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LES SECRETS D’UNE BONNE CONFIDENTIALITÉ

Publié le 3 décembre 2011
Par Virginie Saurel
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Bien que les modalités de prise en charge du patient dans le cadre de la loi HPST soient encore floues, les espaces de confidentialité sont devenus incontournables. Agenceurs et enseignes sont de plus en plus nombreux à en proposer. Tour d’horizon.

Aucun agenceur n’échappe aujourd’hui aux nouvelles exigences en matière d’aménagement et de création d’espaces de confidentialité initiées par la loi HPST, même si elles sont encore mal définies. Par exemple, chez Mobil M, l’agencement d’espaces clos où le pharmacien parle de dépistage, de sevrage tabagique ou de diététique avec un patient, en toute discrétion, est accepté par huit clients pharmaciens sur dix. Les plus réfractaires préfèrent opter pour une cabine mixte permettant de combiner de l’orthopédie, des essayages et une zone de confidentialité. « Il est commercialement intéressant de signifier à la clientèle qu’on est prêt à lui consacrer plus de temps. Il s’agit aussi de ne pas pénaliser l’exploitation commerciale du local », explique Laurent Milhin, responsable commercial de Mobil M. Selon lui, l’espace de confidentialité doit être balisé dès l’entrée de l’officine sur un panneau visible de loin.

Un autre impératif est que l’espace de confidentialité soit accessible au client sans que celui-ci ait à passer par l’espace médicaments. Il doit aussi être distingué par un élément visuel marqué et doit rester ouvert quand il n’est pas utilisé. Ce « salon santé » doit par ailleurs être confortable, avec par exemple une banquette. Sur la cabine, des indications à destination du patient sont nécessaires, comme « écoute », « conseil », « accompagnement thérapeutique », « prise de tension »…

Confidentialité spatiale, confort psychologique

Même si les espaces de confidentialité ne concernent environ que 10 % des pharmacies, les agenceurs sont sur le pied de guerre pour proposer des concepts pouvant s’adapter à toutes les surfaces. Chacun s’efforçant d’établir ses propres critères différenciants.

Fahrenberger, par exemple, met en avant la réalisation d’un espace de confidentialité de 30 mètres carrés dans la Pharmacie Toufflin-Rioli située à Commequiers (Vendée). Elle comporte un sas, une zone assise ludique et conviviale, un bar avec des sièges hauts, un poster de forêt amazonienne et des vitrophanies de roseaux apposées sur un mur blanc. « Les pièces de consultation doivent être simples, et surtout facilement nettoyables et désinfectables, selon des critères hospitaliers. Dans 80 % des cas, nous réalisons des zones fermées de 8 à 10 mètres carrés. Le principe est souvent le même : un éclairage naturel si possible, un mur coloré, des moquettes au sol, un mobilier simple en bois clair et un point d’eau », commente Jean-Jacques Perroteau, chargé d’affaires chez Fahrenberger.

Media 6 Pharmacie, qui travaille depuis quatre ans à la conception d’espaces de confidentialité, conçoit des cabines mixtes orthopédie/entretiens. « L’intérieur est équipé en éclairage fluo, de meubles d’exposition et de notes colorées », précise Armand Lepot, président de Media 6 Pharmacie.

Un autre agenceur, TH.Kohl, fort de son expérience internationale, propose systématiquement des espaces de confidentialité ou polyvalents. En Italie, où ils sont autorisés, l’agenceur conçoit même des espaces de soins esthétiques. Mais aussi des cabines de dépistage (prélèvements sanguins et urinaires), de consultation et d’orthopédie. « L’espace de confidentialité est un moyen de reprofessionnaliser l’image du métier de pharmacien aux yeux des patients et de l’orienter vers une démarche plus systématique de prévention », commente François Guillot. Le directeur commercial France de TH.Kohl, qui préconise systématiquement un espace de confidentialité à ses clients, affirme que 100 % d’entre eux l’entérinent, sauf dans le cas de surfaces inférieures à 80 mètres carrés. Selon François Guillot, cette option représente aussi une façon d’utiliser de manière optimale les zones froides de l’officine.

