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PARAPHARMACIEN QUI ES-TU ?

Publié le 17 décembre 2011
Par Marie Luginsland, Catherine Grison et Jean-Claude Pennec
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Ils ne figurent ni au tableau A ni au D. Ils ne sont d’ailleurs pas inscrits au tableau de l’Ordre. Ce sont les pharmaciens travaillant dans les espaces de parapharmacie de la grande distribution. Epanouissant pour certains, source de désillusions pour d’autres, le secteur continue à recruter. Rencontre avec ceux que la profession considère parfois comme des « transfuges ».

Recrutés par des cabinets spécialisés ou encore par petites annonces, ce sont les pharmaciens de l’ombre. Parfois, des campagnes jettent un coup de projecteur sur leur fonction. Ainsi, en 2009, une annonce de Michel-Edouard Leclerc (« Docteur en pharmacie, changez de traitement ! ») parue dans un supplément de L’Express invitait les pharmaciens « en mal de responsabilité » à rejoindre le réseau de ses parapharmacies. On estime le nombre de ces pharmaciens « pas comme les autres » entre 800 et 1 000. Quand ils ne sont pas salariés des chaînes de parapharmacie (Parashop, Euro Santé Beauté…), on les retrouve dans les « espaces santé » des GMS (grandes et moyennes surfaces). Mais aussi dans des parfumeries, des « shops in shop » qui parfois ne dépassent pas 20 mètres carrés !

« Ces pharmaciens, titulaires du diplôme de docteur en pharmacie d’une université française ou européenne, sont liés à la grande surface par un contrat de travail propre à la convention collective de celle-ci. A titre d’exemple, un même pharmacien a été embauché chez Monoprix comme cadre technique, puis chez E. Leclerc comme responsable de la parapharmacie et enfin chez Marionnaud comme pharmacien, avec le statut de la convention collective 3123 de la parfumerie-esthétique », explique Alireza Ensaf, pharmacien, coauteur avec Patrice Bourée d’un ouvrage sur le statut juridique des pharmaciens travaillant dans un espace de parapharmacie*.

Un spécialiste qualifié faisant de la « distribution sélective »

Comme leurs homologues officinaux, les pharmaciens exerçant en grande surface sont soumis aux règles générales de la responsabilité civile (concernant le conseil accompagnant un produit ou les infractions aux exigences déontologiques ou professionnelles) et à l’obligation de secret professionnel. Aucun médicament n’étant en vente en parapharmacie, ils ne relèvent pas du Code de la santé publique et ils ne sont inscrits à aucun tableau de l’ordre des pharmaciens.

Historiquement, ils ne doivent leur existence qu’à la volonté des laboratoires Pierre Fabre. Jugeant que la vente de ses produits à haute technicité nécessitait les conseils et la supervision du spécialiste qualifié qu’est le pharmacien, Pierre Fabre avait en effet exigé l’embauche obligatoire de deux pharmaciens pour un espace de parapharmacie et la présence continue d’un diplômé pendant les heures d’ouverture (60 à 80 ? h par semaine). Dans leurs contrats d’agrément avec la grande distribution, les fabricants font ainsi état aujourd’hui d’une clause de « distribution sélective ». Cette obligation d’embauche de deux pharmaciens est de plus en plus souvent contournée dans certaines enseignes, comme le dénonce Alireza Ensaf : « Lorsqu’un pharmacien part, il n’est souvent pas remplacé par un autre confrère, le distributeur préférant mettre à sa place une personne moins qualifiée pour réduire les charges. Il est ainsi fréquent que le second pharmacien soit en réalité une vendeuse ou, dans de rares cas, une préparatrice. »

Dans les faits, Alireza Ensaf estime que près de 50 % des espaces de parapharmacie du secteur de la parfumerie ne sont pas dotés de pharmaciens. Et que le contrôle annuel de l’inspecteur du laboratoire ne représente pas une réelle menace : « En cas de réprimande, le distributeur s’empressera d’embaucher un nouveau pharmacien. Ou encore, cas extrême, le laboratoire se retirera du point de vente, libérant alors des métrages supplémentaires à ses concurrents. » Tout autant que la nature, la grande distribution a horreur du vide !

