Fosse d’orchestre
Après une embellie en 2009, le marché accuse un sévère repli de 6,3 %. Ce sont surtout les lentilles nécessitant un entretien quotidien et les solutions qui sont au régime drastique. En cause, la baisse des prescriptions et une communication insuffisante sur les mesures d’hygiène nécessaires à l’entretien des lentilles.
C’est un sacré revers que subit, en 2010, le marché de la contactologie. Les statistiques d’IMS Health sont éloquentes : la régression est de 6,3 % en valeur avec 25,4 millions d’euros de chiffre d’affaires. Une inversion de tendance par rapport à l’année précédente, qui avait vu le marché progresser de plus de 4 %.
Les chiffres du Syffoc (Syndicat des fabricants et fournisseurs d’optique de contact) ne sont guère plus brillants. L’organisme révèle un chiffre d’affaires de 257 M€ (d’après les prix fabricant), tous circuits confondus, réparti entre les lentilles (214,5 M€) et les solutions d’entretien (42,5 M€). C’est une régression de 2,8 % pour les lentilles et de 2,4 % pour les solutions. Selon le Syffoc, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse :
– la morosité générale du marché de l’optique, dont la distribution n’a crû que 0,5 % d’après l’Observatoire de l’Institut d’information et de conjoncture ;
– un engagement inégal des professionnels concernés pour la contactologie.
Or, cette régression du marché français est à contre-courant des évolutions positives observées dans d’autres pays européens tels que l’Espagne (+ 8,4 %), l’Angleterre (+ 8,1 %), l’Italie (+ 6,7 % selon Euromcontact).
Les solutions en chute libre
Toujours d’après le Syffoc, les segments les plus dynamiques restent les lentilles journalières (+ 5,2 %) et les lentilles silicone hydrogel (+ 5 %), suivies des lentilles rigides perméables (+ 3,2 %). En revanche, les lentilles souples à renouvellement traditionnel s’effondrent en chiffre d’affaires (– 9,2 %), tandis que les lentilles à renouvellement fréquent (entre 1 jour et 3 mois) subissent également des pertes significatives (– 5,5 %).
Au niveau des solutions d’entretien, tous les segments, sans exception, sont en recul : – 1,8 % pour les produits « tout en un », représentant pourtant une part de marché de 73,65 %. Cette moyenne cache des disparités entre les solutions multifonctions pour lentilles souples (– 1,95 %) et celles pour lentilles rigides (– 0,7 %). Habitués aux mauvaises performances, les oxydants (16,19 % de parts de marché pour un chiffre d’affaires de 6,8 M€) baissent à plus vive allure (– 2,57 %).
Avec une segmentation différente du marché, les chiffres communiqués par IMS Health sont du même acabit. Le circuit officinal fait grise mine avec un marché global (hors LPPR) en recul de 5,4 % en unités (2 millions de boites vendues environ). Segment par segment, les ventes décrochent encore plus : – 3,6 % en volume et – 6,2 % en valeur pour les produits d’entretien pour lentilles souples, – 5,3 % en volume et – 2,9 % en valeur pour les larmes artificielles et lubrifiants oculaires, – 20,2 % en volume et – 20,6 % en valeur pour les produits d’entretien pour tous types de lentilles, enfin – 18,3 % en volume et – 19,2 % en valeur pour les produits d’entretien pour lentilles dures.
Une baisse des prescripteurs
Le marché est pourtant loin d’être saturé. L’inquiétude des fabricants sur les perspectives du marché est palpable depuis déjà plusieurs années. En 2008, l’un d’eux annonçait avec raison la récession du marché à l’horizon 2010 si l’effritement des prescriptions des ophtalmologistes et la baisse préoccupante de la démographie de ces spécialistes n’étaient pas stoppés. Or, tous les défauts visuels peuvent être corrigés par des lentilles, quels que soient l’âge et le style de vie des porteurs. Mais si l’information n’est pas relayée par les professionnels de santé, la croissance ne peut pas être au rendez-vous. « En 2009, la société française d’ophtalmologie avait sensibilisé lors de son congrès les ophtalmologistes non contactologues, mais les choses n’ont guère bougé, déplore Martine Magnant, secrétaire délégué du Syffoc. La difficulté de trouver des prescripteurs est telle que les délais de rendez-vous pour l’adaptation de lentilles sont parfois de plusieurs mois » Les opticiens transformés en adaptateurs agréés de lentilles de contact ne répondent que partiellement à la demande. « Seulement 30 % des adaptations sont faites par des opticiens », indique-t-elle.
