Zoé débute un traitement par isotrétinoïne

Ce que je dois savoir

Législation

• La primo-prescription d’isotrétinoïne, valable douze mois, est réservée aux spécialistes en dermatologie. En raison de son risque tératogène, le traitement implique de vérifier, avant chaque prescription, chez les femmes en âge de procréer :

→ qu’une contraception efficace est instaurée : dispositif intra-utérin (DIU), implant progestatif ou deux autres méthodes telles que pilule et préservatif ;

→ qu’il n’y a pas de grossesse en cours, via un test sanguin réalisé dans les trois jours qui précèdent la prescription.

• Ces informations doivent être indiquées sur le carnet de traitement de la patiente et vérifiées à chaque délivrance, laquelle doit s’effectuer dans les sept jours suivant la prescription. Il faut compléter la colonne dédiée à la délivrance dans le carnet de la patiente.

• Le renouvellement est possible par tout médecin sur présentation simultanée de la primo-prescription. Prescription et délivrance sont limitées à trente jours chez la femme pour un suivi régulier.

Contexte

C’est quoi ?

• L’acné est une dermatose inflammatoire chronique du follicule pilo-sébacé, glande sécrétant le sébum à la racine des poils. Elle associe une hyperséborrhée et une hyperkératinisation, responsables de points noirs (comédons ouverts) et blancs (comédons fermés). Ces derniers peuvent s’enflammer sous la prolifération de la bactérie Cutibacterium acnes, provoquant l’apparition de papules (= boutons saillants ) ou de pustules (= boutons purulents).

• Cette pathologie, fréquente à l’adolescence, est favorisée par des antécédents familiaux et des facteurs hormonaux.

• Selon sa sévérité, l’acné a des répercutions psychologiques importantes et altère la qualité de vie. C’est le cas de Zoé, suivie depuis plusieurs mois par le dermatologue et en échec de plusieurs topiques et de doxycycline.

Quelle prise en charge ?

• Le traitement dépend de sa sévérité : nombre de lésions, type, étendue sur le visage, dos, thorax. Il est local en cas d’acné légère à modérée, ou associé à une antibiothérapie par voie générale en cas d’acné plus importante.

• L’isotrétinoïne est indiquée dans l’acné modérée à sévère, notamment après échec, après trois mois, d’un traitement bien conduit par un topique antiacnéique, peroxyde de benzoyle et rétinoïde, associé à un antibiotique oral.

• Des soins d’hygiène dermo-cosmétiques font partie de la prise en charge. Ils optimisent l’efficacité des traitements et/ou pallient leurs effets indésirables, tels la sécheresse cutanée et les irritations, pour améliorer l’observance.

Objectifs

• Diminuer les lésions et prévenir la formation de cicatrices parfois définitives.

• Limiter les risques de nouvelles poussées, ce que permet l’isotrétinoïne, seul traitement curatif de l’acné, malgré des récidives possibles.

Médicaments

Isotrétinoïne (Curacné)

Ce rétinoïde induit une atrophie de la glande sébacée, une diminution de la production de sébum, substrat essentiel à la prolifération de Cutibacterium acnes, d’où aussi une action anti-inflammatoire, renforcée par d’autres mécanismes.

Lévonorgestrel

À la dose de 1,5 mg, ce progestatif bloque ou retarde l’ovulation par la suppression du pic d’hormone lutéinisante (LH).

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« L’antibiotique oral n’a pas été vraiment concluant ? » et « Vous reste-t-il des comprimés ? » anticipent une interaction médicamenteuse entre l’isotrétinoïne et la cycline, avec risque d’hypertension intracrânienne, d’où son arrêt impératif. « Quels cosmétiques employez-vous ? » et « Portez-vous des lentilles ? » identifient les soins à proposer pour pallier les effets indésirables du traitement. « Savez-vous comment prendre la contraception d’urgence ? » détermine les besoins de conseil.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

• Isotrétinoïne. Ce dérivé de la vitamine A agit sur tous les mécanismes impliqués dans l’acné, en particulier la production de sébum, d’où la sécheresse cutanée secondaire.

• Lévonorgestrel. La contraception d’urgence bloque l’ovulation et évite une grossesse en cas d’oubli de pilule.

