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LES ANTALGIQUES 16 CAS PRATIQUES

Publié le 30 mars 2013
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CAS N° 1 – EFFETS INDÉSIRABLES

Un risque mal compris

Madame T., 54 ans, est connue pour son hypocondrie. Se plaignant de douleurs touchant tantôt l’abdomen, le dos, la tête, elle a toujours une raison pour se plaindre. Comme aujourd’hui, où elle vient à nouveau à la pharmacie demander conseil car elle pense que le paracétamol ne lui est plus efficace : elle prend deux comprimés de Dafalgan 1 g chaque matin, midi, après-midi et soir depuis deux semaines. Son stock est épuisé : doit-elle augmenter la dose ou (re) voir son médecin pour bénéficier d’un traitement plus puissant ?

Est-il souhaitable de lui dispenser du paracétamol ?

Non, l’automédication de madame T. à 8 g de paracétamol par jour l’expose à un risque hépatotoxique qu’elle ne soupçonne visiblement pas !

ANALYSE DU CAS

• Bien que bénéficiant d’un index thérapeutique satisfaisant, le paracétamol peut être à l’origine d’une cytolyse hépatique parfois fatale.

• Cette toxicité s’observe pour une dose excédant 150 mg /kg (adulte) à 200 mg/kg (enfant), soit environ 8 g pour madame T. qui pèse 55 kg. C’est précisément la dose qu’elle utilise actuellement.

• La répétition de la prise de doses de paracétamol situées à la marge inférieure du seuil de toxicité peut être à l’origine d’une intoxication sévère.

• Le paracétamol n’est pas directement toxique : en revanche, son métabolisme livre en faible quantité de la N-acétylparabenzoquinone-imine (NAPQI).

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• Ce composé, électrophile et hautement réactif, se fixe sur la membrane cellulaire hépatique et libère des radicaux libres, perturbant les échanges calciques transmembranaires.

• Il est susceptible d’induire une cytolyse hépatique, plus rarement des lésions rénales voire pancréatiques.

• Le NAPQI se conjugue dans le foie avec le glutathion, livrant un composé aisément éliminé dans l’urine. La toxicité du paracétamol se révèle lorsque les possibilités de détoxification du NAPQI sont dépassées :

– en cas de déficit en glutathion (âge, malnutrition ou dénutrition, alcoolisme chronique, hépatopathie) ;

– en cas de surproduction de NAPQI par induction enzymatique ;

– quand l’apport en paracétamol excède les capacités de détoxification par le glutathion et révèle la toxicité hépatique du NAPQI.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme T. que le paracétamol, même en vente libre, n’en est pas moins potentiellement dangereux. En le prenant ainsi sans discernement, elle s’expose à des troubles plus sévères que ceux qu’elle veut soigner.

• Par ailleurs, l’usage du paracétamol n’induit pas d’accoutumance : il n’y a pas lieu d’augmenter les doses une fois la posologie établie. Deux solutions se présentent ici : soit les douleurs empirent pour une raison à déterminer, soit elles ont une origine psychologique, ce que le médecin devra déterminer.

• Le pharmacien appelle le médecin de Mme T. pour qu’elle bénéficie d’un bilan hépatique et de mesures d’urgence si besoin, et d’une prise en charge adaptée de son syndrome algique.

CAS N° 2 – EFFETS INDÉSIRABLE

Monsieur F. retourne à Nantes

Monsieur Edmond F., 77 ans, 62 kg, est atteint d’un cancer de la prostate métastasé. Le traitement palliatif repose sur une prescription de fentanyl transdermique. Sa femme demande conseil ce samedi soir : son mari, depuis la veille, semble brutalement atteint de démence. Il la confond avec leur fille, s’imagine vivre à Nantes comme jadis. Face à l’aggravation des douleurs, il a augmenté la dose de fentanyl, passant d’un patch dosé à 25 µg/h à un patch dosé à 50 µg/h. Il a également prescrit un fluidifiant bronchique, du paracétamol et des gouttes nasales à monsieur F. car il débutait une infection virale et était fiévreux.

Qu’inspire l’état clinique de monsieur F. ?

Les symptômes décrits par Mme F. évoquent une réaction iatrogène liée à un surdosage en opioïdes.

ANALYSE DU CAS

• Monsieur F., amaigri, est traité par fentanyl, un opioïde antalgique de palier 3, administré sous une forme transdermique garantissant des taux sériques constants.

• Les douleurs empirant, le médecin a doublé la posologie. Un patch à 50 µg/h a été posé vendredi matin et, le soir même, monsieur F. a présenté les premiers signes de confusion mentale.

• La confusion mentale, accompagnée de somnolence, de sueur et de nausées, parfois de vomissements, constitue un signe de surdosage en opioïdes. Fréquemment observée chez le sujet âgé lors de la phase de titration d’un traitement antalgique puissant, elle peut aller jusqu’à induire des hallucinations et un ralentissement respiratoire.

• L’infection virale est ici à l’origine d’une fièvre entraînant une vasodilatation contribuant à favoriser le passage transmuqueux du fentanyl (d’une façon proportionnelle à la surface du patch), en augmentant de façon imprévisible ses taux plasmatiques et en accélérant donc la vidange du dispositif qui dès lors devient moins efficace en fin de période d’application. Un bain trop chaud, une couverture chauffante ou l’application d’une bouillotte au voisinage du patch peuvent avoir exactement les mêmes effets, tout comme la pratique d’un exercice physique trop intensif.

ATTITUDE À ADOPTER

• Monsieur F. doit être vu par son médecin qui décidera de l’attitude à adopter. En effet, celui-ci va modifier sa prescription, remplaçant le patch à 50 µg/h par deux patchs : l’un à 25 µg/h et l’autre à 12 µg/h. L’épisode de confusion cède rapidement et la douleur de monsieur F. est efficacement calmée.

• En cas d’épisodes douloureux paroxystiques (fréquents en cas de cancer évolué), monsieur F. pourra être traité par un opioïde à libération immédiate (morphine, oxycodone, fentanyl…).

CAS N° 3 – EFFETS INDÉSIRABLES

Madame S. ne va plus à la selle

Mme Charlotte S., 76 ans, a subi la pose d’une prothèse de hanche et souffre beaucoup depuis quatre jours. Il y a trois jours, le médecin a remplacé Ixprim par un traitement à base d’oxycodone : Oxycontin LP 10 mg un comprimé matin et soir. Mais Mme S. n’est pas allée à la selle depuis et est très inquiète. Sa fille vient en parler au pharmacien.

