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L’ABÉCÉDAIRE DE PHARMAGORA
Par Florence Bontemps, Claire Bouquigny, Magali Clausener, Isabelle Guardiola et Francois Pouzaud
Pharmagora 2012 s’est déroulé à J – 4 de la fin des négociations de la seconde convention pharmaceutique et à un mois de l’élection présidentielle. De quoi créer des discussions animées. Compte rendu
C comme Convention
« Je ne signerai pas une convention qui organise le cannibalisme des pharmacies », lance Gilles Bonnefond, président de l’USPO, lors du débat qui réunit, le 25 mars, les trois syndicats et Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l’UNCAM. Et de souligner « le problème de lisibilité tant qu’il n’y aura pas un contrat avec les pouvoirs publics ». Il critique également le pourcentage d’honoraires (10-13 %), sachant « qu’on ne peut même pas savoir comment va se faire la bascule » entre marge et honoraires : « Si on fait la première marche trop haute, c’est sûr qu’on ne peut pas monter l’escalier. » Michel Caillaud, président de l’UNPF, n’est pas en reste : « Cette convention peut être signée par une seule structure, mais elle n’entraînera pas l’ensemble de la profession », prévient-il. Seul Philippe Gaertner, président de la FSPF, paraît plus positif, tout en remarquant que les pharmaciens payent le prix fort des dernières mesures de la LFSS et des déremboursements. Dans cette ambiance, Frédéric Van Roekeghem met en garde : « Rien ne serait pire que l’immobilisme. » Et aborde les grandes lignes de la convention : le suivi des patients sous AVK et des patients asthmatiques. Pour les premiers, leur accompagnement se traduirait par « un entretien attentionné » avec leur pharmacien deux fois par an. Frédéric Van Roekeghem insiste aussi sur la délivrance d’une même marque de génériques pour les personnes âgées et les objectifs de substitution individualisés. Quant au nouveau mode de rémunération, il remarque que « tout le monde est à peu près d’accord sur la direction à prendre ». Pour autant, « la difficulté est : à quel rythme doit-on le faire ». Il assure aussi que l’Assurance maladie réalise des simulations pour mesurer les conséquences du redéploiement entre marge et honoraires pour toutes les officines. « La meilleure hypothèse pour l’Assurance maladie et pour les pharmaciens, c’est une première marche qui ne soit pas symbolique… avec un premier étage en 2013 de 10 % », explique-t-il. Quoi qu’il en soit, des avenants précisant notamment les modalités du nouveau mode de rémunération seraient signés par la suite, après le PLFSS pour 2013 et avant le 1er janvier 2013.
comme Crise
Trouver la bonne stratégie en temps de crise, tel était le débat du Moniteur des pharmacies organisé samedi. Pour Olivier Delétoille, expert-comptable et commissaire aux comptes (cabinet ArythmA), la pharmacie ne connaît pas encore la crise mais va devoir se préparer aux changements. « Il va falloir sortir du sérail, on passe à un autre système et il faudra faire des choix », prévient-il. Un discours repris par Francis Megerlin, maître de conférences à l’université Paris-Descartes, qui souligne que les pharmaciens évoluent depuis longtemps dans « un univers extrêmement protégé », n’ont « pas de système immunitaire dans un environnement hostile » et que « l’ADN de l’officine est en mutation ». Claude Le Pen, professeur d’économie à l’université de Paris-Dauphine, a une autre approche du problème : « Il y a une crise économique, d’identité, démographique. Les forces politiques s’accordent pour dire que la facture doit baisser soit par une baisse des prix, soit par une baisse de la consommation liée au bon usage du médicament. »
Les pharmaciens sont aussi confrontés à une question identitaire. « C’est quoi un pharmacien ?, interroge Claude Le Pen. Un distributeur de médicaments, un prestataire de services, de soins primaires, un agent de service public » Et d’estimer qu’il y a deux stratégies possibles pour les officines : soit miser sur la distribution de médicaments ou trouver de nouvelles sources de revenus, soit réaliser des gains de productivité. « Il faudra trouver des compromis : le nombre d’officines va diminuer mais le réseau devra rester un réseau de santé efficient économiquement », annonce Claude Le Pen. Francis Megerlin met aussi en garde : « On ne paiera pas pour voir. Quelle valeur sera créée par le pharmacien » Ces changements vont aussi impliquer des évolutions juridiques et capitalistiques. « C’est le couple capital/travail qu’il faut redéfinir », explique Francis Megerlin.
