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« LA CONVENTION EST UN ÉLÉMENT DE STABILITÉ »
Frédéric Van Roekeghem a mené les négociations ayant conduit à la mise en œuvre de la nouvelle convention pharmaceutique. Il livre au « Moniteur » sa vision du rôle et des nouveaux modes de rémunération du pharmacien.
LE MONITEUR : La nouvelle convention pharmaceutique fait évoluer les missions du pharmacien et sa rémunération. Ce que souhaitaient les syndicats. Et l’Assurance maladie ?
FRÉDÉRIC VAN ROEKEGHEM : C’est clairement une évolution qui fait largement consensus entre l’Etat, les officinaux et l’Assurance maladie. Notre souci est de voir évoluer le réseau officinal dans le respect à la fois de l’accès aux soins et de la nécessité de maîtriser la dépense et les tarifs des produits de santé. La difficulté est de concilier la mise en œuvre de ces changements dans un contexte économiquement contraint. Les équilibres des nouvelles lois de financement à venir seront déterminants dans cette mise en œuvre.
Syndicats et Assurance maladie doivent négocier l’« honoraire » de dispensation avant la fin de l’année et après l’élaboration du PLFSS 2013. Est-ce possible ?
Il y a deux contraintes qui peuvent être surmontées, mais qui nécessitent une attention particulière lors de cette négociation. La première concerne l’environnement économique. Il était évidemment impossible de négocier le contenu de l’honoraire de dispensation alors que l’environnement économique et notamment l’évolution du prix des médicaments et des marges de 2013 n’étaient pas connus. Nous avons donc renvoyé, avec l’accord des parties, la négociation de l’honoraire de dispensation à un moment où cet environnement pourrait être précisé. La seconde difficulté, c’est l’impact que peut avoir cette évolution de la marge officinale en fonction de la nature des ventes des pharmacies. La marge entre officines se forme dans des conditions variables en fonction de la nature des clients de l’officine. Les syndicats des pharmaciens ont le souci de veiller à ce que la réforme se fasse sans heurts entre les différentes catégories.
Tous les syndicats n’étaient pas d’accord pour une première « marche » à 12,5 %. Quelle était votre position ?
Les discussions ont été assez vives au moment de la rédaction du texte conventionnel, parce qu’il fallait crédibiliser la réforme et, par conséquent, un honoraire de dispensation qui représente une part non négligeable de la marge. Il fallait également veiller à ce que l’impact de la réforme soit maîtrisé quelle que soit l’activité de l’officine, que cela concerne les officines de centre commercial ou les officines rurales. Un souci partagé par tous. On s’est donné un objectif, mais il est très clair que ce seront la mise en œuvre concrète et les contraintes économiques qui détermineront la part qui sera finalement retenue en accord avec le gouvernement.
Avez-vous vraiment la capacité de mesurer les effets de la réforme sur chaque officine ?
Pour la négociation conventionnelle, nous avons simulé l’impact théorique des diverses options sur chacune des officines que nous prenons en charge sur le champ du régime général, et nous pouvons en tirer des évaluations sur l’ensemble des régimes par rapport au périmètre du médicament remboursable. Nous avons fait des efforts techniques importants pour être en mesure de faire ces simulations. Nous pouvons analyser la situation des pharmacies qui seraient le plus concernées à la hausse ou à la baisse, regarder quelle est la nature de ces pharmacies et, éventuellement, quel est le niveau de leur marge. Grâce à cette capacité de simulation, on peut de façon exhaustive, sur l’ensemble des officines, appréhender l’impact de la réforme. Les syndicats de pharmaciens veilleront sans nul doute à ce que l’impact substantiel en soit maîtrisé.
Au terme de la convention, l’« honoraire » de dispensation doit représenter 25 % de la marge. Y parviendrez-vous ?
Dans la convention, il y a cette cible de 25 % mise en perspective, mais il est précisé qu’avant de passer à une seconde étape, on examinerait la situation et on vérifierait que la mise en œuvre de la réforme est bien conforme à ce qui avait été envisagé. La rédaction de cette partie de la convention a été extrêmement ciselée et la négociation a particulièrement porté sur la manière dont on écrivait le texte.
La mise en œuvre comprend aussi toutes les modalités techniques…
Effectivement, cela dépend de nombreux paramètres et, par exemple, de la modulation éventuelle de cet honoraire. La mise en œuvre peut être extrêmement simple en fonction des paramètres qui seront retenus. Ces paramètres dépendront de l’impact sur les officines. Les pouvoirs publics veilleront également à ce que les impacts sur les assurés et le reste à charge soient bien sûr maîtrisés.
La convention porte également sur le réseau officinal. Quel rôle pourra jouer l’Assurance maladie ?
