Grève des pharmacies du 30 mai : la plateforme de livraison Livmed’s choque les manifestants

Le jeudi 30 mai 2024, vers 16 heures, entre deux accolades pour se saluer et des slogans repris en chœur, le raz-de-marée de blouses blanches défilant dans les rues est vite perturbé par un bip de téléphone. Après consultation du message, les pharmaciens sont perplexes et le sentiment d’incompréhension prend vite le dessus. La plateforme de livraison en ligne Livmed’s a envoyé aux patients de ses pharmacies partenaires ayant déjà bénéficié des services Livmed’s, mais aussi à ses clients plus institutionnels comme les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), une notification intitulée « Grève des pharmacies : Pas de souci, on vous livre à domicile ! ». A l’heure où la solidarité officinale bat son plein et où, pour certains, faire grève est un sacrifice personnel au nom de l’économie de la pharmacie, le message passe mal. Pour certains pharmaciens, la volonté de Livmed’s de faire du profit sur le dos de la profession est claire. « J’ai répondu au nom de tous, en écrivant sur X : Honteux, décidément nous n’avons pas les mêmes valeurs », explique Lysa Da Silva, présidente de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). Talel Hakimi, le fondateur de Livmed’s s’en défend formellement : « Après avoir reçu de nombreux appels de nos utilisateurs réguliers, nous avons décidé de maintenir le service et d’en informer nos usagers, notamment afin d’éviter toute réaction de panique. Nous desservons un grand nombre de personnes dépendantes, en situation de handicap et des institutions médicales pour qui une rupture de service est inenvisageable ».

Les représentants de la profession ont la dent dure contre Livmed’s

A chaud, les représentants des syndicats, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) déplorent une démarche qu’ils jugent opportuniste et peu déontologique. Talel Hakimi a accepté de nous répondre : « Nous souhaitons exprimer tout notre soutien à nos clients, amis, investisseurs et partenaires pharmaciens, qui sont plus de 2500 à utiliser nos services de digictalisation ». Dès hier soir, la plateforme affirmait également se positionner en alliée « des pharmaciens français » avec pour mission de « soutenir l’activité des officines, maintenir le maillage des pharmacies françaises et lutter contre les déserts médicaux ». La réponse est pour l’instant difficilement audible pour la profession. Laëtitia Hible, la présidente de l’association Pharma Système Qualité (PHSQ) a immédiatement rétorqué : « Est-ce vraiment soutenir les pharmaciens français que de saisir l’opportunisme de faire du business lors du mouvement de grève ? Les patients dépendants et leurs aidants ainsi que les institutions ont été prévenus bien en amont, ce prétexte ne tient pas. 90 % de vos clients et partenaires pharmaciens étaient dans la rue hier, ils seront heureux d’apprendre comment vous les avez soutenus. » Alain Grollaud, le président de la chambre syndicale des groupements, Federgy, a également partagé son sentiment : « Quelle hypocrisie, les masques tombent ! ».