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2013, L’ANNÉE DU GRAND MALAISE

Publié le 6 octobre 2012
Par Magali Clausener
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Le gouvernement a présenté le 1er octobre les grandes orientations du PLFSS pour 2013. Pas de bonnes surprises : la moitié des économies à réaliser en ville concerne les princeps et les génériques, avec à la clé une baisse des volumes et des prix.

Les syndicats des pharmaciens attendaient avec impatience la teneur du PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) pour 2013. Les rumeurs évoquaient 1 milliard d’économies sur le médicament. Elles étaient fondées. Au grand dam de la profession.

Si l’objectif national des dépenses de santé (ONDAM) est fixé pour la ville comme pour l’hôpital à 2,6 %, les économies à réaliser sont de 2,4 milliards d’euros, dont 1,76 milliard pour les soins de ville. Et, une nouvelle fois, les économies les plus importantes portent sur le poste des médicaments, pour un montant de 801 millions d’euros, 75 millions concernant uniquement les baisses de prix des dispositifs médicaux. Les baisses de prix des princeps et des génériques devraient ainsi rapporter 530 millions à l’Assurance maladie. « La comparaison avec les autres pays européens justifie une mesure de baisse spécifique sur le prix des génériques », peut-on lire dans le dossier de presse qui présente le PLFSS. Le gouvernement prévoit également la « mise en cohérence des prix des médicaments perdant leur brevet mais non substituables » pour 50 millions d’euros. Explication de texte : le prix de certains médicaments ne diminue pas lorsque leur brevet tombe, « comme c’est le cas quand il existe un générique », « une mesure d’harmonisation des baisses de prix sera donc mise en œuvre afin de tenir compte des tombées de brevets ».

« Il faut réduire la consommation de médicaments en France »

L’évaluation du service médical rendu (SMR) de certaines spécialités devraient aboutir à 26 millions d’euros d’économies. Toutefois, la mesure n’est guère explicitée. Si Jérôme Cahuzac, ministre délégué au Budget, et Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, répètent à l’envi qu’il n’y aura pas de déremboursements, une évaluation du SMR peut néanmoins laisser à penser que le taux de remboursement peut être a minima modifié. Autre disposition qui reste floue : l’optimisation de la tarification des génériques. Marisol Touraine, interrogée sur le sujet, n’a fourni aucune explication. Pour autant, cette « optimisation » devrait générer 100 millions d’euros d’économies… Enfin, des mesures de convergence de prix par classe thérapeutique sont prévues pour un montant de 95 millions. « Pour des SMR équivalents dans une même classe thérapeutique, on constate des écarts de prix importants entre les médicaments », a déclaré la ministre de la Santé.

A ces baisses de prix s’ajoutent les mesures d’efficience des prescriptions qui représentent 605 millions d’euros. Les économies liées à la maîtrise médicalisée des médicaments, dispositifs médicaux et autres prescriptions s’élèvent à 550 millions d’euros. L’efficience de la prescription des médicaments d’exception et la lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse des personnes âgées font également partie des dispositions pour 15 millions d’euros chacune. Pour Marisol Touraine, pour obtenir « des économies significatives », il faut « réduire la consommation de médicaments en France » – qui « reste élevée » –, baisser les prix – qui sont eux aussi élevés – et « continuer à soutenir la substitution des princeps par les génériques ». La ministre a d’ailleurs souligné les résultats positifs du dispositif tiers payant contre génériques, qu’elle a, à plusieurs reprises, rebaptisé « génériques contre tiers payant »… Quant à la maîtrise médicalisée, il faut encourager les praticiens à la « juste prescription », « sans remettre en cause la liberté des médecins ». Ce qui a suscité quelques interrogations dans la salle… même si la ministre a insisté sur le paiement « à la performance » qu’elle préfère appeler « rémunération sur la qualité ». Et de conclure de façon claire : « Nous allons utiliser toute la palette des dispositifs pour aboutir à des baisses de volumes des médicaments, des baisses de prix et à la substitution ».

PHILIPPE GAERTNER, PRÉSIDENT DE LA FSPF

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« On ne peut que constater l’importance de ce qui est demandé au poste du médicament, puisque cela représente plus de la moitié des économies, alors que ce poste ne constitue que 16 % des dépenses de santé. L’impact est particulièrement élevé pour la chaîne du médicament et les officines. J’ai interpellé la ministre lors de la commission des comptes de la Sécurité sociale sur la mise en place de l’avenant sur la rémunération mixte. Cela conforte encore plus la nécessité d’aller vers la rémunération mixte si on baisse la marge. Nous serons vigilants à chaque fois que l’on touchera le générique. Ce qui va poser problème pour les titulaires, c’est qu’aux mesures sur le médicament s’ajoutent les mesures de la loi de finance et les mesures générales du PLFSS. »

PHILIPPE LAMOUREUX, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU LEEM

« Il y a des raisons conjoncturelles et structurelles au déficit de la Sécurité sociale. Nous constatons qu’il n’y a aucune réforme structurelle visant à réorganiser la distribution des soins. Le gouvernement se contente de répondre à la situation actuelle en mettant à contribution le médicament dans des proportions sans précédent. Le médicament est encore une fois une variable d’ajustement. Le montant des mesures annoncées est absolument déraisonnable. Nous sommes un secteur en pleine mutation où la concurrence internationale est extrêmement vigoureuse. C’est un “contre-message” pour l’attractivité de la France. Comment justifier que notre secteur, qui ne représente que 15 % des dépenses de santé soit mis à contribution à hauteur de plus de 50 % des mesures d’économie ? »

GILLES BONNEFOND, PRÉSIDENT DE L’USPO

« Ce PLFSS est violent. Il n’y a rien de nouveau : le médicament est le poste le plus mis à contribution.

Les officines vont souffrir. Le gouvernement est pour le développement des génériques, mais il ne faut pas de double peine pour les pharmaciens. Les mesures sur l’optimisation de la tarification des génériques et de convergence de prix par classe thérapeutique m’inquiètent. Les négociations entre le CEPS et les industriels sur les baisses des prix des médicaments ne doivent pas se faire dans notre dos. J’ai demandé un contrat de 5 ans avec l’Etat, mais pas de réponse. Je suis très inquiet. »

MICHEL CAILLAUD, CONSEILLER DU PRÉSIDENT, UNPF

« Le PLFSS 2013 est une catastrophe ! Nous sommes dans un scénario qui remet en cause l’ensemble des signatures et des dispositions qui ont été prises pour l’officine, c’est-à-dire la convention et les honoraires de dispensation. Pour ces derniers, on parle de “périmètre constant”, mais nous sommes dans un jeu de dupes. Il vaudrait mieux nous dire ce que l’on souhaite pour l’avenir de l’officine. On a tendance à considérer l’économie de la santé comme une charge qu’il faut réduire. Or ce secteur est un secteur économique comme les autres, qui génère des bénéfices, des rentrées fiscales et fait vivre des milliers de personnes. »