Olivier Delétoille met également l’accent sur l’attrait de l’officine auprès des jeunes. Un enjeu pour demain. Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine, se montre néanmoins « serein sur l’avenir de l’officine, mais pas très optimiste sur l’organisation actuelle. On aura une rupture sur un point (monopole, exercice personnel, économie administrée, etc.), mais on ne sait pas lequel ». Et de conclure, en évoquant l’organisation du réseau et l’idée de pharmacies succursalistes : « Il y a tout à faire et certainement à gagner ».
comme Coordination
Un pôle santé dans le Morvan a obtenu un financement de l’ARS Bourgogne pour un poste de coordinateur. « Un gain de temps pour les libéraux qui peuvent se concentrer sur le médical », commente Nathalie Bessard, pharmacienne à Saulieu et présidente du pôle de santé, lors de la table ronde sur la coordination. Ce rôle pourrait être tenu par des pharmaciens. « C’est à leur mesure », assure Jean-Charles Tellier, président de la section A de l’Ordre. A la condition d’« éviter le chevauchement des compétences, de bien faire circuler l’information et de mettre en place des protocoles », défend Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Un temps qui doit être rémunéré : « Les patients sortent plus tôt de l’hôpital, ils sont pris en charge en ville et pourtant il n’est pas prévu par l’ONDAM de transfert des coûts de l’hôpital à la ville », regrette Philippe Gaertner, président de la FSPF. Ce dernier soutient également la nécessité de « donner des moyens pérennes » à ces initiatives locales et d’en mesurer la pertinence.
D comme DPC
« L’Ordre est là pour accompagner et donner envie, pas pour contraindre ni sanctionner ! » Isabelle Adenot s’est voulue rassurante lors de la conférence sur le développement professionnel continu (DPC). Le DPC renforce l’obligation de formation continue, et c’est l’Ordre qui sera chargé de contrôler les 75 000 pharmaciens titulaires et adjoints. Il s’organise pour passer d’un contrôle quinquennal prévu par la loi à un contrôle annuel. Quant au DPC des préparateurs, il sera contrôlé par chaque pharmacien employeur. Chef d’orchestre du dispositif, l’OG-DPC ou organisme gestionnaire du DPC, sera créé courant avril et dirigé par Monique Weber, qui a remarqué : « On passe d’une formation ponctuelle à un processus mené tout au long de sa vie professionnelle qui repose sur un cycle : analyse de sa propre pratique professionnelle/amélioration/évaluation. » La HAS est en charge de définir les méthodes, les modalités et les outils de validation des programmes de formations. « La volonté est de ne pas complexifier mais de centrer la formation sur la gestion du risque », formule Jean-François Thébaut, du collège de la HAS, qui a précisé que ce seront les organismes de formation qui seront « enregistrés DPC » et non les formations elles-mêmes. La HAS a déjà mis en place l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) côté médecins depuis 2004, sur la base de groupe d’analyses des pratiques. Jean-François Thébaut imagine bien appliquer la même stratégie aux pharmaciens, avec, par exemple, l’étude d’un cas clinique d’iatrogénie survenu à la pharmacie, si possible de façon interprofessionnelle. Côté financement du DPC, l’OG-DPC aura pour mission d’assurer celui des titulaires. Les fonds proviendront de l’Assurance maladie et de l’Etat. L’industrie pharmaceutique ne sera mise à contribution que pour financer la formation des médecins. Pour les adjoints, le financement proviendra comme à l’heure actuelle de l’OPCA. L’OG-DPC déterminera des forfaits de prise en charge pour les formations. Un reste à charge est probable.
