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TROIS CLES POUR ORGANISER LE DEPISTAGE
Sur le papier, la loi HPST a donné au pharmacien la liberté de mener des opérations de dépistage de certaines pathologies, accentuant son rôle clé de conseil. En pratique, comment faire ? Quelques pistes pour commencer à organiser son officine en vue de ces rendez-vous essentiels. | Par Françoise Sigot
Si le dépistage est désormais inscrit dans la loi HPST, les officinaux n’ont pas attendu le législateur pour proposer ce service. « En France, la prévention et le dépistage ne sont pas suffisamment déployés. Or, les pharmaciens disposent d’un réseau particulièrement bien adapté pour prendre en charge ces missions. Leur présence sur l’ensemble du territoire leur permet de sensibiliser des personnes qui ne sont habituellement pas suivies par un médecin et échappent aux conseils de prévention », argue Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO). Accessible à tous les officinaux, le dépistage du diabète, de l’obésité ou des maladies cardiovasculaires ne s’improvise pourtant pas.
1 Organiser l’officine
Avant de se lancer dans le dépistage, la pharmacie doit pouvoir offrir une zone spécifique, où une conversation peut être menée en toute confidentialité. « Le dépistage demande un espace à part, car nous abordons des questions personnelles », confirme Pascale Tétart, une pharmacienne installée à Clermont-de-l’Oise, en Picardie. Et pas besoin, pour cela, de disposer de deux cents mètres carrés de surface de vente, comme le montre l’exemple de la titulaire picarde. « Au sein de mon officine, je n’ai qu’une cinquantaine de mètres carrés d’espace de vente. J’ai organisé un petit coin isolé avec une table et une chaise où l’on peut prendre le temps d’échanger et mener à bien les opérations de dépistage. Et, au besoin, nous investissons mon bureau. Il est primordial que les clients se sentent en confiance, sinon le dépistage sera vécu avec méfiance. » Pour les petites officines, un paravent dressé à l’entrée d’un espace peu fréquenté suffit souvent pour créer les conditions favorables au dépistage, même si dans les grands points de vente, une pièce est consacrée à cette activité.
2 Cibler les actions et les bénéficiaires
Même si les pharmaciens sont convaincus de la nécessité de proposer des opérations de dépistage à leurs clients, nombreux sont ceux qui peinent encore à définir leur degré d’implication. Quels dépistages proposer ? A quelle fréquence ? A quelle clientèle ? Plus l’opération sera préparée en amont, plus elle aura des chances de succès. « Le dépistage est une carte dans le jeu des pharmaciens. Ce n’est pas une obligation. Il est important de bien cibler l’environnement de la pharmacie et son potentiel pour proposer des opérations adaptées à la chalandise », conseille Brigitte Bouzige, présidente du groupement Giphar, qui organise des « rendez-vous santé ». Comment ? Pascale Tétard, par exemple, explique : « On définit à l’avance les clients à qui nous souhaitons proposer un test au regard de leurs achats de médicaments. Même si le dépistage est ouvert à tous nos clients, notre expérience montre qu’il faut être proactif car rares sont ceux qui nous sollicitent. » D’où la nécessité, quelques jours avant la tenue des journées de dépistage, de mettre en avant des dépliants, flyers et questionnaires sur la thématique choisie pour le dépistage.
3 Impliquer les équipes
Le dépistage doit être une affaire d’équipe. Comment ? « Avant chaque opération de dépistage, nous nommons une responsable au sein de l’équipe. C’est elle qui organise ce rendez-vous de A à Z. Cela renforce la cohésion de l’équipe et c’est très valorisant pour l’adjointe ou les préparatrices responsables de l’opération », souligne encore Pascale Tétart. Il faut dire aussi que la majorité des groupements sont particulièrement organisés et fournissent des supports et des outils techniques à leurs adhérents. « La pratique du dépistage doit rester une opération techniquement simple à réaliser, prévient Pascal Louis. Par exemple, les gestes à mettre en œuvre dans le cadre du dépistage des risques cardiovasculaires sont familiers aux officinaux. L’évaluation des risques détermine ensuite l’éventuelle orientation vers un médecin, le diagnostic restant de sa compétence. »
En marge de ces premiers gestes, les officinaux peuvent bien entendu informer leurs clients sur les risques liés à certaines pathologies.
La mise en route de la rémunération du dépistage est difficile sur le terrain
Si plus de 1 000 officines participent au dépistage des risques cardiovasculaires initié par le CNGPO, les équipes officinales peinent à s’organiser pour rémunérer ce service via un coffret vendu à 18 euros. « Cela contraint de revoir l’organisation. Idéalement, il faudrait un salarié dédié », confie Patrick Mathey, titulaire à Lyon (Rhône). Même ressenti dans la capitale, où Aude Jolly explique que « le prix reste un blocage pour les patients ». Certes, l’officinale ne prend pas les devants pour proposer le dépistage. Question de priorité ? Peut-être. Sébastien Menettrier, titulaire à Machecoul (Loire-Atlantique), s’est donné les moyens de mettre en place ce suivi. Affiche sur le comptoir expliquant le dépistage, flyers dans les sacs, communication sur ce service sur le répondeur téléphonique… Il veut montrer que son officine « est un espace de santé ». Pour convaincre ses patients, c’est lui qui engage la conversation sur cette opération. Sans la lier à une rémunération. « J’offre le premier dépistage gratuitement. Quand ils reviennent, ils me demandent combien ils me doivent. » Et ça marche. Chaque semaine, il assure le suivi d’un à deux patients (qui reviennent tous les trois mois) et a déjà vendu douze coffrets.
Pharmaciens et réseaux se donnent la main
Dans le Nord, l’association Diabhainaut a mis en place, avec le concours des pharmaciens locaux, une opération inédite et extrêmement ciblée. « Nous avons souhaité proposer aux diabétiques un dépistage de la rétinopathie diabétique. Les pharmaciens nous ont ouvert leurs fichiers de patients. Nous avons pu entrer en contact facilement avec des diabétiques et leur proposer un fond d’œil », explique Alain Delemotte, infirmier et membre du comité de pilotage.
Une opération menée avec l’Ordre des pharmaciens du Nord-Pas-de-Calais. « Ce sont les pharmaciens qui ont contacté leurs patients diabétiques pour les inviter à se rendre à la pharmacie sur rendez-vous afin de subir un fond d’œil réalisé par un professionnel présent au sein de la pharmacie. Nous avons donc travaillé en réseau avec d’autres professionnels de santé pour proposer un véritable service à nos clients », se félicite Jean Arnoult, président de l’Ordre du Nord-Pas-de-Calais.
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