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« La chaîne de santé se délite »

Publié le 26 mars 2011
Par Magali Clausener
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Décrets non publiés, application laborieuse des textes, désertification médicale aggravée… Christian Paul dresse en avant-première un état des lieux peu glorieux de la loi HPST.

LE MONITEUR DES PHARMACIES : Vous êtes le coauteur d’un rapport sur l’application de la loi HPST, qui sera présenté à Xavier Bertrand le 29 mars et dans l’hémicycle le 31 mars. Quelles sont vos conclusions sur l’application de cette loi HPST ?

CHRISTIAN PAUL : Dans ce travail d’évaluation, il y a un travail de recensement des décrets et des textes qui sont sortis, et là, une partie non négligeable des textes a été publiée, mais l’intérêt de cette évaluation est de voir leur mise en œuvre. Et elle est extrêmement difficile. En ce qui concerne les ARS, cela a été assez laborieux, mais on peut considérer que le rapprochement administratif a été fait. Il y a néanmoins un risque d’absence de démocratie sanitaire avec un vrai problème d’absence des usagers et peut-être même aussi des professionnels de santé, et un problème d’éloignement des centres de décision avec le terrain.

Les clignotants sont vraiment rouges dans le secteur des professionnels de santé en général, car là où il n’y a plus de médecins, je souhaite bonne chance aux pharmaciens pour subsister. On peut considérer que la réorganisation de l’offre de soins qui avait été promise est très largement en panne de résultats et d’outils. Et on va avec la proposition de loi Fourcade « délégiférer » avant même d’avoir utilisé les outils. Ce que nous avions craint à l’époque, c’était d’avoir une boîte à outils même pas incitative qui ne permette aucune régulation des installations. Ce diagnostic sur la loi se vérifie dans l’application.

L’application de la loi HPST comporte-t-elle néanmoins des points positifs ?

On a en effet redonné des lettres de noblesse à la médecine générale.

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Pour revenir aux décrets d’application, les pharmaciens attendent depuis plusieurs mois la publication de textes leur permettant d’exercer les nouvelles missions que la loi HPST leur a confiées. Que pouvez-vous faire dans ce domaine ?

Nous allons interroger le gouvernement sur tous les décrets et le mettre en demeure d’accélérer l’application de la sortie des textes. Mais encore une fois, la sortie des textes ne va pas régler tous les problèmes. C’est vrai que les pharmaciens sont mentionnés dans les soins de premier recours. Encore faut-il que cela se traduise dans les faits.

La loi Fourcade, dont vous parliez à l’instant, crée les Sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA). Mais elles s’adressent aux professionnels de santé percevant des honoraires. Ce qui n’est pas le cas des pharmaciens. Comment les intégrer dans les SISA ?

Les SISA visent avant tout à donner une base juridique au fonctionnement des maisons de santé. Elles vont permettre de régler des problèmes de rémunération et de nature différente. Mais il est vrai que les pharmaciens ne sont pas dans la boucle. La loi Fourcade ampute la loi HPST et essaie à la fois de mettre en place des outils complémentaires. Ce qui signifie que la loi HPST avait besoin d’être complétée. Il y a un vrai problème de pilotage et, depuis cinq ans en matière de désertification médicale et d’accès aux soins, on a l’impression de faire du surplace.

Qu’attendez-vous de votre rapport ?

Je veux que ce rapport attire l’attention sur l’installation des médecins, car c’est la chaîne de santé qui se délite, ce qui fragilise d’ailleurs la profession de pharmacien. Par exemple, dans la Nièvre, il y a six médecins dans une petite ville, et le plus jeune a 59 ans !

Les députés PS proposent le « bouclier rural » qui met l’accent sur l’accès aux services publics, dont l’accès aux soins. N’est-ce pas rajouter encore une loi ?

Le bouclier rural vise à faire obligation à l’Etat de revoir l’architecture de l’accès aux soins, hôpitaux, médecins, pharmaciens, en fixant des délais d’accès. L’article 2 autorise le transfert d’une officine si la commune d’origine accueille une nouvelle pharmacie en remplacement. Cela vient remplir le vide sidéral de la loi HPST sur la désertification médicale et cela donne une feuille de route plus ferme et plus énergique aux ARS.

Et si cette proposition de loi ne passe pas** ?

Nous intégrerons le bouclier rural dans nos programmes pour les présidentielles de 2012.

* Et coauteur avec Jean-Marie Rolland, député UMP de l’Yonne, du rapport sur l’application de la loi HPST.

** Le bouclier rural a été rejeté le 15 mars 2011 par la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale, avant d’être examiné le 24 mars en séance publique.