Pourquoi Mme S. est-elle constipée ?

Le diagnostic est aisé : tout traitement opioïde est de façon quasi systématique à l’origine d’une constipation iatrogène parfois handicapante, susceptible d’entraîner la constitution d’un fécalome (accumulation de matières fécales déshydratées et stagnantes dans le rectum).

ANALYSE DU CAS

• Les opioïdes, à des degrés divers, ralentissent le péristaltisme intestinal, réduisent les sécrétions digestives et entraînent la contraction des sphincters digestifs. w Les opiorécepteurs, présents à tous les niveaux de l’intestin, peuvent être atteints par les opioïdes endoluminaux (opioïdes administrés per os), mais aussi par ceux véhiculés dans la circulation générale (opioïdes administrés par voie parentérale, transdermique, transmuqueuse).

• L’administration d’un opioïde peut donc être à l’origine d’une occlusion iatrogène caractérisée par un inconfort abdominal avec météorisme, nausées, vomissements, constipation et obstruction colique fonctionnelle (avec constitution fréquente d’un fécalome).

• Elle doit donc systématiquement s’accompagner, notamment chez un sujet âgé et/ou peu mobile, d’un traitement préventif de la constipation (cas de Mme S.).

ATTITUDE À ADOPTER

• Le régime alimentaire de madame S. doit être adapté.

• Le pharmacien conseille un laxatif osmotique en attendant un avis médical. §

CAS N° 5 – INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES

Noémie a mal à la tête

Noémie A., 54 ans, est traitée par Préviscan (1/4 cp un soir sur deux, 1/4 cp un soir sur deux) à la suite d’un infarctus du myocarde. Cette attachée de presse, fumant beaucoup, se présente dans sa pharmacie habituelle pour acheter Profémigr (kétoprofène). Sa belle-sœur lui en a donné une boîte pour traiter ses maux de tête.

Le pharmacien doit-il se méfier ?

Oui, car Profémigr est un anti-inflammatoire non stéroïdien, le kétoprofène, indiqué ici dans le traitement de la crise de migraine, susceptible d’interagir avec les anticoagulants. De plus, Profémigr nécessite une prescription médicale.

ANALYSE DU CAS

• Tous les AINS inhibent la cyclo-oxygénase plaquettaire et ont donc un effet antiagrégant plaquettaire. Ils perturbent les paramètres de coagulabilité du sang et exposent à un risque hémorragique.

• Ce risque est ici potentialisé par l’association à une antivitamine K. L’administration de kétoprofène et de fluindione (Préviscan) expose à un risque hémorragique significatif (concernant par exemple le tractus digestif ou le système nerveux central).

ATTITUDE À ADOPTER

• Madame A. doit être informée du risque hémorragique, et le pharmacien doit la dissuader de recourir à cette association déconseillée en prescription (et contre-indiquée en automédication).

• Comme elle a utilisé deux comprimés restant dans la boîte qui lui a été donnée, il est préférable que madame A. consulte son médecin et bénéficie d’un contrôle de l’INR en urgence, pour vérifier qu’elle n’est pas dans une situation de surdosage d’AVK.

• Mme A. peut traiter ses maux de tête par du paracétamol sans excéder la dose maximale recommandée. Si le paracétamol ne suffit pas, elle doit aller consulter.

CAS N° 6 – INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES

« Ce n’est pas la même chose… »

Pierre D., 75 ans, vient acheter une boîte de Nurofen (ibuprofène) dont il a vu la publicité à la télévision. Il souhaiterait soulager sa douleur rhumatismale au genou. Le pharmacien se souvient que monsieur D. est sous Kardégic 75 mg (acide acétylsalicylique) pour un problème cardiaque. Il lui explique donc que ce médicament ne lui est pas recommandé.

Pourquoi Pierre ne doit-il pas prendre du Nurofen 400 ?

Ce médicament risque de potentialiser l’iatrogénie associée à l’usage de l’aspirine contenu dans Kardégic.

ANALYSE DU CAS

• Kardégic est une présentation d’aspirine (75 mg) indiquée dans la prévention secondaire des événements ischémiques liés à l’athérosclérose. La dose d’aspirine est insuffisante pour induire une action antalgique et/ou anti-inflammatoire, mais exerce une action antiagrégante recherchée ici.

• Nurofen est un AINS (ibuprofène) indiqué, sur une courte durée, dans le traitement de divers types de douleurs.

• L’association des deux médicaments doit être prise en compte (Thésaurus) : elle majore le risque ulcérogène et hémorragique digestif qui leur est attaché. Les saignements digestifs occultes, fréquents chez le sujet âgé, peuvent être ici aggravés avec un risque d’anémie. De plus, un ulcère peut se constituer sans symptôme algique chez le sujet âgé.

ATTITUDE À ADOPTER

L’association doit être prise en compte : il ne faut pas oublier que Kardégic contient de l’aspirine ! Dans la pratique, requérant un traitement antiagrégant avant tout, et en l’absence de contre-indication, M. D. doit privilégier ici un traitement antalgique « pur » comme le paracétamol.

CAS N° 7 – PROFILS PARTICULIERS

Monsieur G. a une rage de dents

Pierre G., 28 ans, est traité pour un asthme sévère depuis l’adolescence. Il entre dans la pharmacie ce samedi, mal en point et inquiet. Souffrant d’une infection dentaire aiguë, il ne peut pas voir le dentiste avant lundi. Il souhaite un médicament réellement efficace contre la douleur… Effectivement, sa gencive est très enflammée et M. G. décrit une douleur irradiant au-dessus d’une prémolaire du maxillaire supérieur droit.

Peut-on proposer un antalgique à base de codéine ?

Non, la codéine est contre-indiquée chez l’insuffisant respiratoire et chez l’asthmatique.

ANALYSE DU CAS

• La codéine, opiacé de palier 2, est un antalgique puissant effectivement indiqué dans la situation. Il serait possible de conseiller par exemple Codoliprane (paracétamol 400 mg ; codéine 20 mg).

• Toutefois, monsieur G. souffre d’asthme : le recours à la codéine est contre-indiqué car elle peut induire un bronchospasme et une dépression respiratoire.

• Cet effet est commun à tous les opioïdes. Il donne lieu à une simple précaution d’emploi avec le tramadol.

ATTITUDE À ADOPTER

• L’usage d’aspirine ou d’un AINS peut sembler pertinent au vu de l’inflammation gingivale de ce patient. Or, ce type de médicament peut induire des réactions asthmatiformes et est contre-indiqué chez les sujets ayant des antécédents d’asthme déclenchés par la prise d’un AINS ou d’aspirine.

