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QUEL EST L’EFFET SUR LES PRIX ?
Les pharmaciens s’interrogent sur la façon de répercuter la hausse de prix, liée au passage de la TVA de 5,5 % à 7 %. Dans quelles mesures ? Comment cibler les produits ? Une étude d’impact sur les marges est nécessaire. Analyse d’experts.
Les pharmaciens sont confrontés à une double difficulté : répercuter la hausse tarifaire des laboratoires et celle de la TVA. « En cumul, cela peut représenter une hausse de 4 à 5 % pour certains produits », constate Joëlle Hermouet, responsable du cabinet Formaplus. Or, décider de ne pas répercuter cette augmentation peut s’avérer dangereux pour l’économie de l’officine. L’experte en merchandising préconise de reproduire cette hausse sur les prix affichés dans l’officine, à condition d’agir avec discernement. « L’augmentation ne doit pas être linéaire. La hausse des prix des produits sensibles pour le consommateur doit être mesurée et surtout être positionnée sur le niveau du marché et les prix psychologiques ». Un principe qui induira probablement une légère perte de marge, mais servira l’image et la fréquentation de l’officine. Ce manque à gagner peut aussi être comblé en allant chercher de la marge sur des produits moins connus, conseillés par le pharmacien. Selon le prix antérieurement pratiqué et la marge de manœuvre possible par rapport à un prix psychologique, « un produit peut être augmenté au-delà de l’application de cette double hausse », assure-t-elle.
Deux officines, deux incidences sur la marge
La décision de ne pas répercuter la hausse de la TVA n’aura pas la même incidence financière selon la taille et la typologie de l’officine. Joëlle Hermouet a comparé deux pharmacies : l’une est représentative d’une pharmacie de centre commercial ou d’une grande pharmacie bien placée en centre bourg (CA HT de 4,4 M€). L’autre (1,89 M€) a le profil d’une officine de quartier, voire de centre-ville.
Leur environnement commercial
La première pharmacie draine plus de clients et sa stratégie commerciale impose d’être particulièrement vigilante sur les prix. La seconde est fréquentée par une clientèle plus âgée, consommant davantage de médicaments prescrits et chers.
Leur répartition du chiffre d’affaires par taux de TVA
L’activité à TVA 2,10 % de la pharmacie de quartier pèse légèrement plus dans le chiffre d’affaires global que celle de la pharmacie de centre commercial (68 % contre 60 %). La part des ventes de médicaments à TVA 7 % est sensiblement identique. En revanche, les écarts sur la parapharmacie sont notables. Le poids du non-vigneté représente 40 % du CA ?? HT de la pharmacie la plus importante, contre 32 % pour l’autre.
Leur marge brute
La répartition de la marge brute par taux de TVA montre que la pharmacie de quartier retire une marge plus importante sur les ventes à 2,1 % (57 % contre 52 %), mais aussi sur les ventes passées à 7 % de TVA (16 % contre 13 %). La contribution à la marge du non-vigneté reste plus élevée dans la pharmacie de centre commercial (48 %, contre 43 %).
Dans l’hypothèse où elles ne répercutent pas la hausse de la TVA, leurs marges sont amputées de la valeur de cette hausse appliquée sur le CA HT, soit :
• Pour la pharmacie de centre commercial dont 10 % du CA est assuré par les ventes à 5,5 % : (440 000 × 5,5 %) – (440 000 × 7 %) = 24 200 – 30 800 = 6 600 € de perte de marge.
• Pour la pharmacie de quartier dont 11 % du CA se fait en ventes à 5,5 % : (201 800 × 5,5 %) – (201 800 × 7 %) = 11 099 – 14 126 = 3 027 € de perte de marge.
La perte de 6 600 €, bien que deux fois plus élevée, sera mieux supportée par la pharmacie de centre commercial du fait de l’effet de taille : elle ne représente qu’une érosion de 0,55 % de la marge globale de cette officine, alors que la perte de 3 027 € rogne de 0,62 % la marge de la pharmacie de quartier.
Dans un cas comme dans l’autre, les pharmaciens titulaires doivent donc se montrer attentifs aux effets induits sur la marge et prudents sur les augmentations des prix des références sensibles.
Qui peut ne pas répercuter la hausse ?
Quelle typologie d’officine doit-elle davantage répercuter la hausse de la TVA ?
Jean-Patrice Folco, pharmacien titulaire à Fontaine (Isère) et responsable de Meca-Pharma, cabinet conseil en gestion officinale, a calculé précisément les pertes de marge selon la situation de l’officine : quartier ou centre commercial. Son analyse part d’abord d’une thèse : le niveau de rémunération (et donc de rentabilité) est beaucoup plus élevé dans les pharmacies à petit chiffre d’affaires, dont la majorité des ventes sont induites par l’ordonnance (pharmacie de quartier).
A l’inverse, quand la concurrence est élevée, le modèle de l’officine devient commercial. Dans une pharmacie, la rentabilité est donc portée davantage par un panier moyen d’ordonnances d’autant plus élevé (la moyenne nationale se situe à environ 50 €) que la pharmacie est fréquentée majoritairement (50 % au moins de la clientèle) par les plus de 60 ans. « Les politiques commerciales des pharmacies de centre commercial visent à augmenter en priorité la fréquentation d’une clientèle plus jeune, ce qui aboutit systématiquement à des baisses de panier moyen et à une hausse des frais généraux, d’où une diminution de la marge nette de l’officine. En conséquence, ce sont ces pharmacies-là qui ont le plus intérêt à répercuter la hausse de TVA à 7 %. » Selon lui, cette hausse doit concerner, en moyenne, 6 % du chiffre d’affaires des officines pour les médicaments non remboursables. Pour savoir avec précision dans quelles mesures il devra augmenter ses prix, le pharmacien doit d’abord estimer, en pourcentage, le poids économique des produits concernés par un taux de TVA à 7 % dans le chiffre d’affaires global. « Si le taux de TVA à 7 % pèse 5 % du chiffre d’affaires de l’officine, la perte nette sera d’environ 700 € par an par tranche de 1 M€ de CA. Si cette part est de 15 %, la perte nette sera d’environ 2 130 €. » D’après cette analyse, les pharmacies qui peuvent se permettre de ne pas répercuter la hausse de la TVA sont de petite taille et réalisent une faible part de ventes à TVA 7 %.
TÉMOIGNAGE« Mes prix restent compétitifs »
FRANÇOIS GEORGIN, SAINT-CLÉMENT-DE-RIVIÈRE (HERAULT)
François Georgin, installé à Saint-Clément-de-Rivière (Hérault), exerçe dans un petit centre commercial en centre-ville. « La concurrence des centres commerciaux situés en périphérie de Montpellier n’est pas loin ». De fait, l’officinal doit veiller à rester aux prix du marché pour les produits non remboursables. « Si un client me dit que je suis plus cher, je fais en sorte de m’aligner. »
Si ce pharmacien prend garde à rester compétitif, il n’a pourtant pas hésité à répercuter la hausse de 1,5 point de TVA sur l’ensemble des catégories de produits concernées en augmentant ses prix publics, sans oublier de communiquer auprès de ses clients qui lui en faisaient la remarque. « Je n’ai pas cherché à couper les cheveux en quatre. En dessous de 5 centimes, j’ai fait grâce de cette hausse à ma clientèle. » Son choix n’a ni terni l’image de son officine, ni altéré la fréquentation. « Mes prix restent compétitifs, car je répercute aussi l’intégralité des remises que j’obtiens de mes fournisseurs sur les prix de vente. »
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