Notre souci, c’est évidemment de maîtriser les coûts de distribution des médicaments dans le respect de l’accès aux soins qui est aujourd’hui une préoccupation majeure de nos concitoyens, notamment dans les zones rurales. Nous avons constaté avec les représentants des pharmaciens que bien souvent on limitait l’analyse à un rapport qui nous paraît insuffisant, celui de la densité de pharmacies dans un département ou une zone. Or, on sait bien que ce n’est pas la même chose que d’analyser la densité des pharmacies dans les Alpes ou en région parisienne. Il faut, ce qu’a déjà fait l’Ordre des pharmaciens, mettre en regard non seulement le critère de densité par rapport à la démographie mais aussi par rapport à la géographie. Je dirais même plus, par rapport à la patientèle. Avant d’envisager toute consolidation du maillon officinal dans des zones fragilisées, évolution, restructuration et diminution du nombre d’officines dans les zones surnuméraires, un travail de préparation et d’analyse est nécessaire. Nous nous sommes mis d’accord pour faire un travail conjoint d’analyse afin de pouvoir identifier les typologies de pharmacies concernées et puis de cerner les zones géographiques qui pourraient donner lieu à ces évolutions en veillant à éviter une fragilisation du réseau. Je crois qu’il faut d’abord bien définir les objectifs et trouver un consensus par rapport à ces objectifs. Ensuite, il y a les modalités de la mise en œuvre. Il est vraisemblablement souhaitable de permettre le rachat d’officines par la profession car les pharmaciens qui partent à la retraite veulent pouvoir céder leur fonds. Ces modalités pratiques devront être approfondies. Aujourd’hui, nous n’avons peutêtre pas tous les outils nécessaires.
Les pharmaciens évoquent le développement des mentions « Non substituable ». L’Assurance maladie va-t-elle présenter les résultats de l’étude commandée en 2011 ?
Nous avons réalisé deux études dont nous donnerons les résultats dans les semaines qui viennent. La première étude porte sur l’importance du « Non substituable ». Nous avions dans un premier temps sous-traité cette étude à des partenaires extérieurs, mais les résultats obtenus nous interpellaient quant à la représentativité de l’échantillon retenu. Nous avons donc décidé de lancer nous-mêmes une étude interne et nous avons fait travailler les caisses primaires. Nous avons fait aussi une deuxième étude de comparaison entre le traitement par la simvastatine princeps et par la simvastatine génériquée.
Pouvez-vous nous en dire plus ?
A ce stade d’exploitation des résultats, nous pensons que, si effectivement le « NS » s’est incontestablement développé, il n’est peutêtre pas à un niveau si élevé que certains pouvaient l’anticiper.
Les résultats de l’analyse comparée des traitements à partir des données dont on dispose et sur les cas que nous avons regardés ne nous laissent pas à penser qu’il y ait aujourd’hui des différences substantielles entre le traitement princeps et le générique. Je crois qu’il faut remettre le débat sur le générique dans le domaine scientifique et médical et non pas dans des interrogations parfois peut-être savamment organisées. L’Assurance maladie a toujours souhaité regarder ce sujet de façon objective et sur des bases scientifiques : je crois que c’est ainsi que l’on fera progresser la confiance dans le médicament générique. Il y a un sujet qui inquiétait les médecins prescripteurs, c’est celui du risque de confusion des médicaments chez la personne âgée. A partir du moment où nous avons pris conscience de cette inquiétude, il n’y a pas eu de difficultés avec les pharmaciens d’officine pour apporter une réponse. Il y a un souci d’accompagner le patient qui ressort très clairement dans cette convention. Elle n’est pas seulement susceptible de faire bouger les modalités d’exercice officinal, mais aussi d’interpeller positivement la relation entre les médecins et les pharmaciens. C’est un moment intéressant qu’il faut saisir.
Mais les objectifs de substitution individuels sont-ils possibles à atteindre ?
Aujourd’hui, nous avons encore des marges de manœuvre en matière de taux de substitution. Par exemple, dans le département de la Loire-Atlantique, le taux de substitution est supérieur à 90 %, alors qu’en moyenne, sur la France entière, il est de l’ordre de 70 % à 75 %. Nous voyons bien qu’il y a de véritables possibilités suivant la manière dont le relais de la substitution se fait au niveau des territoires. L’Assurance maladie a proposé aux pharmaciens de partager aussi les fruits de leur engagement par rapport à cette marge de manœuvre résiduelle. L’idée est de reconnaître par le biais d’une rémunération complémentaire l’engagement des pharmaciens dans la santé publique et notamment dans l’efficience de la dispensation. Nous espérons qu’il va y avoir une dynamique renouvelée, et tout particulièrement pour les pharmacies qui ont une marge de manœuvre, de manière que nous puissions par le partage des fruits de ces engagements équilibrer ce qui est apporté aux pharmaciens. La situation de l’Assurance maladie n’étant pas si florissante que l’on puisse se permettre de distribuer de l’argent sans compter.
Les calculs ne sont-ils pas compliqués ?
Si vous ne rémunérez que le progrès, vous défavorisez ceux qui ont fait des efforts auparavant. Inversement, si vous ne rémunérez que la valeur absolue, vous n’incitez pas au progrès. Par le mode de calcul élaboré, nous incitons à la fois au progrès ceux qui ont une marge importante et nous reconnaissons les résultats déjà engrangés pour ceux qui ont fait l’effort.
