UNE OFFICINE MAGISTRALE
Jean Schies, cotitulaire de la Pharmacie homéopathique de l’Europe à Paris, est l’un des premiers pharmaciens à avoir obtenu l’autorisation d’être sous-traitant de préparations magistrales. Son équipe en réalise entre 160 et 180 par jour.
Les préparations magistrales permettent « d’éviter les ruptures de service pour les adaptations posologiques en pédiatrie, en gériatrie ou en cardiologie, et de pallier l’absence de spécialités en dermatologie », explique Pierre Cabret, responsable du préparatoire de la Pharmacie homéopathique de l’Europe. Cette activité de l’officine était déjà reconnue quand Jean Schies, cotitulaire, la reprit en 1984, mais elle était alors limitée aux clients de la pharmacie. A l’époque, toutes les officines réalisent leurs propres préparations. « Mais, petit à petit, du fait du contexte économique, des contraintes réglementaires et du coup d’arrêt donné aux préparations officinales, cette activité a été abandonnée par la plupart des confrères », commente Jean Schies.
Dès les années 1995, nombre d’entre elles commencent à donner leurs préparations en sous-traitance à un petit nombre d’officines bien que l’activité ne soit pas encore légalisée. C’est à ce moment-là que le pharmacien fait le choix de développer progressivement le préparatoire, embauchant du personnel et investissant plusieurs dizaines de milliers d’euros dans du matériel.
Entre 160 et 180 préparations réalisées chaque jour
Aujourd’hui le préparatoire couvre 180m2 au premier étage de l’officine. Il est divisé en trois laboratoires : formes humides, formes sèches et homéopathie. Entre 160 et 180 préparations y sont réalisées par jour, dont la moitié pour les patients de la Pharmacie de l’Europe et l’autre moitié pour les 250 officines clientes situées principalement en région parisienne. Elles sont livrées par les grossistes. Onze personnes y travaillent, soit pratiquement un tiers de l’effectif qui comprend au total 4 titulaires, 8 adjoints, 15 préparateurs et 3 personnes chargées des tâches administratives et du rangement.
Au niveau du préparatoire, Pierre Cabret gère le personnel et les affaires courantes, met en place le plan de formation et détermine les priorités. Un cotitulaire, Eric Myon, s’occupe de la qualité et une adjointe, Nicole Poisson, réceptionne les matières premières et libère les préparations. L’équipe comprend également sept préparateurs, un métrologiste chargé de la maintenance du matériel et un rayonniste. « L’activité est rentable, souligne Pierre Cabret, mais elle est fortement pénalisée par les importants frais de personnel dus au fait que les préparations demandent beaucoup de temps et de main-d’œuvre. » Pour preuve, le préparatoire occupe un tiers du personnel alors qu’il ne représente que 15 % du chiffre d’affaires.
Préparations stériles : une activité surveillée
L’officine a officialisé son activité de sous-traitance en 2010 en obtenant l’autorisation stipulée par la loi du 26 février 2007. « Les officines intéressées doivent demander une autorisation d’exercice auprès du préfet qui en accuse réception et la fait suivre à l’Agence régionale de santé, laquelle diligente l’Inspection de pharmacie pour enquête et, en cas d’avis favorable, publie un arrêté au Journal officiel », souligne Jean Schies.
L’officine a également obtenu l’autorisation de réaliser les préparations stériles ou dangereuses qui est stipulée dans le décret du 22 octobre 2009. « Cette autorisation est nécessaire pour toute officine qui veut réaliser de la sous-traitance car, en son absence, le nombre de préparations réalisables est très réduit. Un amendement devrait prochainement donner une liste des préparations relevant de cette catégorie », commente Pierre Cabret. Ces ordonnances sont réceptionnées par les préparateurs qui les trient en fonction de leur forme galénique et les répartissent dans l’un des trois laboratoires. Ils vérifient leur faisabilité technique et réglementaire, la validité clinique relevant du donneur d’ordre. Ils identifient la pharmacie cliente en vérifiant que le contrat de sous-traitance définit bien les responsabilités de chacun. Ils contrôlent le prescripteur et le patient, les coordonnées d’âge et de poids pour les préparations pédiatriques et le respect de la loi Tallon. « Les pharmaciens n’interviennent que sur demande des préparateurs, en cas de doutes sur un dosage, une formule, un type d’huile essentielle… Ils peuvent se retourner vers le donneur d’ordre qui contacte lui-même le prescripteur », commente Eric Myon.