Le développement du CA comme critère de développement

Difficile de généraliser cependant. La fonction du « parapharmacien » dépend du statut de l’enseigne et de l’importance que celle-ci donne à la parapharmacie. « Nous remarquons des nuances dans les cultures d’entreprise. Dans le commerce associé, les jeunes pharmaciens jouissent d’une grande autonomie pourvu qu’ils dynamisent le chiffre d’affaires », relève Valérie Lebeaupin directrice de la division pharmacie chez Adecco Medical. Il va bien entendu de soi qu’ils doivent également ne pas faire de surstocks. » Les méthodes seraient plus atténuées dans les groupes « intégrés » où le pharmacien dépendra directement du manager et sera soumis à des objectifs commerciaux très stricts, au même titre que les chefs de rayon. « Les pharmaciens y sont plus assujettis au directeur du magasin. L’offre y est orientée plus strictement sur le client et surtout sur le conseil au client. On embauche davantage des pharmaciens confirmés dans les groupes intégrés », constate Valérie Lebeaupin.

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Dans les enseignes du commerce associé ou des réseaux de franchise, il n’est pas rare que la parapharmacie se trouve « extra-muros ». Le pharmacien détient alors une relative liberté pour gérer les commandes et l’espace de vente. Responsable d’un chiffre d’affaires d’un million d’euros en moyenne, il pourra déterminer sa politique de prix et sa marge commerciale, fera évoluer son assortiment parmi près de 6 000 référencements et recrutera son équipe. « Chez Leclerc par exemple, le pharmacien est responsable d’un centre de profit, c’est-à-dire qu’il doit être un bon manager mais aussi un bon acheteur. Bien que les négociations se fassent en centrale, il est responsable des offres complémentaires et des animations commerciales. Il doit également fixer les prix, piloter la marge et diriger une équipe de trois à cinq personnes qu’il recrute et embauche avec la validation de l’adhérent », décrit Laurence Dubois, ancienne titulaire, responsable des parapharmacies au Galec, la centrale d’achats des Centres Leclerc.

Leclerc, ça vous dit quelque chose ? Le distributeur bien aimé des pharmaciens vient de relancer dans la presse nationale la promotion de son comparateur de prix Sesoignermoinscher.com sur les articles de parapharmacie (lire p. 13), égratignant au passage les enseignes concurrentes dont celles de pharmacie : Lafayette, Univers Pharmacie et Evolupharm. « Vous n’avez pas à choisir entre votre bien-être et votre pouvoir d’achat », clame le slogan de Michel-Edouard Leclerc.

« Je passe mon temps à porter et à monter les caisses à la réserve »

L’image du pharmacien de parapharmacie est de moins en moins sulfureuse. En témoignent les cabinets qui n’ont aucune difficulté à recruter. « Aujourd’hui, les jeunes diplômés viennent à nous non par dépit, comme cela se voyait encore dans les années 90, mais parce qu’ils ont envie de faire autre chose que de l’officine. Pour les adjoints, souvent cantonnés dans la délivrance de médicaments et ayant peu d’influence sur la stratégie de l’officine, le travail en parapharmacie est un moyen de prendre des responsabilités », note Laurence Dubois, dont le groupe ouvre chaque année une vingtaine de parapharmacies. Parmi ces recrues, il y a les « aventuriers », qui veulent tenter une expérience de vente différente de celle en officine, d’anciens titulaires, à la recherche d’un emploi intermédiaire avant de se relancer dans une autre expérience, des étudiants en dernière année ou encore des diplômés étrangers en attente de la validation de leur diplôme. « L’objectif de la grande distribution n’est pas d’embaucher des pharmaciens étrangers, mais il est vrai que la parapharmacie peut être un tremplin pour eux », constate Alireza Ensaf, qui lui-même compte trois expériences en parapharmacie (deux en grande distribution et une en parfumerie). Formés pour l’officine, les candidats entrent de plain-pied dans un monde qui leur est étranger. Celui de la grande distribution avec ses codes et ses conditions de travail plus pénibles. Un monde rude qui en fait craquer plus d’un. « Mon rôle a été vidé de son sens. Je passe mon temps à porter et monter les caisses à la réserve, à réceptionner la marchandise, à munir les boîtes d’antivols, à encaisser à tous moments car les stagiaires et les animatrices n’ont pas le droit de le faire, à relever les prix chez les concurrents, à distribuer des prospectus dans la rue, à servir mes clientes et à tenir mon stand propre ainsi que le magasin… », témoigne une pharmacienne arrêtée pour dépression et qui souhaite garder l’anonymat.

