- Accueil ›
- Profession ›
- Socioprofessionnel ›
- SOUS LA PRESSION DE L’EUROPE
SOUS LA PRESSION DE L’EUROPE
La France doit se conformer au traité européen qui prône la liberté d’établissement. L’ordonnance du 13 janvier 2010, censée résoudre ce problème, est actuellement mise en cause par les députés français et certains biologistes.
Retour en arrière. Dans son arrêt du 16 décembre 2010, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que la limitation des capitaux extérieurs à hauteur de 25 % au plus est justifiée pour des raisons de protection de la santé publique. Toutefois, l’interdiction de participer au capital de plus de deux sociétés en vue de l’exploitation en commun d’un ou plusieurs laboratoires constitue une restriction non justifiée à la liberté d’établissement.
Concernant cette interdiction, la France avait considéré cette disposition « inadéquate et disproportionnée » et l’avait supprimée dans son ordonnance du 13 janvier. « C’est un coup d’épée dans l’eau, estime Bertrand de Larrard, vice-président du Syndicat national des médecins biologistes. Il suffit d’exploiter un laboratoire en Europe pour être considéré comme exerçant la biologie et pouvoir ainsi entrer en France et posséder 100 % du capital des laboratoires. » « Toutefois, la condamnation de la France sur cette dernière disposition laisse présager une modification de la réglementation des SEL de pharmacie, laquelle prévoit une limitation des participations dans lesdites sociétés, argue Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmacies de France. En conséquence, nous souhaitons une modification de la réglementation actuelle et du projet de décret relatif aux SEL et SPF-PL, dans le sens des considérations de la Cour de justice de l’Union européenne. »
L’ordonnance du 13 janvier attaquée
Dans une décision rendue le 23 décembre 2010, le Conseil d’Etat, saisi par le Conseil national de l’ordre des médecins et le Syndicat national des médecins biologistes, a annulé une disposition de l’ordonnance du 13 janvier 2010 assouplissant les règles sur les types d’acteurs pouvant détenir une participation dans une société exploitant un laboratoire d’analyses médicales. Le Conseil d’Etat a en effet considéré que le gouvernement avait assoupli les règles de détention du capital des sociétés exploitant un laboratoire, et ce contre la volonté du législateur. Or, cette ordonnance avait implicitement abrogé les dispositions interdisant la présence au capital de professionnels de santé non autorisés à prescrire des examens de biologie médicale, mais aussi d’établissements de santé, sociaux et médicosociaux de droits privés, ce qui pouvait créer des conflits d’intérêt. « La levée de cette restriction n’était pas le meilleur moyen de maintenir l’indépendance professionnelle du biologiste, en raison de conflits d’intérêts évidents », explique Jean Canarelli, président de la commission nationale de biologie médicale du Conseil national de l’ordre des médecins. Il regrette que le sort de la biologie n’ait pas été traité en son temps dans le cadre du débat parlementaire sur la loi HPST et du volet sur les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS). Le Conseil d’Etat a en outre jugé légale l’obligation faite au biologiste responsable d’informer le directeur général de l’ARS dont il dépend de décisions prises par l’exploitant du laboratoire pouvant remettre en cause la santé des patients et la santé publique ou les règles du laboratoire.
Avant qu’il ne soit trop tard, les biologistes ont besoin de la holding pour affronter le big-bang de l’ordonnance de janvier 2010. Cet instrument juridique et financier est plus que nécessaire car, si rien n’est fait, la profession de biologiste se concentrera encore plus rapidement. « Il faut à mobiliser le capital interbiologistes, il s’agit d’une question de survie », conclut Philippe Taboulet (Audit Révision Conseil). Mais, pour l’heure, l’ordonnance elle-même est remise en question. Les députés ont en effet adopté un amendement dans le cadre de la loi sur la bioéthique visant à abroger le texte. Xavier Bertrand est de fait intervenu lors du débat au Sénat sur la modification de la loi HPST : « Il n’en est pas question. Le gouvernement soutient ce texte [l’ordonnance]. » Quitte à revoir certains points…
Un marché juteux
Selon Philippe Taboulet, la biologie médicale privée reste un secteur attractif, ne serait-ce que par sa taille (plus de 4 milliards d’euros de CA, soit 2,5 % des dépenses de santé). Sa croissance est de plus de 4 % par an depuis 15 ans et les perspectives de développement sont soutenues par la démographie, l’innovation et l’essor des prédiagnostics. La biologie est beaucoup plus rentable que la pharmacie : les excédents bruts d’exploitation flirtent avec les 33 % du CA (avant rémunération des titulaires) et 15 % après. La structure financière fait rêver : le besoin en fonds de roulement est généralement négatif car les patients règlent quasi comptant alors que la plupart des dettes sont payées à terme. Le paysage de la biologie est composé de moins de 4 500 laboratoires en France, avec seulement quelques structures à plus de 30 M€ de CA.
- Economie officinale : les pharmaciens obligés de rogner sur leur rémunération
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Explosion des défaillances en Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Occitanie
- La carte Vitale numérique, ce n’est pas pour tout suite
- [VIDÉO] Financiarisation de l’officine : « Le pharmacien doit rester maître de son exercice »
- Financement des officines : 4 solutions vertueuses… ou pas
- Prescriptions, consultations : les compétences des infirmiers sur le point de s’élargir
- Dispensation à l’unité : chassez-la par la porte, elle revient par la fenêtre
- Quelles populations sont actuellement à risque de développer un scorbut ?
- Gilenya (fingolimod) : quelles conditions de délivrance ?