Effets indésirables

• Isotrétinoïne. Sécheresse cutanéo-muqueuse (labiale, nasale, oculaire, voire vulvo-vaginale) et fragilisation cutanée exacerbée par des exfoliants, des kératolytiques, des soins agressifs (épilation à la cire) ou l’exposition solaire, qui peut être responsable de brûlures, outre un risque de photosensibilisation, arthralgies, myalgies et douleurs dorsales très fréquentes. L’élévation des transaminases et des anomalies du bilan lipidique impliquent des contrôles biologiques avant initiation du traitement, à un mois, puis tous les trois mois. Le risque tératogène englobe fausses couches et malformations congénitales ; un risque de troubles neuro-développementaux est suspecté. Des troubles de l’humeur, agressivité, dépression, voire idées suicidaires, sont rapportés.

• Lévonorgestrel. Nausées, douleurs abdominales, tension mammaire, retard de règles.

Mode d’administration

• Isotrétinoïne. Lors d’un repas pour augmenter la biodisponibilité et réduire la variabilité inter-individuelle en une ou deux prises.

• Lévonorgestrel. En cas d’oubli de pilule avec rapport dans les cinq jours précédents : le plus tôt possible en prenant aussi le comprimé de pilule oublié et en continuant cette dernière normalement. En cas d’oubli avec rapport dans les sept jours suivants : utiliser un préservatif et, si rupture, une contraception d’urgence le plus tôt possible après le rapport et jusqu’à trois jours après. Il faut sept jours sans oubli pour qu’une contraception estroprogestative soit efficace.

J’accompagne

Prévenir les effets indésirables

• Rassurer sur le risque d’exacerbation de l’acné, passagère, dans les premiers jours ou semaines de traitement.

• Insister sur le risque tératogène et la recommandation d’utiliser un préservatif en plus de la prise de la pilule, recommandations à poursuivre un mois après l’arrêt de l’isotrétinoïne. Pour cette raison, aucun don de sang n’est possible. Alerter rapidement le médecin en cas d’idées noires, de tristesse, d’agressivité.

• Éviter toute exposition solaire ou se protéger via des vêtements, chapeau, lunettes de soleil.

• Prévenir la sécheresse. Un baume hydratant pour les lèvres, un hydratant nasal (Hyarhinol, Puressentiel Spray hydratant au calendula bio…) et un lubrifiant oculaire (Nutrivisc, Gel-larmes, Spray Innoxa Yeux très secs et fatigués, Spray Sensioptic…) sont à prévoir selon l’intensité de la sécheresse cutanéo-muqueuse.

Vente associée

Conserver un gel lavant doux sans savon mais adapté aux peaux fragilisées : Cleanance Hydra, Effaclar H Iso-Biome… Orienter vers un soin relipidant visage adapté : Keracnyl Repair, Boréade R, Hyséac R, Effaclar H… et proposer un émollient corporel. Recommander un soin SPF 50+, en sachant qu’il ne protège pas à 100 % des UV : Capital Soleil BB crème, Avène…

Prescription

Dr D., dermatologue.

Zoé L., 17 ans, 1,55 m, 56 kg.

• Isotrétinoïne (Curacné) 20 mg et 10 mg

30 mg par jour pendant 1 mois. Lévonorgestrel (Norlevo) 1,5 mg 1 boîte.

Préservatifs

+ crème relipidante + protection solaire SPF 50+.

Carte patiente

Médecin prescripteur

Date de consultation : 9 janvier 2023.

Contraception : Leeloo Continu.

Date et résultat du test de grossesse : 6 janvier 2023, négatif.

Date de la prochaine consultation :9 février 2023.

Pharmacien

Nom de la spécialité délivrée, date, cachet.

Info +

Afin de renforcer la sécurité d’utilisation de l’isotrétinoïne, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a préconisé, en 2021, un suivi mensuel systématique pour les hommes.

Elle recommande aussi que l’instauration du traitement se fasse en deux temps (deux consultations afin d’intégrer un délai de réflexion) et qu’une contraception d’urgence et des préservatifs soient systématiquement prescrits avec l’isotrétinoïne pour les femmes sous contraception orale.

Question pharmaco

Combien de temps prescrire l’isotrétinoïne ?

Quatre à six mois environ mais, plus que la durée, c’est l’atteinte d’une dose cumulée entre 120 et 150 mg par kg et par cure qui permet une rémission prolongée, laquelle dépend de la posologie, fonction de l’efficacité et de la tolérance (0,5 à 1 mg/kg par jour). L’amélioration de l’acné se poursuit jusqu’à huit semaines après l’arrêt. Malgré ce schéma posologique, des rechutes sont possibles, nécessitant une deuxième cure.