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L’entrée dans la cabine doit pouvoir se faire en toute discrétion

« L’accès à la zone de confidentialité ne doit pas être perçu comme un parcours psychologiquement contraignant pour le patient : il lui faut pouvoir entrer et sortir sans être vu ou, en tout cas, sans faire l’objet d’une curiosité. Les points d’entrée et de sortie peuvent même être différents. Cet espace sera donc naturellement placé dans une zone conseil éloignée des comptoirs et des couloirs de fort passage en dermocosmétique, dans un environnement par ailleurs propice au conseil : produits diététiques, bio, huiles essentielles, sportifs, hygiène intime… », continue François Guillot.

L’agenceur construit des cabines de 12 à 15 mètres carrés balisées « Espace de confidentialité » avec un pictogramme significatif (cadenas avec une croix). Pour l’ambiance, TH.Kohl mise sur des atmosphères zen avec de la verdure, lumineuses en verre sablé, dotées d’un mur-miroir pour donner de l’espace, d’un mur en bois pour réchauffer l’ambiance ou capitonné pour le cocooning, d’un éclairage légèrement orangé pour donner meilleure mine.

Autre spécialiste de l’agencement, l’Italien Alfonso Maligno (Groupe Maligno) conçoit, au contraire, des espaces de confidentialité translucides, un peu comme des aquariums en semi-open space, placés en plein cœur de l’espace de vente. Ces îlots en verre servent de ronds-points de circulation. Elles ont la forme de coquilles totalement transparentes avec un rappel lumineux au plafond et souvent une différenciation au sol (du bois surligné d’un liséré miroir). Autour de cet espace, les surfaces côté public sont utilisées pour la présentation des produits conseil en libre accès ou des produits pour bébés, ce qui contribue à opacifier la zone tout en la rendant commercialement utile.

Alfonso Maligno utilise pour habiller ses coquilles de verre (et pour les rendre plus ou moins confidentielles, selon les desiderata des titulaires) toutes les possibilités de la vitrophanie : nids-d’abeilles, feuillages, spirale d’ADN… A l’intérieur figurent un poste d’accueil pour les conversations confidentielles, voire une arrivée automate et un diffuseur d’odeurs intégré pour le confort olfactif. « La cabine peut être polyvalente : l’environnement est chaleureux, aménagé en bois de cendre massif et moderne avec une table en demi-lune en verre, des plafonniers circulaires à variateurs de lumière colorée dans un faux plafond travaillé en courbes. L’objectif est de valoriser la personne dans un espace confortable et design », explique Alfonso Maligno.

Les enseignes de pharmacie créent elles aussi des espaces de confidentialité

Il n’y a pas que les agenceurs qui proposent des concepts d’espaces de confidentialité. Les enseignes planchent aussi sur ces zones, rendues indispensables pour mettre en place les nouvelles missions du pharmacien voulues par la loi HPST. Alors que Giphar annonce le lancement de son concept l’an prochain, Népenthès, et son enseigne Proxi Pharma, est en phase pilote pour être prêt en janvier 2012. Semi-fermé, situé dans une zone de faible passage de l’espace de vente, il comprendra un comptoir métallique peint couvert d’un demi-portique signalisé, avec des zones de facturation et de stockage pour les appareils de diagnostic et des affiches de communication sur les campagnes de dépistage et les animations. Il devrait occuper, au sol, trois mètres carrés.

Forum Santé propose à ses adhérents, depuis avril 2011, un « Espace Rencontre » permettant le dialogue autour de thèmes santé comme la prévention ou le dépistage. L’espace est balisé et reconnaissable grâce à un mobilier compact et modulaire (paravents de deux tailles dont un pliable, simples ou doubles, colonne à niches de présentation de produits, coffre de rangement à roulettes, table et lampe à abat-jour). Sur les paravents, l’enseigne décline les services : dépistage des risques cardiovasculaires, mise en place du sevrage tabagique, programme de diététique et nutrition, suivi des traitements chroniques, prestations au patient à domicile.