• Dans l’attente des soins dentaires, et par précaution, la meilleure solution reste donc de proposer du paracétamol, dans le respect de la posologie maximale (4 g/j), malgré le côté très aigu de la douleur. Le néfopam (Acupan) serait indiqué, mais sa dispensation nécessite une prescription.

• Par ailleurs, le pharmacien donne des conseils à monsieur G. : application de glace sur la zone douloureuse, bains de bouche, etc.

CAS N° 8 – PROFILS PARTICULIERS

Codéine/pholcodine : même combat ?

Madame T., 42 ans, souffre d’une rage de dents depuis la veille et demande une boîte de Dafalgan codéine (paracétamol, codéine). Elle a retrouvé une boîte chez elle mais elle est périmée. En l’interrogeant sur ses antécédents, le pharmacien apprend que madame T. a développé une réaction allergique à la pholcodine il y a deux ans. Il croit se souvenir que la pholcodine est passée sur liste II pour un problème d’allergie croisée avec la codéine.

Le pharmacien a-t-il une bonne mémoire ?

Non : il n’y a pas de rapport entre l’évolution du statut de la pholcodine et une allergie croisée avec d’autres opioïdes. Il est préférable que madame T., compte tenu de ses antécédents, ne s’expose pas à la codéine, structurellement voisine de la pholcodine, sans avis médical préalable.

ANALYSE DU CAS

• Depuis mai 2011, la pholcodine est soumise à prescription médicale : des observations ont suggéré qu’elle favoriserait la survenue d’une allergie aux curares utilisés en anesthésie (phénomène lié à une fonction ammonium quaternaire commune à ces produits).

• L’Agence européenne du médicament a considéré en août 2011 qu’il n’y avait pas lieu de remettre en question le rapport bénéfice/risque du traitement antitussif par pholcodine, mais recommande la réalisation d’études sur le lien possible entre exposition à la pholcodine et sensibilisation aux curares.

• Ce risque de réaction, spécifique, ne signifie pas que la pholcodine favorise la survenue de réactions allergiques à d’autres médicaments, opioïdes compris.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien préconise l’usage de paracétamol ou un avis médical si, réellement, un antalgique de palier II est nécessaire. Par ailleurs, Dafalgan codéine est sous prescription médicale.

PHARMACOLOGIE

Stratégie thérapeutique

• Les antalgiques prescrits ou susceptibles d’être conseillés à l’officine sont des médicaments actifs sur les douleurs par excès de nociception.

• L’Organisation mondiale de la santé hiérarchise ces antalgiques en fonction de leur puissance d’action : elle distingue ainsi trois paliers essentiels. Les antalgiques périphériques relèvent du palier I (aspirine, ibuprofène, paracétamol…) et les antalgiques opioïdes, des paliers II (codéine, dihydrocodéine, tramadol) et III (buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, morphine, nalbuphine, oxycodone…).

• La prescription ou le conseil officinal prend en compte la galénique du médicament (forme effervescente et apport sodé ; forme orodispersible et facilité d’emploi…).

• En cas de douleurs chroniques, l’administration d’un antalgique se fait à heures fixes. Régulière, elle doit anticiper le retour de la douleur lorsque la dose cesse de produire son effet (ex. : paracétamol administré toutes les 4 h) pour éviter la chronicisation de la douleur et l’anxiété l’accompagnant.

• L’adaptation du traitement antalgique se fait en fonction de l’intensité de la douleur, régulièrement (ré) évaluée grâce à des échelles spécifiques comme l’échelle visuelle analogique et du profil propre de chaque patient (âge, insuffisance rénale et/ou hépatique, antécédents allergiques, etc.).

• L’association de deux antalgiques de palier I est possible pourvu qu’ils ne conjuguent pas une action identique et n’excèdent pas les doses maximales admissibles (ex. : paracétamol + ibuprofène). Il est possible d’associer un antalgique de palier I à un antalgique de palier II ou à un antalgique de palier III pour réduire la dose de l’antalgique le plus puissant et limiter le risque iatrogène attaché à son usage. En revanche, il n’y a pas de justification à associer deux antalgiques de palier II et/ou III ; cette association peut même être déconseillée (opioïde agoniste + opioïde agoniste partiel).

• Un traitement antalgique peut/doit être associé à un traitement actif sur les causes de la douleur (antispasmodique, etc.) ou correcteur de l’iatrogénie (traitement contre la constipation induite par les opiacés, etc.)

• Dans tous les cas, le traitement et la galénique garantissant le meilleur rapport bénéfice/risques sont privilégiés.

Principaux antalgiques

Salicylés et AINS

Les médicaments inhibiteurs des cyclo-oxygénases ont une action à la fois antalgique, anti-inflammatoire, antipyrétique et antiagrégante, dont l’importance relative est conditionnée par la dose administrée.

Effets indésirables

• Effets mineurs : dyspepsie, nausées, anorexie, douleurs digestives, palpitations, flatulences, troubles du transit, réactions allergiques mineures (urticaire, rash cutané).

• Effets sévères : ulcère gastroduodénal, hémorragie digestive, réactions allergiques majeures (bronchospasme, rare syndrome de Lyell), insuffisance rénale et hépatique (si traitement prolongé).

• Les AINS peuvent diminuer la résistance aux agressions bactériennes.

• Ils peuvent être à l’origine de troubles hématologiques (leucopénie, thrombopénie, etc.).

• Conséquence rare du traitement, le syndrome de Reye, observé principalement chez l’enfant au décours d’une infection virale (ex. : varicelle), se traduit par une encéphalopathie avec dégénérescence graisseuse hépatique.

• Le diclofénac a été réévalué fin 2012 par l’Agence européenne du médicament en raison d’effets indésirables cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC).

Interactions médicamenteuses

• Aspirine + méthotrexate > 15 mg/semaine : toxicité hématologique (CI) ; AINS + méthotrexate à dose > 20 mg/ semaine : toxicité hématologique (déconseillé).

• Association d’AINS : majoration du risque ulcérogène et hémorragique digestif (déconseillé).

• AINS + acide acétylsalicylique à des doses anti-inflammatoires (≥ 1 g/prise et/ou ≥ 3 g/jour) ou à des doses antalgiques ou antipyrétiques (≥ 0,5 g/prise et/ou < 3 g/j) : majoration du risque ulcérogène et hémorragique digestif (déconseillé).