Nettoyage des sols, quand ce ne sont pas des toilettes, manutention, rangement… Autant de tâches auxquelles sont en effet appelés les pharmaciens de l’espace de parapharmacie. Ce sont en tout cas les plaintes que recueille Alireza Ensaf au sein de SCMP (Syndicat cadres, médecins et pharmaciens salariés), le syndicat qu’il a créé en avril dernier. Il n’hésite pas à parler de « mal-être, de souffrances au travail ». A en croire son expérience, le pharmacien en parapharmacie est un salarié multitâche. « La pratique, bien éloignée de ce que les pharmaciens ont appris pendant leurs études, n’a par ailleurs rien à voir avec ce que le contrat d’embauche stipule. Les pharmaciens doivent être polyvalents. Ce qui est souvent source de frustrations, décrit Alireza Ensaf. Les tensions ne sont pas rares. Les autres salariés du point de vente, notamment les chefs de rayon, supportent mal que le pharmacien de l’espace parapharmacie soit plus diplômé et mieux rémunéré qu’eux. A l’inverse, il sera difficile pour un pharmacien d’être assujetti à une personne moins formée et moins expérimentée que lui. La hiérarchie se trouve inversée, ce qui est souvent source de souffrances pour le pharmacien. » Le secrétaire général du SCMP redoute par ailleurs une dégradation de l’image de la profession aux yeux du grand public : « Quand les clients voient un pharmacien faire le ménage et ranger des linéaires, ce n’est pas très valorisant… »

« Les grandes pharmacies emploient des esthéticiennes »

A contrario, Nadine, qui est aujourd’hui revenue travailler à l’officine, ne garde que des bons souvenirs de ses six années passées dans diverses parapharmacies indépendantes. « Aujourd’hui, je maîtrise les gammes de dermocosmétique uniquement parce que, par contrat avec les laboratoires, les formations sont obligatoires en parapharmacie. En six années d’officine, je n’ai vécu les mêmes remises à niveau qu’avec un revolver sur la tempe, et après mes douze heures de travail car il ne fallait pas perdre trop de temps !, livre Nadine avec amertume. Ce n’est pourtant qu’en suivant des formations solides que l’on peut conseiller avec aisance. Mais allez convaincre certains titulaires ! Le paradoxe, c’est d’oser défendre un monopole quand on sait que les grandes pharmacies emploient des conseillères en dermocosmétique, donc des vendeuses ou esthéticiennes, pour que les pharmaciens aient le temps d’assurer au comptoir.? Je crois qu’il y a là matière à réfléchir ! Cela valide donc le fait que la meilleure manière d’être conseillé pour un produit de dermocosmétique est d’aller en parapharmacie.? J’aime toutefois mon métier, je reste attachée à la pharmacie et je me risque, dès que l’on m’y autorise, à proposer des produits (et avec succès) que la parapharmacie et mes études m’ont appris à si bien connaître. »

Des recrutements de plus en plus nombreux

La grande distribution continue d’embaucher. « Nous avons trouvé avec une facilité étonnante 100 CDI en quelques mois », raconte Valérie Lebeaupin, qui a eu à recruter il y a deux ans et demi pour un grand groupe de la distribution. Valorisation du métier de pharmacien et valorisation du salaire (40 à 45 000 euros annuels grâce aux variables) à la clé, elle est parvenue à convaincre « des pharmaciens auxquels l’officine ne faisait plus envie et qui étaient heureux d’intégrer un grand groupe avec des perspectives de responsabilisation et d’évolution ». Les demandes continuent d’affluer. Une quarantaine de pharmaciens sont à nouveau en cours de recrutement par ce spécialiste de l’emploi pharmaceutique. Car les fondamentaux demeurent sur le diplôme. Le pharmacien est un gage de sérieux dans l’espace de parapharmacie, une caution scientifique qui, bien sûr, est aussi un atout commercial, notamment pour la grande distribution soucieuse de se démarquer de la concurrence.

