L’INSTINCT DE SUBSTITUTION
Au moment de livrer une nouvelle bataille sur le générique, LES GROUPEMENTS SONT MONTÉS EN PREMIÈRE LIGNE POUR AIDER LES PHARMACIENS à se remettre en ordre de marche. Le succès de ces derniers mois au travers de la reprise des ventes est aussi le leur.
Grâce à la nouvelle convention pharmaceutique, signée en mars 2012, et à la réactivation de l’accord « tiers payant contre génériques » en juin, le médicament générique s’est relancé de belle manière. La remontée du taux de substitution a été spectaculaire pendant l’été, pointant à 78 % fin août. L’espoir renaît dans les rangs de la profession d’atteindre l’objectif national de substitution de 85 % pour 2012 et de récolter dès 2013 les fruits d’une rémunération complémentaire liée à l’atteinte d’objectifs individualisés. Pour épauler leurs adhérents, les groupements ont mis en place de nouvelles actions ou poursuivi le travail engagé pour les aider à substituer mieux et plus, et amplifier ce mouvement de reprise. De la communication grand public en passant par la formation des équipes officinales jusqu’au suivi des résultats, officine par officine, les groupements n’ont pas ménagé leurs efforts ces derniers mois pour remettre la substitution et le générique dans la direction des économies attendues par les pouvoirs publics.
UNE COMMUNICATION EN EXTERNE COMME EN INTERNE
Habitués à communiquer auprès du grand public, plusieurs groupements s’emploient depuis cet été à relayer la campagne de l’Assurance maladie. C’est le cas d’Alphega Pharmacie qui, dès la rentrée, a lancé une campagne de sensibilisation destinée à rassurer les patients sur la qualité et l’efficacité des génériques tout en proposant un suivi (reconnaissance des génériques, surveillance de la bonne prise du traitement, organisation du traitement…). Objectif : toucher une cible de 3 millions de personnes au travers d’affiches vitrine et affichettes comptoir – portant le message « Pour vous soigner, ce qui compte est à l’intérieur » –, de mémos patients décrivant les caractéristiques des génériques.
Localement, les pharmaciens Alphega ont entrepris une démarche de concertation avec les médecins les plus proches de leur officine, car le marché ne pourra être relancé sans une unanimité complète médecin-pharmacien-patient sur le générique et une communication adaptée auprès des prescripteurs (modèle de courrier) les impliquant dans l’effort de substitution.
Sur le terrain, l’information des pharmaciens sur la nouvelle convention pharmaceutique et l’avenant générique n° 6 bat son plein. Chez Pharmactiv, l’information véhiculée par les délégués pharmaceutiques mais aussi mise en ligne sur le site du groupement est venue compléter celle donnée par les syndicats. « La lettre aux adhérents du 25 juin 2012, avec pour slogan “La prime des génériques, ce n’est pas automatique”, a remobilisé les pharmaciens sur les objectifs à atteindre et sur la nécessité de corriger le cap », rapporte Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv.
De son côté, Giphar a expliqué la convention auprès de sa base au niveau de chaque intergroupement du réseau. Giropharm en a fait de même lors de son congrès annuel. « Nous avons développé l’instinct de substitution auprès de nos adhérents et leur avons demandé d’aller vers une substitution complète de tout le Répertoire », précise Franck Vanneste, président de Giropharm. En complément, le « Giro Mémo », les forums sur le Net et le travail des conseillers sur le terrain ont permis de répondre à toutes les questions en suspens. « Notre communication a beaucoup insisté sur les noms des nouvelles molécules à substituer », ajoute-t-il.
Ses adhérents affichant des taux de substitution supérieurs à la moyenne nationale, Plus Pharmacie n’a donc entamé un tour de France des régions que depuis mi-octobre et pendant deux mois afin de rappeler les objectifs de substitution et les points clés de la convention.
Chez Pharmodel Group, les affiliés ont reçu dans un premier temps un kit comprenant un rappel précis des enjeux et règles pour 2012, un argumentaire comptoir et un courrier à destination des médecins. Ce kit constitue la première étape d’une campagne de six mois durant laquelle tous les moyens du réseau Pharmodel Group vont être mobilisés pour encourager, suivre et développer la substitution.
FORMER LES ÉQUIPES, LE NERF DE LA GUERRE
Les groupements apportent également leur contribution à la formation des collaborateurs qui ont besoin de reprendre confiance et de se remobiliser. Les objectifs des séances de remise à niveau sont toujours les mêmes : informer les équipes sur l’actualité de la réglementation en matière de substitution, les sensibiliser aux objectifs à atteindre, leur rappeler les fondamentaux sur les étapes de la délivrance des génériques, sur la façon de répondre aux objections des patients et de présenter de manière positive ces médicaments si décriés ces derniers mois.