En septembre dernier, Univers Pharmacie a proposé la version pilote de sa cabine d’entretiens pharmaceutiques dont l’objectif est de suivre le patient dans son parcours de soin via des protocoles formalisés (par exemple l’oncologie), de procéder à des tests d’orientation cliniques sur plusieurs pathologies, de sensibiliser le patient à l’éducation thérapeutique et de proposer des téléconsultations. Cet espace est accompagné d’une information extérieure et intérieure (colonne sur roulettes avec explications et visuels dans l’espace de vente).

Chez Pharmavie, la surface minimale pour un espace de confidentialité est de 8 à 12 mètres carrés. L’implantation se fait en accès direct front-office et proche des univers « Confort médical » (pour faciliter l’action de dépistage) ou « Nature » (pour le conseil en phytothérapie). L’espace est équipé d’une table et de deux chaises avec un écran de consultation relié à internet, une imprimante et de la documentation pour consultation. Un portique rétro-éclairé avec des colonnes visuelles latérales est balisé avec les messages « Savoir », « Renseigner » et « Respirer ».

Certaines enseignes travaillent déjà sur la confidentialité depuis plusieurs années et continuent à peaufiner leur approche. C’est le cas de Giropharm qui, depuis mars 2011, propose une zone de confidentialité déclinée en deux versions : une cabine de 6 mètres carrés balisée « Espace Expert », qui peut être mixte avec l’orthopédie, ouverte ou fermée, avec zone d’exposition des produits, ou bien une parenthèse de confidentialité, paravent protecteur sur lequel on peut lire « Vous écouter pour mieux vous conseiller », avec table et chaises dans l’espace de vente.

De même, Pharmactiv travaille depuis deux ans sur le concept d’espace de confidentialité : aujourd’hui, il propose une cabine – parfois mixte pour l’orthopédie, mais si possible exclusive – de 10 mètres carrés environ, visible de l’espace de vente, à porte coulissante et à cloison vitrée recouverte d’un film relayant les services de l’officine (diabète, sevrage tabagique, maladies cardiovasculaires, cancers, addictions, maladies tropicales, suivi de vaccination, nutrithérapie…) et un poste assis de deux personnes.

QUATRE MANIÈRES DE CONCEVOIR LA ZONE DE CONFIDENTIALITÉ

Dans le back-office

Christian Barth, titulaire à Wasselonne (Bas-Rhin), dont la pharmacie a été réagencée par Bottigelli, fait bénéficier sa clientèle d’une zone confidentielle depuis mai 2010. Il a opté pour un bureau fermé, confortablement sonorisé, avec une table en verre, des chaises colorées, un meuble pour les produits diététiques, une fenêtre ouvrant sur un jardin dans le back-office, non visible de l’espace de vente, à l’endroit le plus calme de l’officine. Il sera bientôt signalisé dans la zone publique par un panneau d’information avec pictogramme.

Un équipement complet à l’intérieur

La pharmacie de Stéphane et Françoise Terral, titulaires à Mont-de-Marsan (Landes), agencée par Bousin Agencement, s’est dotée d’une cabine de 10 mètres carrés fermée à porte coulissante. Elle a été installée en zone froide pour obtenir une confidentialité maximale. Déclinée en noir et vert fluorescent sur fond blanc, elle est très visible dans l’espace de vente. Elle comporte un décor de croix noires, vertes et jaunes, de pictogrammes et d’un balisage signalétique clair – « Espace confidentiel : dépistage, conseil, urgence, nursery, consultation » – pour annoncer la zone très lisiblement. A l’intérieur, les pharmaciens ont prévu un équipement complet : balance, toise, table à langer escamotable, tensiomètre, glucomètre, appareil de mesure du cholestérol total, spiromètre de pointe, brochures, tablette informatique. « Le taux d’occupation est très satisfaisant. Nous accueillons jusqu’à huit patients par jour lors des campagnes de dépistage », indiquent Stéphane et Françoise Terral.