Chez Leclerc, le conseil dermatologique, les compléments alimentaires et l’aromathérapie sont au centre de l’activité des parapharmacies. Cette demande conforte le groupe dans sa volonté d’étoffer depuis quatre ans ses équipes de parapharmacie de préparateurs diplômés. « Il y a de moins en moins de conseillères en parapharmacie. La présence de diplômés est très importante et nous sommes suivis par l’ensemble des adhérents dans cette démarche, expose Laurence Dubois. Cette démarche va de pair avec notre combat pour la libéralisation du marché des médicaments non remboursés. »

Ces recrutements massifs de pharmaciens sont une volonté à peine voilée des enseignes de poser leurs jalons en vue d’une éventuelle libéralisation du marché de l’OTC. Et pour cause, les grandes et moyennes surfaces lorgnent ouvertement sur ce marché de 3 000 référencements supplémentaires et de cinq milliards d’euros ! « Les distributeurs auront alors réuni toutes les conditions pour être le moment venu dans les starting-blocks », relève le responsable d’une agence de recrutement. Des conditions qui font douter Alireza Ensaf : « Comment les grandes et moyennes surfaces pourront-elles se soumettre à ces nouvelles contraintes alors que nombre d’entre elles ne sont pas à même aujourd’hui de remplir leurs engagements avec les laboratoires dans leurs espaces para », s’interroge-t-il. Et d’en appeler à la responsabilité éthique de l’industrie, engagée contractuellement avec la grande distribution, mais, surtout, de s’en référer au ministère de la Santé pour davantage de sécurité en faveur du patient-consommateur.

* « Le statut juridique du pharmacien employé au sein d’un espace de parapharmacie », pôle Santé HSF, département pharmacie, World Universities Editions.

4 dates clés

1988 Michel-Edouard Leclerc crée le premier rayon parapharmacie, baptisé « espace santé ».

1994 Auchan installe ses premiers rayons para.

1995 Carrefour lui emboîte le pas.

2008 Système U, enseigne du commerce associé, lance les U Parapharmacie, avec un objectif de cent points de vente en cinq ans.

CÉLINE COQUET TITULAIRE À SAINT-CYR-AU-MONT-D’OR (RHÔNE)

« En parapharmacie, il y a beaucoup de chose qu’on n’apprend pas durant ses études »

« J’ai beaucoup aimé travailler en parapharmacie », assure Céline Coquet, titulaire depuis un peu plus de deux ans à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, aux portes de Lyon. Diplômée en 1996 après des d’études à Lyon et à Paris-V/René-Descartes, Céline Coquet exerce d’abord dans le quartier d’affaires de Paris-la Défense. Après un stage à la Pharmacie des Gratte-Ciel à Villeurbanne, elle se voit proposer la direction d’une parapharmacie lyonnaise de l’enseigne Euro Santé Beauté. Elle n’hésite pas. La jeune femme va y passer dix ans et n’en garde que de bons souvenirs : en raison d’abord de l’approche du fondateur d’Euro Santé Beauté qui alliait diététique et cosmétique. « En arrivant, j’ai été frappée par la somme impressionnante des différentes crèmes de beauté, et par la diététique qui procurait 40 % du chiffre d’affaires de la parapharmacie. En parapharmacie, j’ai appris une autre vision des choses », explique Céline Coquet, qui n’a quitté Euro Santé Beauté qu’à la suite du rachat de l’enseigne par Nocibé (en mars 2005), avant tout axé sur la parfumerie et sur une forte rentabilité. « Les salaires étaient ridicules et les rapports humains détestables », déplore la pharmacienne.

Céline Coquet exerce désormais dans une pharmacie traditionnelle où elle développe le bio. De son passage en parapharmacie, elle ne regrette rien : « Il y a beaucoup de choses qu’on n’apprend pas durant les études : le management, la gestion des stocks et d’une structure, les techniques de communication et de vente, les stages ciblés… Cela m’a vraiment appris à gérer une équipe. »

STÉPHANE GENTRIC TITULAIRE À MONTREUIL (SEINE-SAINT-DENIS

« Le titre de pharmacien sert d’alibi »

Tout jeune diplômé, Stéphane Gentric, 47 ans, a accepté, en 1988, de faire partie de l’équipe de LCJ Diffusion qui ouvrait, dans le Ve arrondissement de Paris, l’une des premières parapharmacies indépendantes. Le jeune pharmacien voyait alors l’intérêt d’un meilleur salaire qu’à l’officine et la possibilité de vivre une expérience. « J’ai dirigé cette entreprise en intervenant sur tous les postes, de la commande à la réception en passant par la manutention, la vente, l’accueil et le conseil. Pour commencer, il m’a fallu apprendre à négocier avec des laboratoires qui hésitaient à livrer une telle structure et qui, finalement, acceptaient des contrats sélectifs. La clientèle appréciait de trouver en un seul lieu un grand choix de parfumerie et de cosmétique. Evidemment, cela ne plaisait pas aux pharmaciens du quartier qui voyaient en moi un traître. On a cherché à me prendre en défaut. On me tendait une ordonnance… On me demandait une crème listée… J’étais salarié et docteur en pharmacie dans une parapharmacie. Cela dérangeait. Je suis parti au bout de deux ans avec un DESS en marketing et formé par les laboratoires. L’esprit des parapharmacies ne m’attirait plus, le titre de pharmacien ne servant que d’alibi. J’ai ensuite alterné des postes dans des officines ou dans des agences de publicité pour la rédaction d’argumentaires destinés aux visiteurs médicaux. Je me suis enfin installé à Montreuil. Et parce que je sais le faire, ma pharmacie affiche une connotation « para » qui plaît aux jeunes mères. »