• Anticoagulants (antivitamine K, héparine, NACO) : augmentation du risque hémorragique (aspirine > 3 g/j : CI ; aspirine < 3 g /j ou AINS : déconseillé).

• Lithium : risque de toxicité rénale par augmentation de la lithémie (déconseillé).

• Diurétiques épargneurs de potassium, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) : risque d’hyperkaliémie (niveau d’interaction variable selon les médicaments (voir RCP).

Principales contre-indications

• Hypersensibilité à un AINS et/ou à l’aspirine.

•• Antécédents d’allergie ou d’asthme déclenché par la prise d’un AINS ou d’aspirine.

• Antécédents d’hémorragie ou de perforation digestive au cours d’un précédent traitement par AINS ; hémorragie en évolution.

• Ulcère peptique en évolution ou antécédents d’ulcère peptique.

• Lupus érythémateux disséminé.

• Grossesse au-delà de 24 semaines d’aménorrhée à 5 mois révolus (même prise ponctuelle).

Paracétamol

Le paracétamol est un antalgique de première intention susceptible d’être administré pendant la grossesse ou l’allaitement.

Effets indésirables

• Rares manifestations allergiques cutanées.

• Cytolyse hépatique à doses toxiques (> 8 à 10 g en une prise pour un adulte, ou 150 mg/kg mais ce seuil est variable et dépend d’une insuffisance hépatique, d’interactions médicamenteuses, de susceptibilité génétique.

Interactions médicamenteuses

Risque d’augmentation de l’effet des anticoagulants oraux et du risque hémorragique en cas d’association avec le paracétamol aux doses maximales (4 g/j) pendant au moins 4 jours : contrôler alors l’INR et adapter la posologie pendant le traitement par paracétamol puis à son arrêt.

Contre-indication

Insuffisance hépatocellulaire.

Floctafénine

Mode d’action

La floctafénine (Idarac) exerce une action purement antalgique dont l’origine reste mal comprise.

Effets indésirables

• Dominés par les réactions d’hypersensibilité locales (cutanéomuqueuses) ou systémiques (dyspnée asthmatiforme, insuffisance rénale aiguë oligoanurique, état de choc), susceptibles d’être fatales, et expliquant que ce médicament soit tombé en désuétude.

• Lithiase rénale (traitement prolongé et/ou fortes doses).

Interactions médicamenteuses

Bêtabloquants : réduction des réactions cardiovasculaires de compensation en cas de choc ou d’hypotension (CI).

Contre-indications

• Insuffisance cardiaque sévère.

• Cardiopathies ischémiques.

Néfopam

Le néfopam (Acupan), destiné à la voie IM ou IV, est néanmoins souvent administré per os (hors AMM). Il exerce une action antalgique pure, sans composante anti-inflammatoire ou antipyrétique.

Effets indésirables

• Hyperhydrose, troubles hépatiques, convulsions.

• Action anticholinergique : rétention urinaire, sécheresse buccale, tachycardie, troubles de l’accommodation.

• Risque de pharmacodépendance.

Interactions médicamenteuses

• Attention aux médicaments sédatifs et atropiniques?!

Contre-indications

• Antécédents de comitialité.

• Rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques.

• Glaucome par fermeture de l’angle.

Opioïdes

Si les divers opioïdes ont des structures chimiques parfois très différentes et exercent une action pharmacologique purement agoniste ou agoniste partielle sur les opiorécepteurs, leur profil thérapeutique n’en est pas moins homogène.

Mode d’action

• Les opioïdes miment l’action des endorphines, peptides endogènes activant notamment les opiorécepteurs de type mu (antalgie puissante, sédation, dépression respiratoire, myosis, hypothermie, constipation, dépendance et accoutumance) et kappa (antalgie, sédation, myosis).

• Les agonistes purs agissent essentiellement sur les récepteurs mu ; leur action n’est pas limitée lorsque la dose augmente, d’où un risque iatrogène important (dépression respiratoire et collapsus avec décès).

• Les agonistes/antagonistes (nalbuphine, buprénorphine = Temgésic) sont des agonistes partiels kappa et des antagonistes mu. Leur action pharmacologique est plafonnée : le risque de dépression respiratoire est limité, d’où une meilleure maniabilité.

• Les opioïdes ont une puissance d’action très variable, lié notamment à leur métabolisme (ex. : la codéine agit après transformation partielle en morphine).

• Le tramadol a une action double : agoniste mu et inhibitrice de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.

Effets indésirables

• Somnolence et sédation, risque de confusion mentale (notamment chez le sujet âgé et/ou déshydraté et/ou en hyponatrémie), de cauchemars, d’hallucinations.

• Nausées et vomissements en début de traitement.

• Myosis.

• Constipation quasi systématique (à prévenir et à traiter), rétention urinaire (prudence en cas d’adénome prostatique ou de sténose urétrale).

• Bronchospasme, dépression respiratoire (ce risque explique la réévaluation des antalgiques à base de codéine utilisés chez l’enfant initiée par l’Agence européenne du médicament fin 2012).

• Augmentation de la pression intracrânienne.

• Risque de dépendance primaire (sans antécédents de pharmacodépendance), redouté par le patient, ne devant pas faire hésiter à recourir à un traitement antalgique opioïde lorsque l’indication en est correctement posée mais méritant d’être pris en compte.

• Signes de sevrage si l’arrêt du traitement est trop brutal?: bâillements, irritabilité, anxiété, frissons, insomnies, mydriase, bouffées de chaleur, sudation, larmoiement, rhinorrhée, nausées et vomissements, crampes abdominales avec diarrhées, myalgies et arthralgies.

Interactions médicamenteuses

• Les opioïdes agonistes partiels (buprénorphine) ne doivent pas être associés aux agonistes purs : l’effet antalgique serait alors réduit avec risque de démasquage d’un syndrome de sevrage. Attention aux patients sous Subutex (buprénorphine) !

• Les opioïdes antagonistes (ex. : naltrexone indiquée dans le maintien de l’abstinence du sujet alcoolodépendant) ne doivent pas être associés aux agonistes ou agonistes partiels pour les mêmes raisons.

Contre-indications

• Insuffisance respiratoire décompensée (en l’absence de ventilation artificielle) : hydromorphone, morphine, oxycodone ; insuffisance respiratoire sévère : buprénorphine.

• Dépression respiratoire sévère ou BPCO sévère (fentanyl transmuqueux).

• Asthme et insuffisance respiratoire (codéine).

• Insuffisance hépatocellulaire sévère.

• Epilepsie non contrôlée.

• Douleur aiguë ou postopératoire (Durogesic et génériques?: ajustement de dose impossible si usage de courte durée).