Le suivi des patients sous antivitamines K va-t-il faire l’objet d’une traçabilité de l’intervention des pharmaciens ?
Nous avons prévu la possibilité d’une inscription du patient à titre volontaire auprès du pharmacien qui lui dispense le médicament. Il y aura une traçabilité, parce que les patients auront souhaité s’inscrire dans la pharmacie dans laquelle ils ont l’habitude de se rendre, et il y aura une partie déclarative. Eventuellement, nous contrôlerons par sondage. Mais je pense que lorsque l’on travaille de façon positive avec les professionnels, leur très grande majorité cherche plutôt à améliorer les choses qu’à courir après une rémunération, laquelle est, il faut bien le reconnaître, modeste par rapport au reste de leur activité professionnelle. Il y a une forte attente de la profession pour pouvoir valoriser le contenu médical du métier. Ce que nous proposons à travers le suivi des patients sous antivitamines K rencontre ce souhait d’accompagnement des patients et rend service par ailleurs à la santé publique. Dans ce contexte-là, je ne suis pas très inquiet au sujet des problèmes éventuels que nous pourrions avoir avec la réforme.
L’Assurance maladie évaluera-telle le dispositif ?
Oui, nous avons des indicateurs. Nous savons qu’il y a à peu près 20 % des patients qui ne sont pas suffisamment suivis par l’examen biologique de l’INR. Si les pharmaciens s’engagent aux côtés des médecins, je n’ai pas de doute que le taux de patients aujourd’hui insuffisamment contrôlés baissera. La question c’est : à quel rythme ? Mais, dans toutes les opérations que nous avons faites au niveau conventionnel, nous avons souvent obtenu des résultats. C’est dans l’intérêt des patients que de contrôler la vitesse de coagulation, c’est dans l’intérêt des pharmaciens que de les y inciter et c’est dans l’intérêt des médecins que de prévenir ces risques d’hospitalisation évitables. Nous suivrons et nous évaluerons l’impact de l’engagement des pharmaciens dans cette action à travers des indicateurs comme celui que nous venons d’évoquer. Ce qui est intéressant par rapport à cette convention pharmaceutique, c’est qu’elle a déclenché du côté aussi des représentants des médecins le souhait de trouver les modalités de la mise en place d’un accord tripartite médecinspharmaciens d’officine-Assurance maladie. C’était une demande d’ailleurs des syndicats des pharmaciens depuis un certain temps et je crois que maintenant nous allons pouvoir aborder le sujet de la coordination des soins autour du patient.
La convention aborde aussi le suivi des patients asthmatiques. Or, vous expérimentez un suivi dans le cadre du programme « Sophia ». N’estce pas contradictoire ?
L’asthme est l’un des sujets que nous avons identifiés. Nous avons constaté qu’un certain nombre de patients traités pour l’asthme au long cours ne sont pas dans des situations de stabilisation par rapport à leur traitement. L’accompagnement téléphonique proposé par le programme « Sophia » ne va pas traiter des sujets d’observance ou de bonne utilisation des dispositifs médicaux. La capitalisation qui peut se faire à travers le réseau officinal, c’est d’essayer d’améliorer, en liaison avec les médecins traitants, le contrôle des patients asthmatiques au long cours.
La convention fixe comme objectif un taux de pénétration à 55 % des grands conditionnements. Allezvous effectuer des contrôles ?
On voyait bien que nous étions dans une situation dans laquelle la perte de marge pour les boîtes de trois mois, qui sont d’abord demandées par nos assurés car cela leur permet à la fois de simplifier leur vie et de payer un peu moins de franchises, était telle qu’il y avait un frein à leur développement. On a cherché à faire confiance à la profession : on modifie de façon très substantielle la marge de ces boîtes longues et on demande à la profession de s’engager dans son développement de façon collective. Il n’y a pas de raison que cela ne marche pas. Par ailleurs, dans le cadre de sa certification des comptes, la Cour des comptes accroît sa pression sur nous pour que nous fassions respecter les termes du décret qui prévoit que la dispensation des traitements de trois mois pour les patients doit être faite par les pharmaciens. Nous allons jouer d’abord l’information des professionnels et la confiance. Dans un second temps, des contrôles seront engagés en tant que besoin.
Qu’est-ce qui caractérise la profession des pharmaciens ?
Lorsque les syndicats donnent leur accord, les choses sont beaucoup plus faciles. Il y a dans cette profession une discipline syndicale importante. L’avantage, c’est que lorsque l’on a des accords très largement partagés, ce qui est le cas de cette convention, les choses se mettent en place de façon assez fluide. L’inconvénient, c’est que lorsque l’Assurance maladie veut favoriser des évolutions moins conventionnelles, c’est plus difficile. Cela fait partie des règles du jeu. L’une des difficultés est de donner des perspectives et je crois que c’est ça la force de la convention. Les pharmaciens souhaitent conforter leur rôle de professionnel de santé et veiller à ce que ce rôle soit reconnu. C’est certainement ce qu’il y a de plus important dans cette convention. La convention est un réel élément de stabilité dans un environnement fluctuant.
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