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UN NOUVEAU DÉPART

Publié le 7 juillet 2012
Par Isabelle Guardiola et Magali Clausener
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Les pharmaciens doivent désormais appliquer de façon stricte le dispositif « tiers payant contre génériques ». Tous les départements se mettent en ordre de marche. L’objectif est en effet crucial : augmenter significativement les taux de substitution et atteindre 85 % avant la fin de l’année.

Le dispositif « tiers payant contre génériques » (TPCG) est une mesure publiée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007*. Avec la signature de la convention et de son avenant « génériques »**, fixant pour 2012 à 85 % le taux de substitution à atteindre, les syndicats représentant les pharmaciens et l’assurance maladie ont réaffirmé leur souhait de faire appliquer strictement et de façon homogène cette loi. Le 1er juin, l’assurance maladie a réuni, comme elle s’y était engagée vis-à-vis des syndicats, ses directeurs de caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) pour leur donner des consignes précises, doublées d’une lettre « Info dirigeant », adressée à toutes les caisses, le 15 juin, avec pour objectif l’application du dispositif à compter du 20 juin. La consigne est claire : en l’absence de mention « non substituable », écrite de façon manuscrite et intégrale pour chaque médicament prescrit concerné, les assurés qui refusent de se faire délivrer des génériques doivent faire l’avance des frais des médicaments en question. En revanche, le reste de l’ordonnance peut faire l’objet de tiers payant.

Une mobilisation collective et un soutien des caisses

La mise en œuvre systématique du tiers payant contre génériques ne peut aboutir, de l’avis de tous, que grâce à une implication collective : « Nous avons la volonté d’accompagner complètement le dispositif », soutient Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la CNAM. Les délégués de l’assurance maladie (DAM) ont commencé ainsi à visiter depuis le 25 juin toutes les pharmacies de France pour présenter la nouvelle convention pharmaceutique, l’avenant « générique » et le TPCG. En outre, la lettre « Info dirigeant » du 15 juin invite les CPAM à réunir dans les meilleurs délais les Commissions paritaires locales (CPL) pharmaciens composées des représentants des caisses et des élus des syndicats de pharmaciens, chargées d’organiser l’application du TPCG au sein du département.

Les caisses disposent aussi d’une certaine autonomie sur les modalités concrètes de mise en œuvre, chacune ayant la responsabilité de s’organiser. Ainsi, dans l’Aude, la CPL pharmaciens a signé une lettre adressée aux 150 titulaires du département. Une seconde lettre est en préparation après accord avec la CPL médecins. Dans les Deux-Sèvres, une commission paritaire mixte médecin-pharmacien s’est réunie début juin et, à sa suite, la CPAM a tenu une conférence de presse et programmé une campagne d’affichage pour juillet. « Nous attendons d’être soutenus dans le temps, illustre Jean-Luc Bussault, coprésident de la chambre syndicale des Deux-Sèvres, par un plus grand contrôle de la caisse, accompagné de visites d’alerte aux médecins, de lettres aux patients récalcitrants et de surveillance des pharmacies. »

Mathilde Lignot-Leloup reconnaît que la pédagogie et le contrôle par les CPAM sont importants pour soutenir le travail des pharmaciens et ajoute que les éléments clés de communication ont été transmis par la CNAM aux CPAM, afin qu’elles puissent développer et personnaliser affiches et dépliants pour les distribuer notamment aux officines. A Langon (Ille-et-Vilaine), Anne Viel n’a pas reçu d’affichettes, contrairement à ses confrères de Loire-Atlantique qui ont obtenu de la CPAM le matériel de communication, mais elle a pris l’initiative de disposer une annonce sur chaque comptoir mentionnant qu’à compter du 1er juin « le pharmacien devra appliquer strictement l’accord tiers payant contre génériques. Le pharmacien qui ne respecte pas ce principe encourt des indus. Nous ne pouvons donc plus faire l’avance des frais car nous n’avons plus la garantie de paiement par les caisses primaires ».

