine Fereyrolles. Qu’il s’agisse des commandes, de la disponibilité des produits, des offres promotionnelles, il facilite énormément la gestion des achats, qui constitue ma principale préoccupation, parce que je n’ai pas réellement de stock. » Il est préférable également d’être compétent en orthopédie ou en maintien à domicile : « Ceintures ou bas de contention, manchons, etc., je me fais plaisir lorsque je fais du surmesure. De même, lorsque je me rends chez une personne pour installer un lit médical : je suis payée de sa reconnaissance et ça n’a pas de prix ! » L’avenir ? « Mon successeur devra avoir la fibre pour exercer en milieu rural. Financièrement, je serai prête à consentir un effort pour l’aider à s’installer. Une pharmacie à la campagne peut être une aubaine en première installation. En rural, on travaille beaucoup et on n’a pas tellement d’occasions de dépenser son argent… Cinq ou six années d’efforts permettent de se constituer l’apport nécessaire pour aller ailleurs, le cas échéant. L’avenir en milieu rural passe sans doute par le regroupement. Pour avoir un peu plus de stock et se ménager une vie plus confortable, notamment lorsqu’on a une famille. »

Serge Trouillet

“Un exercice serein, loin du mercantilisme”

Bernard Fraysse Titulaire à Châtelus-Malvaleix (Creuse)

« Si l’objectif n’est pas de faire progresser fortement le CA, l’exercice rural est serein et agréable. Il permet une vraie relation avec les gens, bien plus qu’en ville ! On est moins dans le mercantilisme et il faut tous les jours faire des choses non prévues dans notre exercice. » Installé depuis deux ans dans un bourg creusois de 600 habitants dont 3 médecins, Bernard Fraysse avait déjà exercé en rural dans le Finistère de 1985 à 1988, puis dans une ville moyenne de Charente de 1990 à 1998, avant d’être directeur de la distribution dans une mutuelle. Il apprécie la qualité de vie de la Creuse. « Lors de la rénovation de l’officine, le stock a été entreposé dehors dans un bungalow pendant un mois sans aucun souci. Dans d’autres régions, ça n’aurait pas tenu deux jours… Et puis, on se connaît tous. Les deux préparatrices travaillent ici depuis 1989. La relation avec les médecins et les infirmières est merveilleuse, faite de confiance. » Si le tableau semble idyllique, Bernard Fraysse pointe néanmoins 3 problèmes : « la difficulté à trouver un remplaçant pour prendre des vacances, le niveau de rémunération de l’entreprise et le déficit d’installation de médecins ». Il rajoute : « Les maisons médicales, c’est bien. Mais à chaque création dans une commune, ça pose problème aux officines qui en sont éloignées. Peut-être la solution pour maintenir le maillage est-elle dans un système de pharmacies mères qui chapeautent des pharmacies filles tenues par des préparateurs chevronnés »

Olivier Jacquinot