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La drépanocytose et son dépistage
Jusqu’alors ciblé, le dépistage de la drépanocytose à la naissance sera sans doute généralisé
Qu’est-ce que c’est ?
• La drépanocytose se caractérise par une anomalie de l’hémoglobine, complexe protéique majeur des globules rouges qui transporte l’oxygène des poumons vers les tissus. L’hémoglobine est constituée de la globine, protéine formée de deux sous-unités d’alpha-globine et de deux de bêta-globine, et de fer (hème).
• Dans la drépanocytose, une mutation de l’ADN du gène codant pour la bêta-globine transforme sa structure. Dans certaines circonstances, notamment en cas de manque d’oxygène, les bêta-globines modifiées se polymérisent en chaînes, donnant à l’hémoglobine une forme allongée, dite hémoglobine S, et aux hématies une forme de faucille. D’où l’autre nom de la drépanocytose, l’anémie falciforme.
• Les gènes mutés ne sont pas localisés sur les chromosomes sexuels mais sur les autres (autosomes) ; les hommes et les femmes peuvent donc être atteints. Elle est récessive, c’est-à-dire qu’une personne malade a dans son ADN deux allèles (voir Dico+) porteurs de la mutation, chacun étant transmis par l’un de ses parents. Les personnes qui n’ont reçu qu’un seul allèle muté (forme hétérozygote, dite « trait drépanocytaire ») sont des porteurs sains ; elles ne déclarent pas la maladie mais peuvent la transmettre à leur descendance.
• Dans le monde, la drépanocytose concerne environ 300 000 naissances par an(2). En France, c’est la maladie génétique la plus fréquente, avec 1 nouveau-né sur 1 323 concerné en 2020, contre 1 sur 1 736 en 2015(1 et 2).
• Apparue en Inde et en Afrique, la maladie est bien implantée en Amérique, notamment aux Antilles, et en Europe du Sud et de l’Ouest.
Quelles conséquences ?
• L’hémoglobine S polymérisée provoque une destruction plus rapide des globules rouges. L’anémie est chronique, caractérisée par une fatigue, une pâleur, parfois un ictère, des urines foncées. Elle peut s’aggraver brutalement lors d’une suractivité de la rate, qui détruit les globules rouges, urgence vitale, notamment chez l’enfant, ou lors d’une infection ou d’une carence en vitamine B9.
• Crises vaso-occlusives. L’irrigation sanguine insuffisante de certains tissus peut générer des douleurs vives, transitoires ou chroniques, notamment ostéo-articulaires (jambes, bras, rachis, bassin…), au niveau des pieds et des mains, du thorax, de la verge (priapisme, voir Dico+), ou des accidents vasculaires cérébraux. C’est la première cause d’AVC chez l’enfant.
• Les patients ont un risque accru d’incidence et de sévérité d’infections pulmonaires (grippe, pneumonies), urinaires, d’hépatites, de méningites, d’ostéomyélites, de septicémies.
• La maladie peut engendrer un retard de croissance et de puberté chez l’enfant, puis des troubles chroniques multiples : insuffisance rénale, arthrose, ostéoporose, hypertension artérielle pulmonaire, hémorragies intraoculaires, troubles de l’érection, ulcères cutanés, calculs biliaires, hépatomégalie…
• La maladie est en général asymptomatique les premiers mois de vie, où la présence d’hémoglobine fœtale « normale » contrebalance l’hémoglobine S. La maladie évolue ensuite par crises, avec anémie aggravée, douleurs…, de rythme et de sévérité très variables. Elle ne peut actuellement être guérie, sauf rares cas d’allogreffes, mais sa prise en charge améliore la qualité de vie des patients et fait régresser la mortalité. Sans prise en charge, la mortalité infantile peut atteindre 90 %, notamment liée aux AVC et infections.
Pourquoi un dépistage néonatal ?
• Intérêt. Le dépistage néonatal permet une prise en charge spécifique dès la naissance, qui retarde la survenue et la fréquence des complications. Il identifie des nouveau-nés hétérozygotes (porteurs sains), qui pourront bénéficier d’un conseil génétique à l’âge de procréer, et d’autres maladies de l’hémoglobine.
• Méthode.
→ Ce dépistage de la drépanocytose a lieu dans le cadre du test de Guthrie, qui décèle aujourd’hui jusqu’à six maladies rares : phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, hyperplasie congénitale des surrénales, mucoviscidose, déficit en MCAD (voir Dico+) et éventuellement la drépanocytose, après prélèvement sanguin au talon du nouveau-né dans les 48 à 72 heures après l’accouchement (voir Info+).
→ La recherche d’hémoglobine S sur une goutte de sang se fait ensuite en laboratoire. Si aucun variant de l’hémoglobine n’est détecté, la famille ne reçoit pas de résultats. Sinon, la proportion d’hémoglobine normale et altérée oriente vers un profil homozygote (malade) ou hétérozygote (porteur). La famille est avertie et un test de confirmation est systématique.
• Pour qui ?
→ Dans les départements et régions d’outre-mer (Mayotte, Guadeloupe, Martinique, Guyane…), le dépistage néonatal est systématique pour tous les nouveau-nés depuis 1992.
