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« Chaque moment est important pour arrêter de fumer »
Tabagisme en contexte de cancérologie. Le Respadd, réseau de prévention des addictions, propose un guide pour accompagner l’arrêt du tabac chez les patients atteints d’un cancer ou des personnes présentant des facteurs de risque.
Pourquoi ce guide ?
La prise en charge du tabagisme et l’accompagnement vers son arrêt font partie intégrante du traitement des personnes atteintes d’un cancer. Le tabagisme n’est pas suffisamment pris en charge dans les centres de lutte contre le cancer. Après ceux sur la santé mentale et les femmes, ce troisième guide du Respadd s’inscrit dans le déploiement de la stratégie « Lieu de santé sans tabac ».
Comment est-il construit ?
Des spécialistes en cancérologie, addictologie et en santé publique ont balayé la littérature et recensé les points importants, avec des arbres décisionnels faciles à utiliser. La maquette a été soignée pour en faire un outil attractif, structuré, permettant un accès rapide à l’information. Outre des données épidémiologiques et de contexte, nous proposons des méthodes de référence pour le repérage et la prise en charge de la personne fumeuse, avec le repérage précoce et intervention brève motivationnelle (RPIB).
À qui s’adresse ce guide ?
À tout professionnel de santé en contact avec des fumeurs, en contexte de cancérologie, ce qui signifie agir sur le repérage avant l’apparition du cancer, agir dans la phase d’accompagnement du traitement anticancéreux, et dans le suivi, avec le maintien de l’abstinence pour éviter cancers secondaires ou rechute. Nous avons l’obligation, en tant que soignants, de proposer de la nicotine à toute personne fumeuse, ne serait-ce que pour faciliter le traitement et empêcher le manque.
Les officinaux connaissent-ils les effets du tabac en cancérologie ?
Les aspects pharmacocinétiques et pharmacodynamiques ne sont pas assez connus. C’est dommage car ce sont de bons leviers pour favoriser l’arrêt du tabac. Néanmoins, ils ne sont pas nécessaires pour intervenir.
En quoi le tabac impacte la prise en charge du cancer ?
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques de la fumée accélèrent l’élimination de chimiothérapies, d’où une moindre efficacité. En cas de cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS), le tabagisme peut pérenniser ou aggraver une mucite. Il favorise les complications gastro-intestinales à long terme après radiothérapie pelvienne, ou respiratoires en cas de cancers bronchopulmonaires ou digestifs, avec un taux d’hospitalisation plus élevé. Il entraîne un défaut de cicatrisation dans les cancers du sein et des VADS. Il favoriserait la progression tumorale et le risque de récidive par la migration de cellules malignes. Continuer à fumer dégrade l’état de santé et affecte la survie.
Certains disent : « Cette personne a déjà un cancer, pourquoi l’embêter avec l’arrêt du tabac ? »…
S’il y a bien une idée reçue à combattre, c’est celle-là ! Chaque moment est important pour arrêter de fumer. Jusqu’à trop récemment, la position était de dire « Ça ne sert à rien car il est trop vieux » ou « car l’espérance de vie est de trois ans ». Et on a laissé les gens mourir de leur consommation. On peut arrêter de fumer même si le cancer est d’un pronostic très mauvais, ne serait-ce que parce qu’on aura beaucoup moins d’effets indésirables et une meilleure qualité de vie.
Qu’est-ce qui a changé dans la prise en charge de cette addiction ?
Quand on travaille sur un processus de changement, on a besoin de focaliser, de s’accorder sur l’objectif. Très souvent, le professionnel impose son objectif, qui est l’arrêt du tabac, enjeu extrêmement lointain, voire inatteignable pour le patient, avec « En arrêtant de fumer, vous allez réduire votre risque de cancer du poumon à dix ans ». En revanche, travailler sur les enjeux de la personne en termes de qualité de vie – moins d’effets indésirables, meilleure respiration, etc. –, des choses factuelles qui apparaissent très vite, a redonné du sens à la prise en charge.
Qu’est-ce que le repérage précoce et intervention brève motivationnelle ?
C’est une méthode de repérage du tabagisme, d’encouragement à l’arrêt et au maintien de l’abstinence, adaptée au degré de motivation. Elle a été conçue pour aider les personnes à s’engager dans un changement de comportement. Le RPIB peut être résumé en appliquant la méthode des 5 A : Ask (demander si la personne fume), Advise (conseiller l’arrêt), Assess (évaluer la dépendance et la motivation à l’arrêt), Assist (aider, soutenir par des traitements appropriés et un accompagnement) et Arrange (assurer le suivi ou orienter). Il existe des variantes plus courtes : AA avec Ask et Advise (conseiller l’arrêt, remettre une brochure d’information), AAC avec C pour Connect (orienter vers un autre professionnel de santé si besoin) et AAT avec T pour Treat (proposer un traitement de substitution nicotinique).
Est-ce faisable au comptoir ?
Repérer précocement le tabagisme au comptoir est faisable par tous. Dans le guide, on présente une progression, depuis la façon dont on peut agir en posant juste la question du tabagisme et proposer tout de suite un traitement, ou poser la question, puis travailler sur les motivations et soumettre un traitement et un suivi. On va du 2A au 5A (voir précédemment, NDLR). Rien que de demander « Fumez-vous ? », et si oui, « Ça serait bien d’arrêter », et proposer immédiatement un traitement, est assez efficace et faisable systématiquement. Si vous vous formez à l’intervention brève, vous doublez l’efficacité de votre intervention (voir encadré).
