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2011, ANNÉE DES DROITS ET… DES DEVOIRS DES PATIENTS
Neuf ans après la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, l’apprentissage de la « démocratie sanitaire » reste difficile tant du côté des patients que des soignants. En ce début d’Année des patients et de leurs droits, trois rapports visent à les responsabiliser davantage.
Patient au cœur du système, droits du patient, reconnaissance du patient… Ces expressions ont beaucoup été utilisées depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients. Leur donner un nouveau souffle et un nouveau contenu, telles sont les ambitions des deux rapports rendus en début d’année au ministère de la Santé : « Bilan et propositions de réformes de la loi du 4 mars 2002 » et « Nouvelles attentes du citoyen, acteur de santé » (voir ci-dessous). Toutes leurs conclusions convergent, confirmant l’objectif de l’Année des patients et de leurs droits lancée officiellement le 4 mars par Nora Berra, Secrétaire d’Etat aux aînés, celui d’« ériger un système de santé encore plus respectueux des droits des patients ».
Les deux rapports s’accordent aussi sur ce point : la France dispose d’un arsenal législatif suffisant en matière de droits des patients. Encore faudrait-il les faire respecter et surtout en informer les premiers intéressés.
Systématiser l’usage du dossier médical et en faciliter l’accès
Selon un sondage BVA cité par les rapporteurs, seuls 27 % des Français connaissent leurs droits. Des résultats qui ne manquent pas d’interpeller. D’autant que le rapport de la mission « Bilan et propositions de réformes » pointe du doigt dépassements d’honoraires, discriminations des assurés CMU ou encore manquements dans l’accès aux soins des personnes vulnérables. Face à ces défaillances, le rapport propose de confier à l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) une mission d’information sur les droits des patients et la représentation des usagers.
Autre lacune révélée par ce rapport : le dossier médical (DM). S’il constitue indéniablement, avec le système d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, l’avancée la plus tangible en matière de droits des patients depuis 2002, seuls 37 % des Français en connaissent aujourd’hui l’existence ! Les rapporteurs proposent donc que chaque établissement hospitalier mette en ligne sur son site Internet un formulaire de demande de DM. Une suggestion parmi d’autres destinées à systématiser l’usage de ce document et à en faciliter l’accès aux mineurs (version clé USB) et aux patients en ALD.
Plus visibles, ces droits devraient aussi devenir plus opérationnels. Cette nécessité engage l’implication des professionnels de santé. « Aujourd’hui, plus aucun d’entre eux ne conteste les droits des patients », se félicite Nicolas Brun, président d’honneur du CISS, chargé de mission à l’UNAF (Union nationale des associations familiales) et l’un des auteurs du rapport sur les « Nouvelles attentes des citoyens, acteurs de santé ». Cela n’empêche pas les soignants de méconnaître ces droits. Pour y remédier, la charte de l’usager devrait être affichée dans tous les cabinets médicaux, avec sanction en cas de non-respect. Les ARS elles-mêmes pourraient se voir confier une nouvelle mission, celle de l’information et de la promotion des droits des usagers.
« Attention toutefois à ne pas déstabiliser le système ! », met en garde Laure Albertini, coauteur du rapport « Bilan et propositions de réformes ». Il est, selon elle, nécessaire de bien positionner les professionnels de santé face à ces nouveaux droits du patient. D’une manière générale, il y a un intérêt à renforcer le cadre des modalités de prise en charge. C’est l’un des points principaux évoqués par le rapport « Nouvelles attentes du citoyen, acteur de santé », qui incite le patient chronique à se placer au cœur de sa prise en charge. Les pistes énoncées sont multiples : mise en place de dispositifs de sortie d’hospitalisation, reconnaissance d’un parcours de soins comme parcours de vie, réflexion éthique sur la prise en charge au domicile, création d’une consultation annuelle de bilan, création d’un plan annuel personnalisé de soins coordonnés. « Cette coordination entre professionnels devrait inclure le pharmacien, qui dans sa fonction de proximité détient un rôle extrêmement important », précise Nicolas Brun.
Même le patient doit devenir un « expert »
La mise en œuvre de toutes ces recommandations pose un préalable, celui du rôle actif du patient et de son entourage. Cette exigence tombe à pic. Le rapport de Nicolas Brun se fait justement l’écho du souhait des patients « à vivre leur maladie et à être reconnus dans leur expertise ». Cette revendication propulse les représentations d’usagers sur les devants de la scène, alors même que le rapport sur le « Bilan et les propositions de réforme » insiste sur la nécessité de les impliquer davantage en pharmacovigilance tout comme dans les instances décisionnelles. « Dans ce système en maturation, se pose aujourd’hui la question de la rémunération et de la formation du représentant des usagers expert. Il serait dommage de ne pas voir cette qualification de nos concitoyens vecteurs dans notre système de santé », expose Laure Albertini, ajoutant que ce point demanderait certaines modifications législatives.
Cette reconnaissance du patient et de ses représentants ne doit cependant pas négliger le danger qu’il y a à outrepasser ses attentes, voire à trop exiger de lui. « Il faut rester vigilant par exemple à ce que l’hospitalisation à domicile ne soit pas qu’une délocalisation de la chambre d’hôpital. De même, les patients perçoivent encore mal les applications des technologies de l’information et de la communication en télémédecine. Sans parler des usagers sur des territoires désertifiés médicalement qui perçoivent ces initiatives comme une médecine à deux vitesses », décrit Nicolas Brun.
Ces rapports ont le mérite d’émettre un nombre important de solutions. Reste que la « démocratie sanitaire » a un prix. Le rapport sur le « Bilan et les réformes » y a songé en envisageant un prélèvement de un centime d’euro sur le forfait hospitalier. Une proposition parmi tant d’autres qui ne devrait pas rester lettre morte.
L’ESSENTIEL
• L’Année des patients et de leurs droits a été lancée le 4 mars.
• Trois rapports ont été remis sur le bilan de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades (loi Kouchner).
• Ces rapports dénoncent des manquements comme les dépassements d’honoraires et les refus de prise en charge des CMU et des AME.
• 190 recommandations et propositions de réformes sont émises dans ces rapports.
Trois rapports pour neuf ans de droits
1° « Bilan et propositions de réformes de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé »
Alain-Michel Ceretti, conseiller santé auprès du médiateur de la République, Laure Albertini, responsable du pôle Démocratie sanitaire de l’agence régionale de santé Ile-de-France.
2° « Nouvelles attentes du citoyen, acteur de santé »
Nicolas Brun, président d’honneur du Collectif interassociatif sur la santé, chargé de mission à l’UNAF, Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace éthique de l’AP-HP, Joëlle Kivits, sociologue de la santé, Société française de santé publique.
3° « Promouvoir la bientraitance dans les établissements de santé »
Michelle Bressand, infirmière, conseillère générale des établissements de santé, Martine Chriqui-Reinecke, psychologue clinicienne, consultante-conseil, Michel Schmitt, radiologue hospitalier, chef de service.
Les chiffres clés
27 % des Français connaissent le droit des patients.
Dans 9,2 % des cas, les bénéficiaires de la CMU sont refusés par les praticiens.
4 157 demandes d’indemnisations pour accidents médicaux ont été déposées en 2008-2009, dont 34 % ont abouti.
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