• Intoxication alcoolique aiguë et delirium tremens (buprénorphine).

CAS N° 9 – PROFILS PARTICULIERS

Soizic s’est endormie

Soizic, 15 ans, a été récemment opérée en ambulatoire d’une malformation articulaire de l’épaule. Rien de bien grave, mais des douleurs importantes, que le médecin hospitalier anticipe par la prescription de Klipal 600/50 mg (paracétamol, codéine) 1 cp, matin, midi, goûter, coucher. La douleur cesse rapidement après l’administration du premier comprimé. Toutefois, dès le lendemain soir, Soizic se plaint de nausées, de vertiges, de maux de tête, d’une fatigue inhabituelle et s’endort avant même le dîner. Le lendemain matin, la jeune fille, qui s’est levée, reste cependant toujours stuporeuse et nauséeuse. Inquiète, sa mère sollicite l’avis du pharmacien.

Comment expliquer ces signes cliniques ?

Ils sont probablement dus à une sensibilité particulière à l’action de la codéine.

ANALYSE DU CAS

• En règle générale, le seuil toxique de la codéine est de 2 mg/kg/prise. Il y a risque vital à partir de 5 mg/kg/prise.

• Toutefois, le métabolisme de cet opiacé varie selon les individus : la codéine peut avoir une activité antalgique insuffisante chez un sujet métaboliseur lent – seul le métabolite est actif (voir encadré) –, mais elle peut induire à très faible dose des effets iatrogènes, voire se révéler rapidement toxique chez un sujet métaboliseur ultrarapide.

• L’intoxication aiguë se traduit avant tout par une somnolence. Elle est suivie d’un ralentissement de la respiration (bradypnée), parfois de pauses respiratoires, d’une œdématisation du visage, d’une éruption urticarienne, d’un rétrécissement pupillaire (myosis), de convulsions, d’une rétention urinaire. Le décès peut survenir dans un tableau de coma et de collapsus respiratoire.

ATTITUDE À ADOPTER

• Rassurer la mère de Soizic, mais proposer de contacter le médecin. Ce dernier réduit significativement la posologie de l’antalgique, passant à une gélule de Klipal 300/25 mg matin et soir : la dose journalière de codéine est donc de 50 mg au lieu de 200 mg.

• Une intoxication aiguë cliniquement préoccupante (accompagnée, par exemple, d’une insuffisance respiratoire chez un patient âgé et insuffisant rénal) aurait pu nécessiter une hospitalisation pour assistance respiratoire, avec une éventuelle injection de naloxone.

• Face à un tableau clinique évocateur d’un surdosage en opiacé et en l’absence d’explication évidente, le médecin peut d’ailleurs, si la sévérité du tableau l’exige (ce n’est pas le cas ici), tester l’effet d’une petite dose d’antagoniste opiacé (naloxone) : en pratique, ce test est alors réalisé aux urgences de l’hôpital.

• De même, l’usage du tramadol devrait être évité chez les métaboliseurs lents ou ultrarapides car il suit la même voie métabolique que la codéine (formation de desméthyltramadol, 200 fois plus actif) et pose le même type de problèmes.

CAS N° 10 – PROFILS PARTICULIERS

Switch savant

Madame T., 72 ans, est traitée depuis 3 mois par du fentanyl transdermique (Durogesic, 1 patch 100 %µg et 1 patch 50 µg, /72 h) pour calmer des douleurs liées à un cancer du sein métastasé. Son médecin modifie la prescription du cancérologue : il décide de recourir à un antalgique oral car Mme T. arrache souvent ses patchs et rajoute des interdoses pour éviter la survenue d’accès douloureux paroxystiques lors des soins quotidiens. Il opte donc pour la prescription suivante : Skenan LP 100 mg (sulfate de morphine) 3 gélules au lever, Actiskenan (sulfate de morphine) 2 × 20 mg, 15 min avant les soins, 2 fois par jour.

Le calcul du médecin est-il correct ?

Il faut vérifier le calcul en s’aidant de tableaux d’équianalgésie adaptés (voir ci-dessous).

ANALYSE DU CAS

• Le switch entre opioïdes de palier 3 est tout à fait possible puisque ces médicaments ont tous le même profil pharmacologique.

• Ils ont en revanche une puissance très différente : il importe de substituer une posologie par une autre sans perte d’efficacité ou surdose.

• Cette opération est facilitée par l’existence de tables d’équianalgésie.

• Etape 1 : conversion de la dose quotidienne de fentanyl en morphine LP : 150 µg/h de fentanyl équivalent à 360 mg/j de morphine LP per os (voir la ligne grisée dans le tableau ci-dessous).

• Etape 2 : évaluation des interdoses supplémentaires : chacune des interdoses représente 1/10 à 1/6 de la dose journalière totale LP, soit ici 36 à 60 mg (36 = 360/10 et 60 = 360/6). Compte tenu du niveau de douleur exprimé par la patiente lors de sa toilette, le médecin opte pour une interdose de 40 mg de morphine à libération immédiate avant chaque soin.

• Etape 3 : le médecin aurait dû prescrire :

– Morphine à libération prolongée = 360 mg, soit ici : Skenan LP 200 + 100 + 60 mg le matin ;

– Morphine à libération immédiate (Actiskenan) : deux gélules à 20 mg matin et soir avant les soins.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien constate que la prescription n’est donc pas suffisante pour prévenir totalement la douleur basale (300 mg prescrit au lieu de 360 mg). Il prévient le médecin qui modifie l’ordonnance.

CAS N° 11 – PROFILS PARTICULIERS

ne fatigue inexpliquée

Madame B., 41 ans, prend de l’ibuprofène pour traiter la moindre douleur (maux de tête, règles, courbatures, mal de dos…) malgré les recommandations de son pharmacien. Cette patiente est par ailleurs traitée pour un syndrome anxiodépressif et un diabète. Elle se plaint d’être plus fatiguée qu’à l’accoutumée depuis quelques semaines.

Cette plainte peut-elle être mise sur le compte de l’anxiété ?

Sûrement pas ! L’ibuprofène expose à un risque d’insuffisance rénale, notamment chez le sujet diabétique. Cette insuffisance rénale peut se traduire par de la fatigue.

ANALYSE DU CAS

• Les AINS, inhibant la synthèse des prostaglandines, diminuent la perfusion sanguine rénale, le débit de filtration glomérulaire et l’excrétion hydrosodée.

• Ils peuvent être à l’origine d’une insuffisance rénale aiguë avec hyperkaliémie, protéinurie et nécrose tubulaire.