Quelle est cette intervention brève de 5 à 7 minutes ?
Après le repérage, vient l’intervention, centrée sur le bénéficiaire. « Que penseriez-vous d’avoir un échange sur l’arrêt du tabac ? » Cela permet aux gens d’évoquer leur questionnement. On explique le risque spécifique du tabagisme à la personne dans sa situation, en travaillant avec elle via deux ou trois questions. On va focaliser ensemble sur les principaux avantages à modifier sa consommation, sans chercher à lui demander d’arrêter : « Quel serait pour vous le principal avantage à modifier votre consommation de tabac ? » Puis, on réfléchit avec elle – ça va très vite – à une stratégie de changement. « Quelle méthode connaissez-vous pour le faire ? Que pourriez-vous faire pour y arriver ? » À chaque fois, on peut ajouter un moyen, proposer des objectifs, avec un menu : « Vous connaissez ça, mais vous pourriez aussi faire ça, prendre des patchs, des gommes, etc. » Puis, « Voilà le livret pour vous accompagner ». Ce guide lui permettra de reprendre les éléments à froid et de renforcer son engagement dans l’action. Dès que vous prenez un peu plus de temps, vous optimisez l’efficacité.
Vous la proposez sans que la personne ait verbalisé son envie ?
Oui. Dans l’intervention brève, on ne demande jamais « Que pensez-vous d’arrêter de fumer ? », mais plutôt « Quels sont les avantages à arrêter ? » On va directement jouer sur sa motivation, en pariant sur le fait qu’aller chercher cet engagement autour de principales raisons et avantages à modifier sa consommation suffira à être un élément déclencheur. La recherche nous dit que cela fonctionne et qu’on amène une grande partie des gens à s’engager immédiatement dans une démarche d’arrêt.
C’est « Est-ce que vous fumez ? » et derrière, je conseille un substitut ?
Dans l’intervention ultra brève, on apprend aux professionnels qui n’ont pas le temps à demander : « Est-ce que vous fumez ? » Si oui, « Avec votre accord, on va faire un point sur le tabagisme et je vais vous proposer tout de suite un traitement pour arrêter. Qu’est-ce que vous en pensez ? » L’idée est que la personne reparte avec son patch collé sur le bras !
Est-il opportun de parler du tabac à une personne fumeuse qui vient de découvrir son cancer ?
Oui. On se met beaucoup de barrières. On se protège en croyant que ce n’est pas le bon moment et les gens continuent de mourir de leur consommation. À quelqu’un qui dit « Je n’ai pas trop envie en ce moment », répondre : « J’entends votre décision, mais c’est très important pour moi aujourd’hui de vous dire que prendre en compte votre santé est primordial, que prendre soin de vous est très important, et que votre santé m’inquiète. »
Doit-on dire que le tabagisme altère la prise en charge du cancer ?
Oui, mais en question ouverte, en demandant systématiquement aux gens ce qu’ils en pensent. « Vous débutez votre traitement pour votre cancer. Avec votre accord, je souhaiterais partager avec vous les dernières données scientifiques et informations que j’ai concernant l’interaction de votre tabagisme avec votre traitement ». Et enchaîner : « Le tabac va en majorer considérablement les effets indésirables et en réduire l’efficacité. Qu’est-ce que vous en pensez ? »
Que dire à la personne intéressée ?
Si après avoir dit « Je peux vous conseiller de prendre un patch de x mg avec des comprimés à sucer », la personne demande si c’est remboursé, dites : « Si vous souhaitez un remboursement, il faut voir votre médecin ou votre infirmière ». Et l’inscrire sur un document. C’est dommage que les officinaux n’aient pas le droit de prescrire car on perd un allié redoutable dans la lutte contre le tabagisme. Les équipes officinales sont une ressource essentielle pour repérer le tabagisme, intervenir, pour l’instant orienter, et demain prescrire des substituts nicotiniques.
Nicolas Bonnet, pharmacien de santé publique, directeur du Réseau de prévention des addictions (Respadd), coordinateur et directeur de publication du guide Prévention et prise en charge du tabagisme en contexte de cancérologie
(1) .(1) Prévention et prise en charge du tabagisme en contexte de cancérologie, sur le site respadd.org ou via contact@respadd.org
Le saviez-vous
(1) ?→ Environ 50 % des personnes diagnostiquées pour un cancer bronchopulmonaire et 65,1 % pour un cancer des voies aérodigestives supérieures fument.
→ 2 personnes sur 3 fumant au moment du diagnostic poursuivent leur consommation, notamment celles dont le cancer ne semble pas associé à une étiologie tabagique : col de l’utérus, sein, côlon…
(1) Prévention et prise en charge du tabagisme en contexte de cancérologie, sur le site respadd.org ou via contact@respadd.org
Le Respadd
Anciennement Réseau hôpital sans tabac créé en 1996, le Réseau de prévention des addictions (Respadd) est une association à but non lucratif qui fédère plus de 600 établissements de santé, hôpitaux, cliniques, Ehpad, etc. engagés dans la prévention et la prise en charge des pratiques addictives. Formations, conférences…il propose des outils pertinents pour les officinaux. Site : respadd.org, Tél. : 01 40 44 50 26.
Taux d’abstinence
* → Aucune intervention : 10,9 %.
→ Intervention minimale de moins de 3 minutes : 13,4 %.
→ Intervention brève de 3 à 10 minutes : 16 %.
→ Consultation plus approfondie supérieure à 10 minutes : 22,1 %.
(*) Pourcentage après un an selon l’intervention proposée.
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