Alphega Pharmacie a procédé à une piqûre de rappel auprès des collaborateurs qui ont suivi des séances interactives d’une heure et demie lors des Universités Skippers, alors que les titulaires ont suivi des sessions en soirées d’aide à la substitution.
Pharmactiv a organisé des formations in situ à l’heure du déjeuner alors que Cofisanté a inscrit le générique dans le programme de sa convention de rentrée destinée aux équipes officinales. Elle consistait en une immersion de deux jours, début octobre, pour faire le point sur le générique, s’exercer, à partir de cas pratiques, à accueillir les patients et à traiter leurs objections, partager les expériences… « Les rencontres sur les stands avec nos partenaires exposants ont permis de poursuivre des échanges constructifs sur les pratiques et questions de comptoir, complète Marie-Claude de Carville, directrice clients de Cofisanté. Plusieurs titulaires ont appelé le groupement pour nous faire part des effets immédiats et visibles sur le travail de leur équipe. »
Les actions de Pharmodel Group s’inscrivent dans la continuité des formations pratiques mises en place depuis deux ans pour développer la substitution. « Destinées aux équipes officinales, elles sont déclinées deux fois par an in situ par nos quinze conseillers terrain, détaille Rafaël Grosjean, président de Pharmodel Group. Un module de 35 minutes permet de mobiliser l’équipe et de la faire travailler sur sa manière de communiquer en verbal comme en non-verbal. »
Forum Santé a adapté ses formations. « Le discours au comptoir est plus scientifique, centré sur la réassurance du client, la légitimité et la sécurité des génériques, ce qui demande beaucoup d’énergie et un ajustement des comportements », remarque Pierre-François Charvillat, directeur général adjoint du groupement. Pendant l’été, les rencontres mensuelles Forum Santé avec la clientèle et son magazine ont aidé à réhabiliter le générique.
RIPOSTER AUX ATTAQUES CONTRE LE GÉNÉRIQUE
Le Collectif des groupements a lancé en mars dernier une campagne d’affichage dans les officines des douze groupements adhérents pour remettre le générique « à sa juste place ». Cette campagne a joué les prolongations dans les pharmacies Optipharm pendant l’été. « Le groupement a adressé des mails et des courriers pour donner les nouvelles consignes de substitution, des argumentaires et des conseils sur la conduite à tenir par rapport aux affirmations non fondées sur les génériques », indique Alain Grollaud, directeur général d’Optipharm.
Evolupharm a mis en place des PLV et posé des tracts sur les comptoirs pour communiquer sur l’efficacité des génériques à la suite du rapport de l’Académie de médecine.
Pour réconcilier les patients avec le générique, Pharmodel Group a lancé à partir du 12 septembre une campagne de communication grand public intitulée « Médicaments génériques… Adoptez-nous ! ». L’angle est original pour mieux interpeller les gens sur les idées reçues qui circulent. La campagne met en scène une famille de médicaments génériques sympathiques et fermement décidés à tordre le cou aux idées reçues par tous les moyens. La « bote à outils » de la campagne comporte une affiche, un kit d’animation (totems, balisages…), des brochures à remettre aux patients, une présence sur le web et dans la presse santé grand public.
LA CHASSE AUX RUPTURES D’APPROVISIONNEMENT
Le succès du dispositif et l’augmentation rapide et importante de la demande ont entraîné une tension provisoire sur les stocks disponibles et conduit certains laboratoires à rencontrer des difficultés momentanées dans l’approvisionnement des officines sur un certain nombre de références. « La gestion de la pénurie a été compliquée au départ car tous les départements n’ont pas été en rupture en même temps du fait des décalages observés localement dans le processus de relance de l’accord “tiers payant contre génériques”, explique Serge Carrier. La recommandation faite aux pharmaciens était de diversifier leurs canaux d’approvisionnement, sachant que nous avons fait le maximum auprès de nos partenaires génériqueurs pour qu’il y ait le moins de ruptures possibles pour nos adhérents. »
Evolupharm s’est soucié également d’assurer un approvisionnement constant de ses adhérents dans les meilleurs délais. Disposant de sa propre logistique de distribution et propriétaire des autorisations de mise sur le marché de ses marques de distributeur (MDD) génériques (49 DCI, 77 références à fin septembre), ce groupement a pu suppléer les manques de ses partenaires. Veille tout aussi accrue chez Plus Pharmacie : « Nous avons vite prévenu nos adhérents sur les ruptures potentielles, les reports de substitution à effectuer, accessoirement sur nos génériques à la marque de distributeur », raconte Philippe Besnard, président de Plus Pharmacie.
Giphar a appliqué une politique plus dure à l’égard des ruptures d’approvisionnement des fabricants. « Nous avons épuré nos catalogues en sélectionnant des assortiments de génériques par molécule ; ainsi, si un produit n’est pas livré au bout d’un mois par un génériqueur, il sort du référencement Giphar », expose Jean-Michel Clopet, président de Giphar.
