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Les mutuelles veulent jouer à jeu égal avec l’Assurance maladie

Publié le 16 février 2013
Par Caroline Coq-Chodorge
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Invité du Café Nile le 6 février, Etienne Caniard, président de la Mutualité française, se dit pessimiste sur l’avenir du système de santé. Et demande que les mutuelles participent à sa régulation.

On est en train de transformer notre système de santé. C’est quelque chose de grave, d’important » : c’est le constat soucieux tiré par le président de la Mutualité française, Etienne Caniard, qui était invité à s’exprimer, mercredi 6 février à Paris, par le cabinet de consultant Nile, sur la place des complémentaires santé. Celles-ci sont amenées à jouer un rôle de plus en plus important car « l’assurance maladie se désengage, dans l’indifférence la plus générale », affirme le président de la Mutualité française. L’écart est « grandissant entre ses remboursements et la réalité du coût des soins », poursuit-il. Cet écart se creuse aujourd’hui en particulier avec la pratique des dépassements d’honoraires. « En région parisienne, les dépassements s’élèvent en moyenne à 60-70 % du tarif opposable. Le taux effectif du remboursement par l’assurance maladie tombe alors à moins de 40 % ».

Au sujet de la régulation des dépassements prévue dans l’avenant 8 à la convention médicale signée en octobre dernier, Etienne Caniard n’est pas « d’un optimisme démesuré quant aux chances de le voir aboutir ». Il porte d’ailleurs un « jugement sévère sur la vie conventionnelle, en échec en termes de régulation et d’organisation des soins ».

Un accord patronat-syndicats qui coûte cher

Ce recul de l’assurance maladie conforte « la nécessité pour tout le monde d’avoir accès à une complémentaire santé ». Etienne Caniard a rappelé que François Hollande s’est engagé, en octobre dernier devant la Mutualité, à « généraliser, à l’horizon 2017 l’accès à une couverture complémentaire de qualité ». Plus récemment encore, l’accord national interprofessionnel, signé le 11 janvier entre le patronat et les syndicats, prévoit la généralisation d’ici au 1er janvier 2016 de la couverture santé, cette fois dans les entreprises (aujourd’hui seules 44 % des entreprises offrent une complémentaire à leurs salariés). Etienne Caniard s’est cependant montré critique quand aux détails de cet accord, qui est « un vrai bouleversement ». Selon lui, il va conduire au développement des contrats collectifs d’entreprise, qui bénéficient de niches sociales et fiscales. « Cela va coûter 2,5 milliards d’euros aux finances publiques. Les partenaires sociaux sont-ils légitimes pour se transformer ainsi en ordonnateurs de la dépense publique » s’interroge-t-il ?

Les mutuelles veulent réguler les dépenses de santé

Un autre sujet d’actualité est l’accès aux données de santé de l’assurance maladie, revendication ancienne de la Mutualité française. Etienne Caniard a d’ailleurs signé la pétition « Transparence santé », initiée par des associations d’usagers, des assureurs ou des industriels de la santé, qui circule depuis mi-janvier sur Internet. « Nous sommes privés de toute information », regrette-t-il. Ainsi, pour les médicaments remboursés, les complémentaires ne connaissent que le taux de prise en charge par l’assurance maladie. La Mutualité veut avoir accès à des informations plus détaillées pour, par exemple, rembourser les médicaments ou les classes thérapeutiques d’une manière « plus sélective », explique son président, lequel affiche son ambition : « faire de la régulation », au même titre que l’Assurance maladie.

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L’USPO proche d’un accord avec la Mutualité

« Nos discussions sont très avancées et vont bénéficier à tous les pharmaciens », se félicite Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le syndicat négocie en effet depuis plusieurs mois un accord-cadre avec la Mutualité, laquelle a « une réelle vision du rôle du pharmacien dans le “pré-premier recours” et dans la construction d’un véritable parcours de soins », assure Gilles Bonnefond. Les discussions portent en particulier sur la prise en charge par les mutuelles de médicaments conseillés par le pharmacien « lorsqu’un recours au médecin n’est pas nécessaire », précise-t-il. Serait retenue « l’idée d’un forfait avec pratique du tiers payant ». Les mutuelles s’engageraient également à prendre en charge des actions de prévention comme le dépistage du diabète et de l’insuffisance respiratoire, le sevrage tabagique, ou encore un accompagnement thérapeutique de patients chroniques. Les mutuelles seraient prêtes à rémunérer les pharmaciens. Si l’accord-cadre n’est encore pas finalisé, le principe d’expérimentations semble acté : elles devraient être lancées « à l’automne dans certaines zones géographiques entre des mutuelles et des pharmaciens volontaires, adhérents ou non de l’USPO », précise Gilles Bonnefond.