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UN MARCHÉ EN BONNE SANTÉ

Publié le 11 février 2012
Par Magali Clausener
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Dans un contexte économique morose, le marché de l’automédication affiche une bonne santé avec une progression de + 1,9 %. Publicité, nouveautés et délistages sont les principales raisons de cette évolution positive, qui devrait perdurer en 2012.

Fièvre, frissons, courbatures… ». Les premiers mots de la publicité pour Oscillococcinum, des laboratoires Boiron, ne s’appliquent pas au marché de l’automédication. Avec une augmentation des ventes en valeur de 1,9 % et un chiffre d’affaires de 2,1 milliards d’euros en prix public TTC, il se porte plutôt bien. C’est ce que révèle le 10e Baromètre de l’automédication 2011 réalisé pour l’AFIPA (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable) par Celtipharm. Un contraste avec le marché des médicaments soumis à prescription qui enregistre une baisse de 1,3 % et celui de l’hygiène et de la cosmétologie (- 2,2 %).

Quatre segments dynamisent l’automédication. Le premier en termes de poids (515 millions d’euros) est celui des voies respiratoires, dont le chiffre d’affaires progresse de 1,5 % malgré une légère baisse des volumes (- 8 %), mais grâce à une hausse des prix de vente (+ 2,4 %). Avec le lancement d’Oscillococcinum globules (boîte de 30 doses), la marque (première du top-ten de l’OTC) a boosté le marché. D’ailleurs son CA augmente de 9 M€, contre 7,7 M€ pour le segment. Il faut dire que Boiron n’hésite pas à avoir recours à la publicité. Ainsi, les investissements publicitaires* du segment croissent de 18,8 % globalement et de 16,9 % pour la publicité télé.

L’antalgie dopée par les lancements

Cependant, le segment qui contribue le plus à la croissance du marché est celui de l’antalgie : 386 M€ de CA et + 6,4 % de progression. Contrairement au segment des voies respiratoires, les volumes augmentent de 5,3 %. Jean-François Derré, directeur associé de Celtipharm, distingue l’antalgie générale (2/3 du segment) de celui de l’antalgie locale (1/3) : « La croissance de l’antalgie générale de 5,6 % est liée en grande partie aux lancements de produits, 25 en 2010 et 2011, dont ceux de Nurofen 400 mg cp, Nurofen 400 mg capsules molles en 2010 et Efferalgantab 1 g en 2011. L’innovation représente ainsi 31,4 % de la progression de ce segment. » Il avance une seconde raison possible au succès de l’antalgie générale : celle du retrait de Di-Antalvic. Concernant l’antalgie locale (+ 9 % en CA), les lancements de spécialités constituent aussi un facteur de croissance important avec en tête la marque Voltarène en 2011 : Voltarenactigo et Voltarenplast contribuent ainsi pour 75 % à la croissance du sous-segment. Côté publicité, les laboratoires ont moins investi en 2011 qu’en 2010. L’évolution des investissements en 2011 est de – 7,6 % en 2011 contre + 33,9 % en 2010.

Les déremboursements synonymes de croissance ?

Le segment des vitamines-suppléments minéraux (119 M€ de CA) connaît le plus fort développement : + 15,9 % en valeur. Le déremboursement des magnésiums a conduit en effet à un report sur les magnésiums en libre accès (Magnevie B6 et Mag 2). Mais Celtipharm souligne la bonne santé des vitamines, dont le CA progresse de 6,9 %. Deux marques sont à l’origine de ce dynamisme : Berocca (+ 50 % de CA) et Vitamine C Upsa (+ 8 % de CA). Les investissements publicitaires ont largement augmenté entre 2009 et 2011, passant de 13,4 M€ à 15,3 M€. La publicité télé marque aussi une forte hausse en 2011 avec + 60,6 % par rapport à 2010.

Enfin, dernier segment porteur : celui des substituts nicotiniques qui enregistre une progression de 9,6 % (81 M€ de CA). « Il y a une corrélation entre le chiffre d’affaires de ce segment et l’indice des prix du tabac. La hausse de ces prix en octobre 2011 a eu un effet direct sur les ventes. On observe un pic à cette période », souligne Jean-François Derré. Le développement des patchs en grand format est également un facteur de croissance.

Publicité

Nouveautés et publicité sont indissolubles

La progression de ces quatre segments montre que les nouveautés (dosages, conditionnements, lancements de spécialités) bénéficient au marché. L’élargissement de gammes contribue ainsi pour 63 % à la progression de l’automédication. Selon Celtipharm, le marché enregistre une augmentation de 40 millions d’euros et les nouvelles références ont généré 36 millions d’euros de chiffre d’affaires. La publicité joue également un rôle essentiel : « On a une concentration des grandes marques, et les dix marques qui participent le plus à la croissance du marché font de la publicité grand public », explique Pascal Brossard, président de l’AFIPA. De fait, les investissements publicitaires n’ont cessé d’augmenter depuis 2009, passant de 111,8 M€ à près de 172 M€ en 2011 dont, pour la télévision, 90 M€ en 2009 et 133 M€ en 2011. « Quand une communication grand public est couplée avec une innovation ou un nouveau positionnement, cela pousse le marché », assure Pascal Brossard, qui met aussi en avant le conseil pharmaceutique.

Le président de l’Afipa est donc optimiste pour 2012. D’autant que les laboratoires affinent leur stratégie afin d’aider les pharmaciens à valoriser leur espace libre accès : formation, merchandising et politique de prix. Les prix des 433 médicaments OTC ont en effet diminué de 10 % en euros constants et, pour l’instant, les pharmaciens n’ont pas répercuté la hausse de la TVA.

* Source : Kantar Media.

Qu’en pensent les médecins ?

Mireille Becchio, généraliste à Villejuif (Val-de-Marne): « Un accès plus difficile aux consultations et la paupérisation de mes patients encouragent, je le constate, l’automédication. Je suis pour si elle est régulée, la vente d’AINS par exemple ne pouvant se faire sans conseils. Je travaille en collaboration avec les officines, notamment avec celles situées dans mon secteur. J’incite mes patients à se rendre de préférence dans la même pharmacie pour y être connus. J’ai confiance en les conseils prodigués par les officinaux en matière d’automédication, le DP constituant de plus un bon garde-fou. »

Marie-Laure Alby, généraliste à Paris : « L’automédication est la meilleure et la pire des choses. On est passé trop directement de la prescription à l’automédication, sans accompagnement d’aucune campagne publique. J’émets une réserve sur les vasoconstricteurs, qui ne sont pas sans effets secondaires. La consultation en pharmacie n’est pas encore possible dans les conditions actuelles, et supprimer la visite au généraliste, même pour les petits maux, ne me paraît pas une bonne chose. Se pose également le problème du commerce : je n’ai pas d’intérêt à prescrire, mais mes patients sortent parfois de la pharmacie avec une somme de produits que ne leur aurait pas prescrit le médecin. »

Propos recueillis par Isabelle Guardiola

Repères

Espace libre accès

71 % des officines disposent d’un espace libre accès, soit 1 5940 (elles étaient 5 000 en décembre 2008).

14 % des officines ont moins de 2 mètres linéaires de libre accès.

44 % des officines ont optimisé leur espace.

+ 5 % de CA pour les officines qui ont un espace libre accès.