ANNE DARDARE TITULAIRE À BRON (RHÔNE)

« Je cherchais une expérience différente de l’officine »

Diplômée de la faculté de Lyon, Anne Dardare gère désormais sa propre pharmacie au centre-ville de Bron, une commune située à l’est de la capitale des Gaules. Au gré des mutations de son mari militaire, entre Reims et Mourmelon, Anne Dardare peine à trouver un poste d’adjointe et opte pour la grande distribution. L’expérience durera huit ans. A Reims, où elle arrive en 2000, elle prend la direction de la parapharmacie d’un magasin Cora. « Il y avait deux pharmaciens et cela représentait un énorme chiffre d’affaires, avec des milliers de références en rayon. J’étais totalement autonome », raconte Anne Dardare. Elle gérait tout, recrutait le personnel, (quatre préparatrices ou esthéticiennes), dans un magasin ouvert six jours sur sept et de 9 heures à 21 heures. La pharmacienne rejoint plus tard, durant dix mois, le siège de Leclerc à Vitry-sur-Seine, où elle ne constate pas de grandes différences avec son poste précédent. A peine le temps de prendre ses marques et elle repart pour Bordeaux où elle rejoint Monoprix. L’approche y est très différente. « Je n’avais aucune autonomie car c’était une centrale d’achats qui décidait. » Par ailleurs, le magasin comptait moins de références et elle était moins bien payée que dans ses fonctions précédentes. En revanche, Anne Dardare y trouvait son compte en matière d’aménagement du temps de travail, faisant des journées continues de dix heures durant trois jours (lundi, mardi et mercredi), ce qui facilitait sa vie familiale.

« Je cherchais une expérience différente de l’officine, explique Anne Dardare. Quand je suis arrivée à Mourmelon, la souffrance des gens m’atteignait ; en parapharmacie, je rencontrais des gens bien portants. Pourtant on a le même rôle social. » Grâce à la parapharmacie, Anne Dardare dit également avoir mieux saisi les subtilités des circuits de distribution ou de l’évolution des marques, celles dont le chiffre d’affaires augmentait ou baissait. Toutes choses qui lui servent encore aujourd’hui dans son officine.

MARINE NGUYEN ADJOINTE À MARNE-LA-VALLÉE (SEINE-ET-MARNE)

« La parapharmacie a été une bonne école de gestion »

Après avoir été adjointe, Marie Nguyen a dirigé plusieurs parapharmacies de la chaîne Parashop de 2006 à août 2010. « Je pensais être autonome et pouvoir décider, exercer mon métier de pharmacien. La réalité économique a vite tout balayé. Les objectifs de ventes sont inatteignables et le management d’une équipe est entravé par de multiples contraintes. Je ne comptais plus mes heures de travail en tentant de concilier les exigences de la direction du magasin vis-à-vis des conseillères en esthétique. Il était difficile de recruter ces dernières, payées au smic, et de les garder vu les conditions imposées de travail, les réassorts tôt le matin, le ménage, le port de charge… La différence de niveau d’études entre elles et moi pesait sur la perception du conseil à donner aux clients. J’ai eu l’impression de ne plus faire mon métier de pharmacien. On ne me jugeait que sur les chiffres et la rentabilité des conseillères et non sur mes qualités éthiques. Les Parashop ont cessé le versement de participations et primes dès 2007 et rendu illusoire l’espoir d’un plan de carrière. Beaucoup de pharmaciens travaillant en parapharmacie sont des diplômés étrangers. Moi, j’ai pu en partir et retourner à l’officine où je gagne autant en faisant moins d’heures. Je reconnais néanmoins que la parapharmacie a été une bonne école de gestion. »