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Quand un associé devient indésirable
Au début, tout se passait bien. Mais, au fil des ans, les premiers signes de tension avec votre associé sont apparus, au point de le rendre indésirable. Voici comment gérer cette situation qui peut mettre en péril l’officine.
Nombreuses sont les raisons qui peuvent faire brûler le torchon entre deux associés. Parmi elles on retrouve souvent celle de la rémunération. « Si chacun effectue le même temps de travail et perçoit en retour la même rémunération, tout va bien, explique Eric Thiébaut, avocat associé du cabinet Jurispharma. Sinon, l’équilibre peut très vite se rompre. »
Autre source de conflit potentielle : les cessions de parts. « Lorsque la relation est tendue, il est souvent difficile de trouver un terrain d’entente sur le prix de cession, constate Eric Thiébaut. Celui qui reste pourra même refuser d’agréer le candidat au rachat des parts de l’associé indésirable.
Un autre problème récurrent est l’incapacité à prendre des décisions importantes dans la gestion de l’officine, comme la réalisation de travaux, la signature d’un contrat de leasing, la modification de la politique de prix ou encore le recrutement de personnel. « Lorsque les associés ne parviennent plus à s’accorder sur des questions liées à la vie quotidienne au travail, la situation peut devenir explosive car le bon fonctionnement de l’officine est menacé », renchérit-il.
Prévoir des règles de vie commune
Dès que les premières difficultés apparaissent, il ne faut pas attendre pour en parler. « Les associés pourront, par exemple, profiter d’une réunion ou d’une assemblée générale pour inscrire noir sur blanc des règles de vie commune qui permettront d’aplanir les difficultés, conseille Lionel Jacqueminet, avocat spécialisé en droit de la santé. Ces règles peuvent aussi être inscrites dans des procès-verbaux d’assemblée, un règlement intérieur. Le pacte d’associés peut aussi être modifié. »
Ce pacte d’associés, qui est généralement signé au plus tard le jour de la constitution de la société, joue un rôle de garde-fou essentiel. Il doit intégrer des clauses qui déterminent le montant de la rémunération mensuelle, ses conditions d’évolution, les modalités d’attribution des dividendes… Il peut aussi détailler les responsabilités de chacun, les modes de prise de décision, d’engagement des dépenses et de recrutement, en limitant par exemple les frais de personnel par rapport à un pourcentage du chiffre d’affaires.
Le pacte d’associés – ou les statuts de l’officine – peut aussi prévoir des clauses qui encadrent les cessions de parts ou d’actions, avec le plus souvent un droit de préemption pour les autres associés. « Il intègre aussi une procédure d’agrément qui permet de refuser des candidats, précise Lionel Jacqueminet. Cette procédure est, en général, limitée en nombre de refus successifs pour éviter les situations de blocage. »
Faire appel à une tierce personne
Quand plus rien ne va entre les associés, la gestion de la pharmacie devient inévitablement difficile. Dans ce cas, il est possible de désigner un mandataire ad hoc auprès du tribunal de commerce pour les structures commerciales ou du tribunal de grande instance pour les affaires non commerciales. « Le mandataire va se substituer aux associés pour prendre des décisions importantes dans la gestion de l’officine, explique Lionel Jacqueminet. Cette solution ne constitue pas une solution durable car la mission du mandataire n’est pas de réconcilier les associés. Mais sa présence peut, dans certains cas, apaiser les esprits. » Autre piste à explorer : la médiation judiciaire ou conventionnelle. Dans le premier cas, le plaignant soumet son litige à un juge, lequel va nommer un médiateur. Dans le second cas, le médiateur est indépendant, agréé par les centres et les fédérations de médiation, et il est désigné directement par les parties. « Le rôle du médiateur n’est pas de proposer une solution mais de faire travailler les différentes parties pour qu’elles trouvent elles-mêmes la solution, précise Lionel Jacqueminet. L’ordre des pharmaciens peut lui aussi être sollicité pour désigner l’un de ses membres comme conciliateur, lequel va lui proposer une solution, même s’il ne peut l’imposer aux protagonistes. »
Si l’intervention de la tierce personne permet de renouer le dialogue, il faut aussi trouver un accord sur les conditions de départ de l’associé indésirable. « En cas de désaccord sur le prix, un expert-comptable ou un mandataire en transaction peut être mis à contribution pour évaluer la valeur des parts. A défaut d’accord, il est également possible de saisir le tribunal d’une demande d’expertise. Un expert judiciaire sera alors désigné pour procéder à cette évaluation. »
Engager une procédure disciplinaire
Pour résoudre le conflit, il faut que toutes les parties souhaitent trouver une solution. Ce qui n’est pas toujours le cas. « Si l’un des associés adopte une position jusqu’au-boutiste, vous ne résoudrez jamais le conflit », assure Thierry Foyard, avocat au cabinet Laboureix, Foyard et Associés. Certains sont parfois prêts à détruire la pharmacie pour nuire à l’autre associé, même si cela met en péril leur propre situation financière. »
Lorsque toutes les tentatives de dialogue et de nouvelle organisation ont échoué, on peut, en dernier ressort, engager une procédure disciplinaire devant l’ordre des pharmaciens. L’objectif est de prouver que l’associé a commis des fautes susceptibles de justifier une procédure d’éviction (voir ci-dessus). « Ce processus peut se révéler à double tranchant, souligne Lionel Jacqueminet. D’abord, l’Ordre va s’immiscer dans les affaires de la pharmacie… Ensuite, il y a de fortes chances que cela génère une procédure dans l’autre sens. Au final, le recours ne fera qu’aggraver la situation. »
« Nous avons trouvé une transaction à l’amiable »
« Alors que tout se passait bien jusqu’alors, l’un de mes associés a commencé un jour à ne plus travailler au même rythme que les autres et à ne plus partager toutes les tâches, raconte un pharmacien qui souhaite garder l’anonymat. A partir de ce moment-là, la cohabitation est devenue problématique et nous sommes arrivés à un clash. » Pour essayer de trouver une solution, les associés font appel à un médiateur, lequel met en place un nouveau mode de fonctionnement. Mais cela ne parvient pas à satisfaire toutes les parties. « C’est notre avocat qui a trouvé la solution en nous conseillant de formaliser par écrit toutes les décisions votées, que l’associé en question serait obligé d’appliquer. C’est ce dispositif qui a mis fin au conflit, avec une transaction à l’amiable. Chacun a ainsi pu retrouver sa liberté. »
Il a piqué dans la caisse ?
Plus rare, le scénario de l’associé qui se sert dans la caisse n’en reste pas moins réel. « En matière pénale, une simple présomption ne suffit pas, souligne l’avocat Eric Thiébaut (cabinet Jurispharma). Il faut que les faits reprochés soient établis et que leur auteur soit expressément identifié. » Certaines sociétés spécialisées peuvent intervenir pour tenter d’établir un flagrant délit. « La pratique la plus habituelle est de missionner une personne qui se présente au comptoir en payant avec un billet de banque préalablement identifié. Le titulaire aura aussi pris l’initiative de mandater un huissier chargé de dresser immédiatement un procès-verbal, éventuellement avec le concours de la force publique. Mais personne ne peut, en dehors des forces de police, procéder à une fouille de personnes. » Une fois que le vol est avéré, l’affaire peut être portée devant le tribunal correctionnel. Les associés doivent également saisir l’Ordre afin qu’il prenne des sanctions ordinales, obligeant l’associé mis en cause à céder ses parts.
Lire « Question d’entreprise : Exercer en association », page 34 et l’interview filmée de Maître Sapone, avocate, sur WK-Pharma.fr.
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