Le défaut d’hygiène et d’observance reste au banc des accusés. « Les français porteurs de lentilles pèchent par ignorance et négligence, mais aussi pour des raisons économiques, indique Karen Le Jolif, responsable de la communication de Bausch & Lomb. Nos clients pharmaciens nous rapportent que certains porteurs font n’importe quoi en matière d’entretien : durée de port excessif des lentilles jetables à renouvellement mensuel, nettoyage des lentilles à l’eau ou au sérum physiologique, conservation de la solution dans l’étui réutilisée plusieurs jours… ». C’est la raison pour laquelle le leader ReNu – qui capte 54,7 % de parts de marché avec ReNu Multiplus et ReNu MPS devant Alcon, qui commercialise Optifree et détient 10,5 % de parts de marché – investit toujours autant : sur la formation des pharmaciens et l’éducation des porteurs aussi bien sur le point de vente (PLV, fiches rayon conseil) qu’en communication (notamment sur les sites internet santé grand public type Doctissimo). « L’augmentation des marques blanches et des MDD en optique en pharmacie contribue à une baisse de la valeur globale du marché réalisée par les leaders » ajoute-t-elle.
Des innovations contre la sécheresse oculaire
Pourtant, les fabricants s’efforcent de développer de nouvelles formulations de solutions plus confortables, plus efficaces, plus performantes. « La moitié des porteurs déclarent souffrir de sécheresse oculaire et 24 % abandonnent le port de lentilles pour cette raison », rapporte Karen Le Jolif. Surtout, depuis plusieurs années c’est la course à l’hydratation. En 2010, Bausch & Lomb a lancé la solution Biotrue. Son concept « bio inspiré » (une formulation à base d’acide hyaluronique, un facteur d’hydratation physiologique au niveau oculaire, au même pH que les larmes et avec moins d’agents décontaminants) permet de prolonger le port des lentilles jusqu’à vingt heures sans sensation d’inconfort. « Le taux de satisfaction de Biotrue est de 97 % et 8 utilisateurs sur 10 la préfèrent à d’autres solutions au niveau du confort procuré », signale-t-elle. Dans les points de vente les plus performants, ce produit capte 12 % de parts de marché, hissant celle de Bausch & Lomb à 60,19 %. De son côté, Alcon, leader dans les magasins d’optique avec des ventes d’Opti-free Replenish et d’Opti-free Express, réplique avec Opti-free EverMoist lancé au début du printemps chez les opticiens et disponible en pharmacie via le dépositaire PharmaDep depuis le 2 mai. « Grâce à cette force de vente externalisée et une politique commerciale mieux travaillée, nos ventes directes auprès de nos 4 000 pharmacies clientes ont été multipliéés par deux », précise Benoît Toullier, responsable grands comptes chez Alcon.
– 6,3 %
En 2010, le marché de la contactologie a regressé de 6,3 %, représentant un chiffre d’affaires de 25,4 millions d’euros. En volume, la baisse est de 5,4 %, avec plus de 2 millions d’unités vendues.
LES MEILLEURES VENTES *
PRODUITS D’ENTRETIEN POUR LENTILLES SOUPLES
1 Renu Multifonction (solution + étui 355 ml)
2 Renu Multifonction (solution + étui 120 ml)
3 Renu Multiplus solution multifonction (360 ml)
LARMES ARTIFICIELLES LUBRIFIANTES OCULAIRES
1 Hylovis solution unidose (0,3 ml x 20)
2 Hylovis Multifonction solution ophtalmique (10 ml)
3 Aqualarm U.P. solution ophtalmique lubrifiante 2 % (10 ml)
PRODUITS D’ENTRETIEN POUR TOUS TYPES DE LENTILLES
1 Aosept Plus (solution + étui 360 ml)
2 Oxyal solution ophtalmique lubrifiante (10 ml)
3 Lens Plus Ocupure solution lentille (360 ml)
PRODUITS D’ENTRETIEN POUR LENTILLES DURES
1 Boston Simplus solution (120 ml)
2 Menicare Plus solution (250 ml)
3 Totalcare solution décontaminante (120 ml)
*En unités
Prometteur
Opti-free EverMoist procure 16 heures d’hydratation des lentilles. « En avril 2011, il représentait déjà 37 % des ventes de la gamme chez les opticiens », indique Benoît Toullier.
Internet = danger
Le problème des ventes illégales sur Internet reste entier, en raison d’une législation qui reste très floue. Face à la multiplication des sites dont certains sont maintenant hébergés en France, le Syffoc souhaite un cadre réglementé plus strict et sécurisé pour les professionnels concernés (opticiens, pharmaciens).
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