L’officine zéro papier
Hervé Thoraval expérimente l’envoi à l’assurance maladie de données, ordonnances et tickets Vitale dématérialisés. Le procédé devrait être généralisé à la France entière d’ici la fin de l’année 2011.
A Paris, Versailles, Bobigny, Calais, Bordeaux, Bayonne et Valence, 120 pharmaciens volontaires envoient à l’assurance maladie leurs données dématérialisées par CD-ROM. Hervé Thoraval, titulaire à Paris, est l’un d’entre eux. « Nous avons installé des scanners sur tous les postes de réception de la clientèle et nous scannons chaque ordonnance. L’opération ne prend pas plus de temps que le fait d’imprimer le ticket Vitale sur le duplicata de l’ordonnance, explique-t-il. Nous entrons dans l’ordinateur les données qui constituent le ticket Vitale : nom et adresse du patient, numéro de Sécurité sociale, nom et coordonnées du médecin traitant. Puis nous scannons les produits que nous délivrons. Une fois que tout est saisi, il est possible, grâce au logiciel, d’afficher côte à côte sur l’écran l’ordonnance et le ticket Vitale correspondant ou de visualiser la liste de toutes les ordonnances délivrées pour chaque patient. » Les ordonnances scannées sont conservées dans les dossiers patients. Il est ainsi plus facile de les retrouver si le client ne se rappelle plus de la posologie ou du mode d’administration par exemple.
Une expérimentation initiée par les professionnels
« Le scannage d’ordonnances a été proposé aux pharmaciens par des sociétés de services informatiques il y a cinq ans lors d’un salon Pharmagora », relate Hervé Thoraval. A l’époque, la FSPF, l’USPO et l’UNPF avaient compris que les logiciels présentés ouvraient des perspectives intéressantes de développement. « Les syndicats sont allés voir les délégués de l’assurance maladie et leur ont proposé d’expérimenter l’envoi par messagerie électronique d’ordonnances scannées. Le problème, c’est que les caisses n’acceptaient pas un scan comme pièce justificative, elles voulaient l’original de l’ordonnance ou, exceptionnellement, une photocopie », rapporte le titulaire. Il a donc fallu trouver un accord juridique avant la signature, en 2009, d’un protocole d’accord entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et les instances représentatives des pharmaciens visant à tester la dématérialisation des pièces nécessaires au règlement par l’assurance maladie.
L’expérimentation est lancée le 1er janvier 2010. L’idéal aurait été d’envoyer toutes les données par messagerie électronique, mais « les caisses ne possédaient pas les serveurs informatiques capables de recevoir de gros fichiers de données cryptées. Désireuses d’avancer sur ce projet, elles ont préféré se calquer sur le modèle utilisé par les laboratoires de biologie médicale, c’est-à-dire l’utilisation de CD-ROM. »
Un système avantageux pour l’assurance maladie
L’envoi de données se fait donc sous deux formes. Via la télétransmission quotidienne de l’ensemble des lots, avec pour chaque délivrance les données médicales et financières nécessaires aux remboursements obligatoires et/ou complémentaires. Dans l’ordinateur de l’officine, un fichier est constitué des images de l’ordonnance et du ticket Vitale. Ces pièces justificatives sont traitées tous les quinze jours et gravées sur des CD-ROM qui sont envoyés à l’assurance maladie par l’intermédiaire des grossistes répartiteurs ou par voie postale. « Le CD-ROM permet aux caisses de contrôler a posteriori la conformité entre les tarifications et les ordonnances. »
C’est le logiciel de l’officine qui trie et classe les ordonnances. Un atout formidable pour le pharmacien. « Auparavant, une personne formée passait 20 à 30 minutes par jour, soit 3 heures par semaine, à classer les ordonnances. Nous en avions quotidiennement 100 à 150 qu’il fallait ranger par ordre chronologique, par régime et par centre de sécurité sociale, puis répartir dans des enveloppes différentes selon les régions ou les régimes », explique Hervé Thoraval. Les enveloppes étaient collectées deux fois par semaine par un grossiste-répartiteur. Ce travail devait être fait avec beaucoup de rigueur car, en cas d’erreur, le dossier était rejeté. « Maintenant, il suffit de 15 minutes tous les 15 jours pour graver les données sur CD-ROM. »
Ce système est également très avantageux pour les caisses d’assurance maladie qui peuvent conserver les dossiers d’une manière illimitée et les consulter rapidement en cas de contrôle. Il leur permet surtout de réaliser d’importantes économies sur les coûts de collecte, de stockage, de manipulation, de destruction des dossiers et de personnels. « La CPAM verse actuellement 15 euros par officine et par mois aux répartiteurs pour collecter les ordonnances. Ce qui fait, rien que pour Paris, où il y a environ 1 000 officines, une somme de 180 000 à 200 000 euros par an et l’emploi de 30 à 40 personnes pour traiter les dossiers. Si l’on extrapole ces chiffres à l’ensemble du territoire, on atteint 4,5 millions d’euros pour la collecte et 800 personnes pour le traitement », calcule le titulaire. Autant d’économies réalisées grâce au scannage d’ordonnances.
Négocier une contrepartie financière
Dernièrement, les pharmaciens volontaires ont reçu une lettre de l’UNCAM les informant que « cette phase CD-ROM n’est […] qu’une première étape vers l’objectif d’une télétransmission de bout en bout des pièces dématérialisées, via le réseau Internet, depuis votre officine jusqu’à la caisse de traitement ». « Les syndicats de pharmaciens bloquent pour l’instant l’extension du dispositif à toutes les officines car ils demandent que cette nouvelle tâche soit reconnue à sa juste valeur et rémunérée en conséquence. Ils négocient une rémunération à la feuille et au dossier », informe Hervé Thoraval. D’autant que l’investissement est important puisque chaque officinal doit s’équiper en scanners et en logiciel, sans oublier les frais de maintenance.
L’UNCAM, elle, semble bien déterminer à aller jusqu’au bout puisqu’elle annonce une généralisation du système au début du second semestre 2011. Il reste donc six petits mois pour régler les derniers problèmes techniques et… la toujours délicate négociation d’une contrepartie financière.
Envie d’essayer ?
LES AVANTAGES
• L’archivage des ordonnances scannées permet de les retrouver rapidement en cas de doute sur une posologie, une date, un mode d’administration…
• La possibilité de donner une copie d’ordonnance même ancienne au patient ou d’envoyer une copie par e-mail à l’hôpital ou à un médecin en cas d’urgence.
• Le contrôle immédiat en cas de litiges liés à la prescription ou à la délivrance.
• Le gain de temps sur le travail administratif de classement des ordonnances et sur le règlement des dossiers de tiers payant.
LES DIFFICULTÉS
• Les frais d’investissement en matériel électronique car il faut équiper tous les postes de l’officine d’un scanner, acquérir le logiciel adéquat et, souvent, augmenter les capacités de mémoire des ordinateurs.
• Le coût de la maintenance du matériel et de son remplacement régulier.
• Le problème majeur qui subsiste concerne les ordonnances traitées en dégradé et les rejets, pour lesquels il y a encore trop de complications administratives.
LES CONSEILS
• Ne pas tarder à s’équiper car il faut au minimum un mois d’historique afin d’apurer les rejets de dossiers avant de commencer à télétransmettre.
• Choisir un logiciel agréé par la CNAM.
• Equiper tous les postes de réception de la clientèle d’un scanner.
• Acheter les scanners les plus petits et les plus rapides possible : en noir et blanc, sans haute définition, ni recto verso.
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