Face aux comptoirs, très visible

Sabine Vellard, titulaire a Viry-Châtillon (Essonne), adhère au concept Pharmactiv depuis deux ans. Sa cabine est face aux comptoirs, très visible et bien signalisée par un film adhésif qui décline les services et spécialités : maintien à domicile, orthopédie, suivi personnalisé (diabète, sevrage tabagique), service à la personne. Un meuble d’exposition bébé habille à mi-hauteur la partie latérale. A l’intérieur, des linéaires – visibles quand la cabine est ouverte – sont prévus pour l’autodiagnostic, le sevrage tabagique, les piluliers. Les pharmaciens génèrent un taux d’occupation de quatre à cinq patients par jour.

Une table dans un local orthopédie

André Luiggi, titulaire à Peipin (Alpes-de-haute-provence), dont la pharmacie a été agencée par Jean Rolland, a simplement aménagé une table escamotable et deux chaises dans un local orthopédie semi-fermé de 18 mètres carrés. La zone est signalisée par un bandeau et un panneau informatif en point de vente. Une option basique dont l’inconvénient est le chevauchement entre l’activité orthopédie et la confidentialité qui demande une gestion des flux.

COMBIEN ÇA COÛTE ?

La zone de confidentialité faisant partie intégrante de l’agencement, son prix est proportionnel à sa surface et doit être rapporté au coût moyen d’agencement, soit en moyenne 800 €/m2. Voici les prix annoncés par certains agenceurs.

– 600 €/m2 chez Alfonso Maligno.

– 750 €/m2 chez Univers Pharmacie.

– De 750 à 1 435 €/m2 chez Media 6 Pharmacie (à pondérer selon le niveau de finition).

– De 600 à 700 €/m2 chez Fahrenberger.

– 2 800 € environ chez Boursin Agencement.

Sondage directmedica

Sondage réalisé par téléphone les 10 et 11 novembre 2011 sur un échantillon représentatif de 100 titulaires en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

Avez-vous un espace de confidentialité dans votre officine ?

Sinon, avez-vous l’intention d’en créer un ?

Pour vous, modifier l’agencement de l’officine doit permettre :

Le climat économique a t-il une influence sur votre décision de réagencer votre officine ?

Si oui, la crise économique vous incite-t-elle à :

LE « CONFIDENTIEL TOTAL »

Une pharmacie bourguignonne n’a pas fait les choses à moitié. Réagencée par l’architecte Edouard Bootz, elle a généralisé le concept d’espace de confidentialité à la totalité de ses sites de délivrance. Son titulaire – qui souhaite conserver l’anonymat – a conçu une pharmacie en deux espaces : une zone commerciale d’exposition des produits dotée de deux comptoirs classiques d’encaissement rapide, que les clients traversent avant d’accéder, par un passage un peu plus étroit entre deux gondoles, à la seconde zone, deux fois plus grande que la première, l’espace de délivrance confidentielle. Cette vaste zone, au cœur de l’organisation spatiale de l’officine, n’est pas sans rappeler la configuration des cabinets médicaux, avec une grande aire d’attente assise donnant accès à cinq bureaux confidentiels vitrés et fermés, soit par des portes coulissantes, soit par des portes à vantaux. Ils disposent de 9 à 11 mètres carrés pour accueillir les fauteuils handicapés et les poussettes, en lieu et place de la traditionnelle barrière de comptoirs. A l’intérieur de chaque bureau, le mobilier est assorti à la moquette et comporte cinq couleurs différentes (avec une dominante rouge, verte, jaune orangé). Les parois sont vitrées tout en hauteur sous plafond et rendues translucides en partie basse par des décors de feuillages et des vitrophanies. Un parti pris inattendu, à la fois cocooning, aéré et lumineux grâce au verre et à des fenêtres ouvrant sur l’extérieur, qui donnent à ces espaces une dimension de confort intimiste. Les médicaments et la parapharmacie sont acheminés par un automate directement dans les espaces de confidentialité. Chaque bureau est équipé d’un ordinateur, d’un téléphone, d’un lecteur de carte bancaire et de trois chaises (sans accoudoirs, pour accueillir aussi les personnes en surpoids). L’objectif est de se déplacer le moins souvent possible hors des bureaux lors de la délivrance pour rester en contact permanent avec le patient. Le titulaire compte ainsi donner aux patients l’impression d’entrer dans un « lieu de santé » et non dans un lieu purement commercial.

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