→ En France métropolitaine, le dépistage est ciblé pour les nouveau-nés de parents originaires de régions à risque : Antilles, Guyane, La Réunion, Mayotte, pays d’Afrique subsaharienne et Cap-Vert, Brésil, personnes noires d’Amérique du Nord, océan Indien, Madagascar, île Maurice, Comores, Algérie, Tunisie, Maroc, Italie du Sud, Sicile, Grèce, Turquie, Liban, Syrie, Arabie saoudite, Yémen, Oman.
→ La Haute Autorité de santé (HAS) a recommandé(1) de généraliser le dépistage à tous les nouveau-nés. Ce qui devrait intervenir « dans les meilleurs délais »(3). Les arguments ? Une incidence qui augmente régulièrement, une disparité régionale dans sa mise en œuvre (un enfant sur quatre en Île-de-France, contre un sur deux en province), des erreurs dans le ciblage, une forte mortalité infantile en l’absence de prise en charge précoce, la bonne performance du test, avec aucun faux positif depuis vingt ans, un remède à la stigmatisation des populations ciblées.
Quelle prise en charge ?
• Prévention des complications infectieuses.
→ Antibioprophylaxie quotidienne systématique par pénicilline V orale (Oracilline) pour diminuer la sensibilité aux bactéries, à partir de 2 mois et au moins jusqu’à 5 ans.
→ Antibiothérapie probabiliste devant toute suspicion d’infections, avant des soins dentaires et toute intervention chirurgicale, à tout âge.
→ Renforcement du calendrier vaccinal, avec vaccinations contre le pneumocoque, avec Pneumovax 23-valent à 2 ans et rappel cinq ans plus tard en plus du Prevenar 13, contre les méningocoques ACWY, contre la grippe dès 6 mois, anti-hépatite A dès 1 an, et anti-typhoïde dès 2 ans en cas de voyage en zone d’endémie.
• Supplémentation systématique en acide folique (5 mg par jour), en fer si carence avérée et en zinc durant la pré-puberté pour ses bénéfices sur la croissance.
• Éducation de l’entourage familial.
→ Connaissance, surveillance et réaction face aux signes d’aggravation : fièvre, vomissements, douleurs, pâleur, fatigue, altération de l’état général, augmentation du volume de la rate ou de l’abdomen, priapisme.
→ Éviction des facteurs favorisant les crises douloureuses : déshydratation (s’hydrater afin de garder les urines les plus claires possible, vigilance en cas de diarrhées…), exposition aux températures extrêmes, séjours à plus de 1 500 mètres d’altitude, efforts intenses, stress, vêtements serrés qui entravent la circulation.
• Suivi. Bilan annuel en hôpital de jour pour dépister et traiter rapidement les complications.
• La prise en charge des complications est spécifique. Des traitements sont indiqués dans les formes graves avec complications récurrentes :
→ transfusions sanguines ou échanges transfusionnels mensuels (voir Dico+) ;
→ hydroxycarbamide (Siklos) et voxélotor (Oxbryta), qui empêchent la polymérisation de l’hémoglobine S, et crizanlizumab (Adakveo), anticorps monoclonal qui bloque les interactions entre les cellules endothéliales et sanguines. Ils sont utilisés seuls ou associés dans la prévention de la vaso-occlusion ou en cas d’anémie hémolytique sévère ;
→ allogreffe de moelle osseuse, qui est réservée aux formes graves, après échec des autres traitements. Elle permet en théorie de guérir la maladie, mais impose un donneur compatible dans la fratrie. Elle expose à un risque d’infections graves et de réactions du greffon.
(1) Avis du 10 novembre 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la généralisation du dépistage de la drépanocytose en France métropolitaine.
(2) Drépanocytose, la maladie génétique la plus fréquente en France, Inserm, 11 juillet 2017, inserm.fr
(3) Journée nationale du dépistage néonatal le 18 novembre : le ministre de la Santé et de la Prévention annonce son élargissement à sept autres maladies et la généralisation du dépistage de la drépanocytose à tous les nouveau-nés, communiqué de presse de François Braun, 18 novembre 2022.
Dico+
→ Allèle : variante d’un gène résultant d’une mutation et héréditaire qui assure la même fonction que le gène initial mais selon ses modalités propres.
→ Priapisme : érection anormalement longue et douloureuse.
→ MCAD : Medium-Chain-Acyl-CoA Déshydrogénase. Son déficit entrave l’utilisation des graisses comme source d’énergie.
→ Échange transfusionnel : association d’une saignée et d’une transfusion de concentrés érythrocytaires pour limiter le risque de surcharge en fer.
Info+
→ Le programme de dépistage national par le test de Guthrie est complété par le dépistage de la surdité permanente néonatale. En janvier 2023(3), sept maladies rares ont été ajoutées à celles déjà dépistées : l’homocystinurie, la leucinose et la tyrosinémie de type 1 (anomalies du métabolisme des acides aminés), les aciduries isovalérique et glutarique de type 1, le déficit en 3-hydroxyacyl-coenzyme A déshydrogénase des acides gras à chaîne longue et le déficit en captation de carnitine (anomalies de l’oxydation des acides gras).
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