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Une interprétation plus large du dispositif

« Les syndicats jouissent également d’une certaine autonomie sur le terrain », explique Philippe Besset, président de la commission Economie à la FSPF. De fait, les CPL peuvent avoir une interprétation plus large du dispositif en n’appliquant pas le tiers payant à l’intégralité des ordonnances dès que le patient refuse un générique. C’est, par exemple, le cas dans les Deux-Sèvres, l’Indre-et-Loire et le Pas-de-Calais. « Il faut être efficace, ne pas aller au-delà de la loi », estime Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Même discours de la part de Philippe Gaertner, président de la FSPF : « La convention dit qu’il faut favoriser la substitution. Il faut une action forte mais mesurée. On applique ce qui doit être appliqué ». « Nous n’avons pas ces remontées et ce ne sont pas les consignes que nous avons données », assure de son côté Mathilde Lignot-Leloup. Dans certains départements, la CPL tarde à se réunir. En Ille-et-Vilaine ou dans la Nièvre, la réunion de la CPL n’aura lieu que début septembre. Pour autant, le dispositif s’applique dès cet été. Et les pharmaciens qui ne le mettront pas en œuvre ne seront sanctionnés qu’à partir de la rentrée (voir encadré). Ces écarts « devraient être résorbés au cours de l’été », estime la CNAM. Les syndicats s’activent d’ailleurs auprès des pharmaciens pour que tout le monde soit sur le pont. Philippe Besset et Gilles Bonnefond citent le même exemple encourageant : dans les Alpes-Maritimes, le taux de substitution est spectaculairement passé de 69 % à 85 % depuis le 1er juin. « Si on augmente de 7 ou 8 points pour septembre, c’est gagné ! », avance Gilles Bonnefond. Et de lancer un appel à la « minorité qui traîne les pieds » : « On ne peut pas se permettre de mauvais résultats au moment des débats parlementaires du PLFSS ».

* Texte de référence : Avenant n° 2 à l’accord du 6 janvier 2006 relatif à la fixation d’objectif de délivrance des spécialités génériques signé le 27 septembre 2007, approuvé par un arrêté du 18 décembre 2007.

** Le Moniteur des Pharmacies Cahier 2, supplément du n° 2937 du 09/06/2012.

REPÈRES

• Le dispositif « tiers payant contre génériques » concerne tous les génériques du Répertoire hormis les molécules faisant l’objet de recommandations de l’ANSM : antiépileptiques, lévothyroxine et fentanyl. Concernant Subutex, les caisses doivent avoir un « suivi particulier », indique la CNAM qui devrait donc faire preuve de tolérance à cet égard.

• Cette disposition s’applique à tous les assurés sociaux quel que soit leur régime (régime général, MSA, RSI, Mutuelles des fonctionnaires, SNCF, EDF…) et leur situation (bénéficiaire de la CMU ou exonéré du ticket modérateur au titre d’une affection de longue durée).

• En l’absence de mention « non substituable », écrite de façon manuscrite et en toutes lettres pour chaque médicament prescrit concerné, les assurés qui refusent de se faire délivrer des médicaments génériques doivent faire l’avance des frais des produits en question. Le reste de l’ordonnance peut faire l’objet de tiers payant.

• En cas de refus du patient, le pharmacien établit un volet de facturation papier que le patient adresse avec les vignettes à l’assurance maladie.

Quel contrôle ? Quelles sanctions ?

– Le contrôle s’effectue par les caisses. Le suivi se fait tous les 15 jours par voie informatique sur toutes les pharmacies en croisant le taux de tiers payant de la pharmacie avec celui de la substitution. En cas d’écart trop important, la CPAM vérifie sur pièces.

– Les sanctions sont échelonnées et progressives : courrier d’avertissement avec menace de rejet des lots, mise en place des rejets de lots. Attention ! Ces rejets de lots peuvent s’appliquer aux pharmaciens qui ont un taux de substitution compris entre 60 et 85 %.

– Les pharmaciens qui ont un taux de substitution inférieur à 60 % peuvent, en outre, encourir des sanctions conventionnelles prononcées par la Commission paritaire locale (voir titre IV de la convention pharmaceutique, article 55). La CPL envoie une première lettre au pharmacien concerné. Si ce dernier ne réagit pas, elle lui adresse une deuxième lettre 15 jours après, et, s’il le faut, le convoque 15 jours après. Les sanctions peuvent consister en un déconventionnement d’une durée n’excédant pas 4 ans.