• Ils peuvent aussi précipiter l’évolution d’une insuffisance rénale chronique. Les signes sont alors une élévation de la créatininémie et, avec le temps, des symptômes variés : mictions fréquentes, de volume réduit, parfois douloureuses, œdème des paupières, des jambes et des chevilles, anorexie, mauvais goût dans la bouche, fatigue inexpliquée, somnolence diurne, essoufflement à l’effort, nausées, maux de tête, prurit…

• Les facteurs aggravant le risque rénal sont variés : déshydratation, âge > 75 ans (perte de sensation de soif), masse musculaire réduite, insuffisance rénale modérée et compensée, diabète…

ATTITUDE À ADOPTER

• Les symptômes de Mme B. nécessitent une consultation sans tarder.

• Quelle que soit l’origine de la fatigue, cette patiente diabétique ne doit pas utiliser d’ibuprofène en automédication.

• Une insuffisance rénale impose l’arrêt d’un traitement par AINS : elle est alors généralement réversible même chez le sujet diabétique.

CAS N° 12 – PROFILS PARTICULIERS

Bébé et ibuprofène

Sonia, 19 ans, achète comme souvent une boîte de Nurofen 400 mg (ibuprofène), traitement efficace chez elle. C’est au moment de régler son achat qu’elle explique que le test de grossesse acheté quelques jours auparavant s’est avéré positif.

Le pharmacien peut-il lui dispenser Nurofen ?

Non, Sonia ne doit plus recourir à cet AINS pendant sa grossesse.

ANALYSE DU CAS

• Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes, les AINS augmenteraient légèrement le risque de fausse couche. Par ailleurs, l’inhibition des prostaglandines fœtales et néonatales explique qu’ils soient néphro– et cardiotoxiques pour le fœtus, en particulier à compter du 6e mois de grossesse : constriction du canal artériel, lésions histologiques rénales. Des accidents aigus, voire des décès in utero, ont été rapportés avec des prises très brèves à l’approche du terme. Cette toxicité est majorée par une prise prolongée. Concrètement :

– au-delà de 5 mois de grossesse, des doses d’aspirine ≥ 500 mg sont contre-indiquées ;

– les autres AINS sont contre-indiqués à partir de 24 semaines d’aménorrhée (5 mois de grossesse révolus). Ils doivent être évités, même de façon ponctuelle, auparavant. L’aspirine peut être utilisée de façon ponctuelle pendant les 5 premiers mois de grossesse.

• Pendant une grossesse, quel qu’en soit le terme, il faut privilégier le recours au paracétamol.

ATTITUDE À ADOPTER

• Dans l’attente de la confirmation de la grossesse par un test sanguin, Sonia renoncera à son usage. Si la grossesse est confirmée, et sur avis médical, elle pourra recourir au paracétamol.

CAS N° 13 – PROFILS PARTICULIERS

Compter avec le sel

Monsieur Edmond G., 52 ans est traité, pour une hypertension par du candésartan à 8 mg. Victime de douleurs articulaires et d’une inflammation des genoux liées à des efforts pour aider son fils à agrandir sa maison de vacances, il s’est vu prescrire par un médecin local un AINS : ibuprofène 200 mg (3 cp/j pendant une semaine). Arrivé à la pharmacie, monsieur G. précise qu’il préférerait une forme effervescente.

Le pharmacien peut-il délivrer la forme effervescente ?

Non, elle pourrait contribuer à déséquilibrer la tension de M. G.

ANALYSE DU CAS

• L’effervescence d’un médicament est conditionnée à la présence d’un sel sodique. La quantité de sodium varie selon la spécialité : 204 mg pour Advileff, 370 mg pour Dafalgan effervescent 1 g, 380 mg pour Dafalgan codéine…

• Un apport conséquent de sodium, excipient à effet notoire, peut être problématique chez l’insuffisant cardiaque ou rénal, l’hypertendu, ou en cas d’œdème sévère. La quantité de sodium absorbée ne devrait pas excéder 2,3 g chez l’hypertendu.

• Les AINS, de plus, induisent une rétention hydrosodée qui augmente l’effet péjoratif du sodium. Leur administration chez un sujet hypertendu requiert une attention particulière.

ATTITUDE À ADOPTER

• Une dose quotidienne de trois comprimés d’Advileff, par exemple, apporterait plus de 600 mg de Na+ : M. G. doit en tenir compte dans sa ration journalière en sodium. Il est donc préférable qu’il utilise une présentation sans sodium.

• S’agissant d’un effet antalgique, et compte tenu de la prudence requise sur terrain hypertendu, il serait surtout préférable qu’il s’en tienne à l’usage de paracétamol non effervescent.

CAS N° 14 – PROFILS PARTICULIERS

Rama s’interroge

Depuis sa première grossesse, Rama Z., 24 ans, souffre fréquemment de douleurs lombaires, déclenchées par son travail répétitif. Elle est à nouveau enceinte de deux mois et s’interroge : peut-elle continuer à prendre du tramadol (dosé à 50 mg). Elle en a pris une dose hier mais, inquiète, préfère recueillir l’avis du pharmacien.

Rama a-t-elle eu raison de solliciter le pharmacien ?

Oui, toute prise de médicament, en cas de grossesse, doit être soumise à l’avis préalable d’un professionnel de santé.

ANALYSE DU CAS

• D’après le RCP, le tramadol franchit la barrière placentaire. Des études sur modèle animal, à doses très élevées, montrent qu’il affecte le développement des organes, perturbe l’ossification et retentit sur la mortalité néonatale. Il n’existe pas de données suffisantes pour évaluer la sécurité d’emploi du tramadol pendant la grossesse chez l’espèce humaine.

• L’AMM précise qu’il ne doit pas être utilisé chez la femme enceinte. Toutefois, le CRAT admet une position plus nuancée, faisant du tramadol un palier 2 alternatif en cas d’impossibilité de recours à la codéine et ce quel que soit le terme de la grossesse w Selon le RCP, un usage prolongé pendant la grossesse peut entraîner, comme celui de tout opioïde, un syndrome de sevrage chez le nouveau-né.

ATTITUDE À ADOPTER

La future maman doit proscrire toute automédication antalgique hors avis médical pendant sa grossesse et contacter la médecine du travail pour ses douleurs. Si besoin, elle privilégiera un médicament dont l’innocuité est démontrée à tous les stades de la grossesse : le paracétamol (palier 1) ou la codéine (palier 2). Le pharmacien déconseille donc l’usage du tramadol, mais il rassure la jeune femme : la prise d’une dose la veille est sans conséquence.