G comme Générique
Le marché du générique a essuyé une baisse inédite de 3 % en volume en 2011 et ne s’est pas redressé sur le premier trimestre 2012, ont rappelé les intervenants du focus Pharmagora « Le générique, comment le relancer en 2012 ». « Pour la première fois, on trouve plus de princeps que de génériques dans le Répertoire », indique Jean Loaec, directeur commercial chez Mylan. L’échéance est fixée, selon Gilles Bonnefond, président de l’USPO, à septembre pour faire progresser le taux actuel de 68 %, l’objectif étant de repasser la barre des 80 % (82 % en 2009) : « Si le taux est trop bas, ce sera un échec pour notre profession et le PLFFS ne nous sera pas favorable. » « Votre profession risque de goûter au double effet “Kiss Cool” puisque doublement pénalisée, dans le cadre de la future rémunération à la performance sur objectifs et des TFR », enchaîne Stéphane Joly, vice-président du Gemme. Les leviers pour redresser la barre ? Une année 2012 exceptionnelle sur le plan des échéances brevetaires, les effets du paiement à la performance des médecins et le futur accord conventionnel avec l’Assurance maladie. Pour restaurer la confiance sur le générique dans l’opinion publique, tout le monde s’accorde à communiquer en synergie, chacun dans son registre : l’Afssaps sur la sécurité, l’Assurance maladie sur les économies et les pharmaciens sur la substitution. Pour faire cesser la polémique, Philippe Gaertner, président de la FSPF, suggère même de retirer du Répertoire certains génériques à marge thérapeutique étroite (dont les antiépileptiques) qui prêtent le flanc à la critique. Le Gemme n’y est pas opposé, mais juge anticoncurrentielle la proposition de la CNAM de dispensation stabilisée du générique (en termes de marque), notamment chez les personnes âgées.
M comme Maisons de santé
Une maison de santé pluridisciplinaire est susceptible de favoriser les officines les plus proches au détriment des plus éloignées. Si c’était le cas, le développement (environ 450 projets très avancés et 1 000 en cours) pourrait mettre en danger le réseau officinal. Ce thème a fait l’objet d’un débat au cours duquel Bernard Thiébaud a rappelé que l’Association de pharmacie rurale, qu’il préside, suivait l’avancée des déserts médicaux depuis trois ans et que ce phénomène « grignote le milieu rural et commence à atteindre la ville ». « Pour l’instant, il n’y a pas encore de trou dans le réseau, rapporte-t-il, mais environ 400 officines n’ont plus de médecin à proximité. »
L’implantation des maisons de santé, solution invoquée pour rompre l’isolement professionnel, doit cependant faire l’objet d’une réflexion globale car, comme le souligne Claude Leicher, président de MG-France, « médecins et pharmaciens sont dépendants les uns des autres ». Pour lui, la meilleure solution est celle du « pharmacien correspondant librement choisi par la patient ». Il a également expliqué que les professionnels de santé devaient « s’organiser en actions collectives sur un territoire » et que les médecins allaient « vers une territorialisation avec un cahier des charges que nous nous donnons nous-mêmes ».
