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QUAND LES PATIENTS S’EN MÊLENT
Alors que le taux de substitution national augmente, certaines associations de patients mettent en cause la bioéquivalence des génériques et le manque de réflexion en amont de l’Assurance maladie et de l’ANSM pour la substitution de certaines molécules.
Selon les dernières données, le taux national de substitution atteint 78,2 % à la mi-août. Ce qui représente une augmentation de 6,8 points depuis la signature de la nouvelle convention pharmaceutique. A l’exception de la Loire-Atlantique et de la Sarthe qui affichent une légère régression mais des taux de substitution supérieurs à plus de 84 %, la généralisation du « tiers payant contre génériques » (TPCG) a porté ses fruits. Seuls le Centre et la Corse, qui ont tardé à mettre en place le dispositif présentent des taux inférieurs à 70 %. Partout ailleurs, la remontée est flagrante, allant jusqu’à une hausse de 20 points dans les Alpes-Maritimes (voir carte). Cette évolution positive est également vraie pour les départements d’outre-mer. En Guadeloupe, le taux de substitution a grimpé de plus de 10 points pour atteindre 72,1 % (Martinique : 71,4 % ; Guyane : 74,8 % ; Réunion : 79 %).
Des effets différents entre génériques et princeps
Cette progression constitue une bonne nouvelle pour la profession et l’Assurance maladie. Pas forcément pour les patients. L’application hétérogène des principes du TPCG oblige de nombreux patients à accepter un générique pour ne pas avoir à avancer les frais s’ils prennent le princeps. Or, les associations reçoivent des témoignages de malades constatant des effets différents entre le générique et le princeps lorsqu’il s’agit de médicaments à marge thérapeutique étroite.
La première association à avoir sonné l’alarme est Renaloo, qui regroupe des malades souffrant d’insuffisance rénale, sous dialyse ou transplantés. Fin juillet, elle s’adresse à la CNAMTS, relevant que la substitution du mycophénolate mofétil pose problème, s’étonnant que cette molécule figure dans la liste des 30 molécules faisant partie du suivi national et individuel de la délivrance des génériques par les pharmaciens. Et de noter que le taux de substitution du mycophénolate mofétil est fixé à 65 % alors qu’il est actuellement de 10 %. « L’atteinte de cet objectif se fera obligatoirement à marche forcée », observe l’association. Renaloo demande également que le mycophénolate mofétil « et, d’une manière plus générale, tous les immunosuppresseurs rejoignent de toute urgence la liste des molécules exclues du dispositif [“tiers payant contre génériques”] ». Le 9 septembre, Renaloo envoie un courriel à l’Assurance maladie pour souligner de nouveau la problématique de la substitution du mycophénolate mofétil. « En raison des différences d’excipients entre princeps et génériques et d’un générique à un autre, la substitution non contrôlée de médicaments immunosuppresseurs à marge thérapeutique étroite risque potentiellement de conduire à un déséquilibre du traitement, à des rejets de greffe ou à des manifestations de toxicité médicamenteuse extrêmement délétères pour les patients transplantés rénaux que nous représentons », écrit l’association, qui n’hésite pas à employer des arguments économiques : « En plus des surcoûts liés aux complications […], le coût moyen d’une année postgreffe s’élève environ à 20 000 euros contre 88 000 euros pour l’hémodialyse. »
Renaloo pourrait obtenir satisfaction. « Nous avons eu une réponse informelle de la CNAMTS indiquant que la molécule serait retirée de la liste des molécules visées par la substitution, explique Yvanie Caillé, fondatrice et directrice de l’association, interrogée par nos soins le 11 septembre. Un courrier devrait nous parvenir cette semaine. Cette mesure va alléger la pression sur la substitution du mycophénolate mofétil, mais il y aura néanmoins des problèmes. Elle serait transitoire le temps qu’on mette en place un dispositif pour garantir des conditions de substitution aux patients. Il s’agirait d’avoir une substitution sous contrôle avec un suivi et des bilans biologiques, et avec la délivrance du même générique », détaille Yvanie Caillé, qui a formulé cette demande auprès de l’ANSM le 11 septembre. Et de déplorer : « Nous sommes favorables aux génériques, mais je pense que les médecins et les néphrologues n’ont pas anticipé la généralisation du “tiers payant contre génériques”. Il n’y a pas eu de réflexion commune entre médecins, pharmaciens et l’ANSM, et cette dernière aurait dû émettre des recommandations. »
Lettre ouverte à Marisol Touraine
Le CISS (Collectif interassociatif sur la santé) veut également que s’engage une réflexion sur les génériques de médicaments à marge thérapeutique étroite. Il est déjà monté au créneau le 13 août en dénonçant le « cafouillage » du TPCG. Le 10 septembre, son président, Christian Saout, envoie une lettre ouverte à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, au sujet de la bioéquivalence des génériques. Le CISS, qui n’entend pas « remettre en cause » la politique de génériques (voir interview de Christian Saout p. 9), estime néanmoins qu’il est « indispensable de revoir les conditions dans lesquelles sont réalisés les tests de bioéquivalence ainsi que les essais précliniques et cliniques », notamment pour les génériques des spécialités à marge thérapeutique étroite. Il souhaite aussi que « lors de la délivrance du générique, il soit indiqué au patient s’il s’agit d’une copie ou d’un médicament essentiellement similaire ». Une information qu’il sera difficile de fournir aux patients puisque la notion de « médicament essentiellement similaire » n’existe plus (voir encadré ci-contre). Enfin, le CISS demande que le rapport sur le générique de l’IGAS soit rendu public et qu’une « table ronde de haut niveau » soit réunie « rapidement ».
Il faut désormais attendre la réponse du ministère de la Santé ainsi que celle de l’ANSM.
L’ESSENTIEL
• 1er juillet : généralisation du tiers payant contre génériques (TPCG).
• 26 juillet : l’association Renaloo écrit à la CNAM au sujet du TPCG et du mycophénolate mofétil, dont elle demande qu’il ne soit plus substitué.
• 13 août : le CISS dénonce lui aussi l’application du TPCG.
• Septembre : le 9, Renaloo réadresse un courrier à l’Assurance maladie pour que soit exclu le mycophénolate mofétil des molécules à substituer et, le 10, fait la même demande à l’ANSM.
• 10 septembre : le CISS envoie une lettre ouverte à Marisol Touraine sur la bioéquivalence des génériques.
Générique quel est ton nom ?
« Copie », « médicament essentiellement similaire » : ces deux termes sont employés par le CISS. Or, ils ne correspondent à aucune définition légale. En France, la définition du générique figure dans l’article L. 5121-1 du Code de la santé publique, modifié après la transposition de la directive européenne relative aux médicaments à usage humain. En résumé, la spécialité générique d’une spécialité de référence a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs et la même forme pharmaceutique. Sa bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées. En France comme en Europe, le génériqueur n’a pas à réaliser de nouvelles études précliniques et cliniques puisqu’elles ont déjà été effectuées par le laboratoire qui a élaboré le médicament de référence et obtenu l’AMM.
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