CAS N° 15 – PROFILS PARTICULIERS

Tram’addict

Sylvie A. a été longtemps traitée par du paracétamol pour des douleurs scapulaires. Face à la récurrence de ses plaintes, le médecin lui a prescrit du tramadol. Jugeant ce traitement efficace sur sa douleur et son moral, Sylvie en a obtenu plusieurs ordonnances et en consomme aujourd’hui presque 1 g/j. Elle veut rompre ce cercle vicieux et en parle au pharmacien.

Le pharmacien est-il étonné de cette dépendance ?

Non. Le tramadol est connu pour exposer à un risque de dépendance.

ANALYSE DU CAS

• Le tramadol inhibe la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline et exerce une action agoniste sur les récepteurs aux opiacés mu.

• Le potentiel addictif du tramadol et de son métabolite est démontré par des études sur modèle animal. Le risque est pour partie lié au métabolisme.

• Au-delà de l’antalgie, le patient recherche son action euphorisante, stimulante, parfois anxiolytique dont il lui est difficile de se détacher ; l’accoutumance aidant, la dose est augmentée (500 mg à 1 g/j, la dose maximale thérapeutique étant 400 mg/j).

• Il s’agit généralement d’une primodépendance suivant une prescription médicale, plus exceptionnellement d’un usage abusif chez une personne déjà dépendante (opiacés, alcool…) ou d’un déplacement d’une dépendance.

• L’arrêt brutal d’un traitement continu sur 1 à 2 mois induit des signes de sevrage psychiques et somatiques qualitativement analogues à ceux des opiacés.

ATTITUDE À ADOPTER

Un sevrage progressif s’impose et Mme A. doit consulter son médecin, voire un addictologue, car la survenue de signes de sevrage sévères nécessite un accompagnement médicamenteux (clonidine, antidépresseur) et spécialisé (addictologue, psychiatre), comme pour tout sevrage d’opiacé.

CAS N° 16 – PROFILS PARTICULIERS

Un syndrome grippal sous interféron

Jacques G., 34 ans, est traité pour une hépatite C diagnostiquée il y aune semaine. La première injection d’interféron (Viraféronpeg 120 µg, peginterféron alfa-2b, 1 injection SC hebdomadaire) a été suivie de signes grippaux épuisants. Le patient a lu des articles inquiétants sur Internet à propos de la toxicité du paracétamol et hésite à suivre la prescription médicale (1 g × 3/j le jour de l’injection ; 1 g × 2/j le lendemain).

Le paracétamol peut-il être utilisé ?

Oui. Bien que contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatocellulaire, le paracétamol est, en pratique, parfaitement utilisé chez le patient infecté par un virus hépatotrope tel le VHC.

ANALYSE DU CAS

• L’administration d’interféron est à l’origine d’effets indésirables nombreux, parmi lesquels un syndrome pseudo-grippal fatigant : fièvre, courbatures, maux de tête, toux.

• Ces signes cliniques sont limités par la prise de paracétamol, à dose généralement réduite. Il est d’usage de prendre 1 g avant l’injection, puis 1 g/4 heures deux à trois fois par jour.

• La cinétique du paracétamol est modifiée chez l’insuffisant hépatique, mais ce médicament n’est pas toxique à dose usuelle, éventuellement réduite en fonction de la clinique (souvent 2 g/j, sans excéder 4 g/j selon avis médical). La contre-indication « insuffisance hépatocellulaire » mériterait donc d’être nuancée au regard des spécialistes en hépatologie.

• En revanche, une hépatite aiguë contre-indique l’usage du paracétamol, qu’il y ait ou non une insuffisance hépatique associée : même à faible dose, il peut alors être à l’origine d’une hépatite fulminante.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rassure M. G. : celui-ci peut recourir sans problème au paracétamol.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser lors de la délivrance d’un antalgique

AINS ou salicylé

• S’assurer que le patient connaît la dose quotidienne limite (ex. pour l’adulte : aspirine = 3 g ; ibuprofène = 1 200 mg) et qu’un intervalle de 4 à 6 h doit être respecté entre deux prises successives (selon principe actif).

• S’assurer que le patient ne souffre pas de douleurs digestives évocatrices d’un ulcère peptique.

• S’assurer que le patient ne souffre pas d’un syndrome hémorragique ou n’a pas été récemment opéré.

• S’assurer que le patient n’a pas été victime d’une réaction allergique lors de la prise antérieure d’un médicament AINS ou salicylé.

• S’assurer que la patiente n’est pas enceinte (plus de 24 semaines d’aménorrhée).

• S’assurer que le patient ne prend pas un autre AINS et/ou salicylé, y compris « masqué ».

• S’assurer que le patient n’est pas traité par un anticoagulant oral ou une héparine.

• Attention, les signes de surdosage en salicylé sont : bourdonnements d’oreille, sensation de baisse de l’acuité auditive, céphalées, vertiges (réduire la posologie).

Paracétamol

• S’assurer que le patient a compris qu’il ne doit pas dépasser la dose de 4 g/j et qu’un intervalle de 4 h doit être respecté entre deux prises successives.

• S’assurer que le patient n’utilise pas en association un médicament contenant du paracétamol « masqué ».

• Si le patient est traité par antivitamine K et a pris une dose de paracétamol excédant 4 g/j pendant au moins 4 jours, lui conseiller de consulter son médecin pour que l’INR puisse être contrôlé le jour même.

• Attention, les signes évocateurs d’un surdosage (douleurs abdominales, nausées, vomissements, anorexie) doivent constituer des signes d’alerte, notamment chez l’enfant ou le sujet âgé.

Néfopam

S’assurer que le patient ne présente pas un risque accru de rétention urinaire (trouble urétroprostatique).

Opioïdes

• Déconseiller la consommation d’alcool ou la prise de tout médicament sédatif hors prescription médicale.

• S’assurer que le patient a été convenablement informé de la constipation induite par tout traitement opioïde et qu’il bénéficie de conseils hygiénodiététiques adaptés ainsi que d’un traitement symptomatique spécifique (laxatif de lest ou osmotique).

• S’assurer que le patient ou ses proches savent repérer des signes de surdosage : somnolence et/ou confusion mentale, myosis, pauses respiratoires, dyspnée, etc.

• S’assurer que le patient ou ses proches ont compris le mode d’emploi des dispositifs d’administration spécifiques (fentanyl transdermique ou transmuqueux par exemple).