« L’obtention de l’ISO 9001 a renforcé l’esprit d’équipe »
La tarification est faite automatiquement par un logiciel paramétré. Les préparateurs éditent un bon de paillasse sur lequel ils notent les numéros de lots, les dosages et les pesées. Chaque étape est validée par scanner. En cas d’erreur, un message s’affiche à l’écran. Les préparations pédiatriques, traitées en urgence, font l’objet de mesures particulières tels des tests d’uniformité de masse. Tout le personnel est habilité pour chaque opération qu’il effectue. « Chaque opérateur a un badge muni de son propre code-barre qui recense les actions qu’il peut réaliser en fonction de ses compétences acquises : pesées, conditionnements, contrôles… », explique Pierre Cabret.
Pour acquérir ces habilitations maison, un préparateur doit travailler un nombre d’heures définies sous la direction d’une personne formée. L’objectif du plan de formation est la polyvalence. « Ainsi, une préparatrice qui travaille essentiellement sur des gélules, doit chaque année réaliser d’autres préparations pendant quelques jours et passer une journée chez un confrère sous-traitant pour apprendre d’autres techniques », rapporte Eric Myon. Ces procédures ont été élaborées et mises en place par toute l’équipe. Elles ont permis l’obtention de la certification qualité ISO 9001 pour le préparatoire en juillet 2010 et pour toute l’officine en février 2011. « Ce label est une garantie de sécurité pour la clientèle et il a contribué à renforcer l’esprit d’équipe », conclut Pierre Cabret.
Enfin, la pharmacie fait partie de la Société des officinaux sous-traitants en préparations (SOTP) qui s’investit auprès des instances syndicales, ordinale et des pouvoirs publics pour la défense d’une activité qui permet d’offrir un service sur mesure. La SOTP suit l’évolution des textes réglementaires, notamment le dernier projet du gouvernement de limiter les préparations magistrales aux produits qui n’ont pas d’équivalent thérapeutique. Ce qui pourrait limiter le nombre de préparations autorisées et remettre en cause la viabilité du préparatoire qui a besoin d’une activité minimale pour être rentable.
Si vous avez envie d’essayer
Les avantages
• Elargir la zone de chalandise.
• Maintenir le préparatoire en activité et le rentabiliser.
• Conserver un savoir-faire traditionnel.
Les difficultés
• Les contraintes en termes de compétences, de moyens et de procédures.
• Réaliser un minimum de préparations pour rentabiliser le préparatoire.
• Former du personnel, investir dans du matériel, organiser les locaux, avoir des stocks de matières premières.
• La protection du personnel et des préparations est un impératif à prévoir.
Ses conseils
• Lancer l’activité à partir d’un préparatoire existant.
• Embaucher des préparateurs qui aiment travailler avec la matière.
• Demander l’autorisation de réaliser les préparations dangereuses.
• Suivre l’évolution de la réglementation et les recommandations de l’Institut national de recherche et de sécurité.
• Mettre en place une démarche qualité ISO 9001.
• Adhérer à la SOTP.
L’AVIS DE L’ÉQUIPE
« Nous sommes en contact permanent avec les confrères qui sous-traitent leurs préparations. C’est un travail très évolutif qui varie selon les problèmes rencontrés et l’évolution des produits. Avec la démarche qualité, nous gérons tout le processus. Nous améliorons les protocoles au fur et à mesure des besoins. Et, pour cela, on se parle », commente Nicole Poisson. Quant à Stéphanie et Claudine, préparatrices, elles ont fait le choix de travailler au préparatoire « par goût d’un travail manuel », et elles ont participé à la mise en place de la qualité en retranscrivant chacune des étapes de leur travail.