DES RÉSULTATS PASSÉS AU CRIBLE
Depuis juin, les extracteurs de données des groupements tournent à plein régime pour fournir à chaque adhérent connecté un tableau de suivi de ses derniers résultats de substitution, molécule par molécule. Une façon aussi de maintenir la pression sur la substitution. « Nous disposons d’outils d’informations et de gestion permettant de rendre des états très précis de la substitution à nos affiliés », assure Pierre-François Charvillat. « Le tableau de bord était un service exclusif de l’offre Optimum de Pharmactiv [350 adhérents ayant choisi de mettre en avant les couleurs et la philosophie du groupement, NdlR], mais, à la demande générale, nous l’avons étendu à toutes nos offres », informe Serge Carrier.
Cofisanté édite tous les mois pour chaque affilié des tableaux de bord. « Ils permettent de suivre rapidement l’évolution de l’“activité générique” et du niveau de substitution de l’officine, les ratios clés de gestion (CA, marge, quantités vendues, état des stocks) et de connaître le taux de pénétration des génériques du mois écoulé le 10 du mois suivant, précise Marie-Claude de Carville. Grâce au tableau de bord, ils savent ce qu’ils ont fait et ce qu’il leur reste à faire. » La motivation du personnel est garantie. « La comparaison des chiffres de substitution par rapport à l’ensemble des affiliés Cofisanté et de la moyenne nationale dans un marché en constante évolution est un bon moyen de stimuler les équipes », constate-t-elle.
La newsletter d’Evolupharm informe les pharmaciens de l’avancée de la substitution dans leur région. Un des trois départements opérationnels de Pharmodel Group analyse mensuellement les chiffres clés du réseau (volumes, valeur, flux…) pour permettre un pilotage précis des résultats des affiliés. « Par ailleurs, dans le cadre des visites en officine, notre réseau sur le terrain suit individuellement les 750 affiliés : évolution de la substitution et suivi de l’atteinte de l’objectif », ajoute Rafaël Grosjean.
Ayant les mêmes finalités, l’outil Népenstat, l’extracteur de données de vente du groupe Népenthès, vient d’être modernisé. « Nous fournissons aux 1 200 pharmacies connectées des statistiques de substitution par ligne générique par rapport à leurs objectifs, et plus particulièrement sur les 31 molécules faisant l’objet d’un suivi dans le cadre du paiement à la performance », indique Alexandre Aunis, directeur adjoint en charge des enseignes et de la communication de Népenthès.
D’ici à la fin de l’année, toutes les pharmacies du groupe PHR et des enseignes Viadys et Pharma Référence auront été auditées sur leur capacité à répondre aux différents défis de la convention pharmaceutique. « Nous passons au crible les agencements, la formation des équipes, la préparation aux entretiens pharmaceutiques, les services rendus aux clients pour apporter des réponses personnalisées », présente Lucien Bennatan, président du groupe PHR. Le générique n’est pas oublié. « Nous avons construit avec Ospharm un outil qui détermine pour chaque pharmacie le manque à gagner quand la substitution reste insuffisante sur une molécule donnée ou mal déployée sur la globalité du Répertoire. » Plus Pharmacie a une approche similaire : « Nous montons avec l’un de nos partenaires une opération de call center dans les pharmacies Pharmavie et Familyprix pour booster certaines lignes de génériques », annonce Philippe Besnard.
Optimiser les achats et développer les ventes… Les nouveaux défis du générique recentrent les groupements sur leur cœur de métier.
REPÈRESAchats : mise en avant des offres
Profitant du rebond du marché et pour booster encore plus les achats, les groupements ont communiqué auprès de leurs adhérents sur leurs offres privilégiées (Virtuose chez Pharmactiv, catalogues et référencements spécifiques, génériques à la marque de distributeur : PHR Lab pour PHR, Evolugen pour Evolupharm, Isomed pour Plus Pharmacie…) et sur les différentes facilités de prise de commande mises à leur disposition (par Internet, plate-forme téléphonique, accord génériqueur/groupement).
REPÈRESLa seconde vie des outils d’aide à la substitution
Les outils pratiques tels que mémos de poche, posters d’équivalence, tableaux de correspondance DCI/générique/princeps ont été remis au goût du jour. Ils sont fournis le plus souvent par les génériqueurs, mais parfois aussi conçus par les studios de création en interne (affiche Cofisanté, tableau d’équivalence Evolupharm…). Alphega a notamment conçu un guide officinal des médicaments génériques.
Une kyrielle d’outils comme aux premiers jours de la substitution dont le but est de servir la cause du générique en aidant les équipes officinales à mieux substituer, à tenir les objectifs et à lutter contre la désinformation en apportant des réponses rationnelles au questionnement des patients, pas toujours (voire toujours pas !) convaincus d’une qualité et d’une efficacité comparables à celles du princeps.
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