P comme Présidentielles
Les trois principaux partis sont intervenus sur le plateau de Pharmagora TV pour présenter leur programme santé : Gérard Bapt, représentant le PS, Xavier Bertrand pour l’UMP et François Bayrou pour le MoDem. Tous trois ont salué la future convention. « Le nouveau calcul de la rémunération des pharmaciens va dans le bon sens », admet Gérard Bapt. « Les nouvelles missions sont une bonne évolution », reconnaît François Bayrou. « La convention signée sera une révolution douce, estime Xavier Bertrand. Mais profonde : dans 20 ans, nous serons encore sur les mêmes bases. » Sur les déremboursements, Xavier Bertrand reconnaît qu’ils ont été rapides et brutaux : « On n’a pas déremboursé assez tôt », préférant désormais « les baisses de prix aux déremboursements », mais que peut-être le sacrifice des pharmaciens ne serait pas vain : « l’Assurance maladie peut se permettre de faire un effort pour la première marche de la nouvelle rémunération et les suivantes. » Autre nouvelle, l’annonce par le ministre de la Santé de la signature du décret SEL/SPF-PL (ou holdings) avant les élections. Gérard Bapt pointe, en cas de déremboursement total des vignettes orange, le risque de la baisse de la pharmacovigilance avec le passage à l’automédication. François Bayrou se définit « à contre-courant », défendant le sort de molécules éprouvées, qui rassurent les patients, peu coûteuses mais mal remboursées. Autre idée élaborée par le candidat MoDem, la possibilité laissée aux étudiants recalés de quelques centièmes de points à l’issue de la première année de poursuivre leurs études de médecine à condition de s’installer pour quelques années dans les zones désertifiées.
S comme SISA
Le décret sur les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) a paru au JO le dimanche 25 mars. Une information annoncée et discutée lors du débat animé par Gilles Bonnefond et Brigitte Bouzige, respectivement président et vice-présidente de l’USPO, sur les négociations conventionnelles, les arbitrages en cours et la coordination des soins. « La SISA, outil économique et juridique, permettra un montage plus souple des projets de coopération entre professionnels », estime Brigitte Bouzige. La SISA peut notamment servir aux maisons de santé, terme désignant des réalités différentes : lieu où des libéraux exercent leur activité mais aussi « pôle de santé », rassemblant, dans un secteur, professionnels de soins – et éventuellement sociaux – de premier recours. Jusqu’ici, ces combinaisons adoptaient la forme d’une société civile de moyens (SCM) ou d’une association, pas très avantageuses fiscalement. La SISA permettra de répartir entre professionnels les sommes versées pour un projet de santé. Citons l’exemple d’un projet sur le suivi de patients hypertendus, monté par des professionnels ayant constaté chez cette population une mauvaise observance des soins. L’ARS valide le projet et alloue, par le biais d’un fond régional, un budget déterminé en fonction du nombre de patients suivis. La SISA offre la possibilité de répartir la somme entre les professionnels : chacun touchera sa part en fonction des patients suivis. Plusieurs pharmaciens dans le même secteur peuvent ainsi travailler sur le même projet. « Lorsqu’il y a création d’une maison de santé, vous avez tout intérêt à y entrer rapidement, incite Brigitte Bouzige, tout en avertissant : Le système oblige cependant le pharmacien à sortir de son officine, les soins doivent se pratiquer dans un local spécifique. Pas toujours simple, en ces temps de flux tendu en termes de personnel. »
Le 44, roi de la substitution
La Loire-Atlantique se classe en tête des départements en matière de substitution grâce à une expérimentation pilote menée depuis 2010. Elle a été présentée par Philippe Besset, en charge de l’économie à la FSPF, lors du débat « Etude comparative de l’évolution des différentes typologies de pharmacies et impact de la LFSS 2011 sur l’officine ». En Loire-Atlantique, on a tout simplement appliqué la loi « tiers payant contre générique » (LFSS 2009) à la lettre. La CPAM a signé un accord avec le syndicat local (FSPF), aux conditions de ce dernier. Il prévoit une surveillance étroite des pharmaciens pour que ne s’exercent pas de concurrences entre officines, ainsi que des courriers adressés aux prescripteurs adeptes du « NS » et aux patients refusant trop systématiquement les génériques. Résultat ? 93 % de substitution. Et ce dans une région représentative, disposant à la fois d’officines rurales et de centre-ville.
I.G.
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