ATTENTION

Diverses précautions doivent être respectées pour prévenir un surdosage après pose d’un patch de fentanyl : tout échauffement local majore le passage transdermique de l’opioïde.

Intoxication au paracétamol

• La cytolyse hépatique résultant d’une intoxication aiguë par le paracétamol est retardée par rapport à la prise. Les premiers troubles sont peu spécifiques : pâleur, anorexie, nausées, vomissements, douleurs abdominales, puis suivent dans les 24-48 h une augmentation des transaminases et de la bilirubinémie puis une hypoprothrombinémie. Cette insuffisance hépatocellulaire se complique généralement d’une acidose lactique et/ou d’une atteinte des tubules rénaux (tubulopathie).

• Les lésions sont maximales vers 72-96 h. L’évolution peut être fatale ou régresser en environ deux semaines lorsque la cytolyse reste partielle. L’évolution en hépatite fulminante est fatale dans 85 % des cas en l’absence de greffe de foie.

• L’intoxication au paracétamol représente 10 % des intoxications aiguës traitées en France ; à l’origine d’une dizaine de décès par an, elle est limitée par un conditionnement ne dépassant pas 8 g/boîte depuis 1982.

• Tout surdosage connu ou suspecté impose l’administration de charbon activé (50 g dans les 2 h) et celle d’un antidote : la N-acétylcystéine (140 mg/kg puis 70 mg/kg toutes les 4 h pendant 72 h), un mucolytique capable de céder, comme le glutathion, des radicaux sulfhydriles (-SH).

ATTENTION

Diverses précautions doivent être respectées pour prévenir un surdosage après pose d’un patch de fentanyl : tout échauffement local majore le passage transdermique de l’opioïde.

Dispositifs spécifiquesd’administration du fentanyl

• Le fentanyl est un antalgique opioïde de palier 3 indiqué dans le traitement des douleurs chroniques comme dans celui des douleurs paroxystiques :

– Douleurs chroniques. Le fentanyl est utilisé sous forme de patchs (Durogesic et génériques) permettant un passage transdermique du médicament. Cette forme expose à un risque de sous-dosage (patch décollé, apposé sur une zone poilue, sudation importante…) ou de surdosage (exposition de la zone à la chaleur, zone lésée…).

– Accès douloureux paroxystiques (ADP) d’origine cancéreuse. Le fentanyl est utilisé sous forme transmuqueuse d’efficacité particulièrement rapide.

– Comprimé avec dispositif pour application buccale (Actiq) : frotter le comprimé contre la face interne de la joue et la face externe des gencives pendant 15 minutes.

– Comprimé sublingual (Abstral) : placé sous la langue, le comprimé est dissous en moins d’une minute.

– Comprimé gingival (Effentora) : le comprimé est placé entre joue et gencive ou sous la langue (dissolution en 10 à 15 minutes, sinon dissolution totale en 30 minutes, avaler le reste avec de l’eau).

– Solution pour pulvérisation nasale (Instanyl, Pecfent) : préférée chez les patients présentant une mucite ou des lésions buccogingivales. L’administration peut ne pas être perçue par le patient : ne pas la réitérer en cas de doute.

• Il n’est pas possible de substituer une spécialité destinée à la voie transmuqueuse par une autre sans veiller à adapter la posologie.

• Le mode d’administration et le site d’absorption déterminent le rapport fraction absorbée par la muqueuse/fraction déglutie (négligeable pour les formes nasales).

À RETENIR

Une hygiène alimentaire stricte et la prescription d’un laxatif doux doivent accompagner systématiquement toute administration d’opioïde à visée antalgique.

À RETENIR

Le paracétamol ne présente pas d’interaction médicamenteuse sauf avec l’imatinib au-delà de 1 g/j et avecles AVK au-delà de 4 g/j 4 jours (voir page 8).

À RETENIR

L’association d’un AINS à dose antalgique à un anticoagulant est déconseillée en raison du risque hémorragique. Elle est contre-indiquée en automédication.

À RETENIR

L’association d’un AINS à de l’aspirine, même à dose antiagrégante, mérite d’être prise en compte : ne pas oublier les présentations contenant de l’aspirine « masquée ».

À RETENIR

En dehors de cas spécifiques, le paracétamol est l’antalgique à privilégier chez le sujet asthmatique.

À RETENIR

La parenté chimique entre opiacés morphiniques invite, en cas d’allergie à l’un d’eux, à ne pas en utiliser un autre sans avis médical.

ATTENTION

L’action antalgique de la codéine est liée à son métabolisme en morphine : une variabilité innée peut expliquer une action insuffisante ou rapidement toxique.

Métabolisme de la codéine : entre inefficacité et toxicité

• Le métabolisme de la codéine diffère suivant les patients, entraînant parfois un risque d’inefficacité ou un risque toxique. Ce risque toxique est accru en cas d’insuffisance respiratoire et chez un patient traité par un (des) médicament (s) inhibant la voie du CYP3A4 (macrolides, dérivés azolés, etc.).

• L’observation d’un risque augmenté chez des enfants traités en postchirurgie par codéine est à l’origine d’une réévaluation de cet antalgique aux Etats-Unis : un très faible nombre de dépressions respiratoires sévères voire mortelles a été rapporté chez des enfants métaboliseurs ultrarapides. En Europe, le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) a initié en octobre 2012 cette même réévaluation.

ATTENTION

Toute modification dans un traitement antalgique de palier 3 mérite vérification : le total des interdoses représente 1/6 à 1/10 de la dose journalière d’opioïdes LP requise pour empêcher la douleur.

À RETENIR

L’exposition aux AINS peut entraîner la décompensation d’une insuffisance rénale, notamment chez le patient diabétique.

À RETENIR

Il faut éviter l’emploi, même ponctuel, des AINS pendant la grossesse avant 5 mois. Après, ils sont contre-indiqués.

À RETENIR

L’usage d’un AINS doit demeurer très prudent chez l’hypertendu. L’apport sodique d’une forme effervescente doit être pris en compte dans la ration journalière de sodium.

À RETENIR

La codéine est l’antalgique de palier 2 dont l’administration doit être privilégiée pendant la grossesse.

À RETENIR

Le tramadol, un antalgique banalement prescrit depuis le retrait du dextropropo-xyphène, expose à un risque de mésusage qui ne doit pas être négligé.

À RETENIR

L’usage du paracétamol à dose modérée est habituel pour traiter le syndrome grippal iatrogène induit par un interféron, même chez le patient présentant une hépatite virale, sauf s’il s’agit d’une hépatite aiguë ou sévère.