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L’officine, laboratoire de la généralisation de la complémentaire santé

Publié le 13 avril 2013
Par Caroline Coq-Chodorge
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La nouvelle loi de sécurisation de l’emploi va généraliser la complémentaire santé pour tous les salariés. L’officine est pionnière en la matière.

L’Assemblée nationale a adopté, le 4 avril, l’article 1er du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Il prévoit la généralisation à tous les salariés de la complémentaire santé. Si le Sénat valide à son tour cet article en l’état, les pharmaciens vont assister à une valse des contrats dans leur clientèle : d’ici au 1er janvier 2016, tous les salariés devront être couverts pour leurs frais de santé par leur entreprise. Aujourd’hui, seuls 65 % des salariés le sont.

Un accord généreux qui va au-delà du projet de loi

Du côté des salariés des pharmacies en revanche, pas de changement majeur, puisque la branche professionnelle couvre déjà ses 140 000 salariés en prévoyance et en santé. « Cette branche a été l’une des pionnières : l’accord sur la prévoyance et les frais de santé remonte à 1969 pour les non-cadres », rappelle Pierre Cellot, directeur du développement de Klesia, groupe d’institutions paritaires, qui compte parmi ses membres l’Institution de prévoyance du groupe Mornay. Celui-ci a été désigné, en 2011, pour assurer les garanties « prévoyance et frais de santé » des salariés des pharmacies d’officine.

Pionnières, les officines constituent donc un « laboratoire de la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise », poursuit Pierre Cellot. En effet, cette généralisation va surtout concerner de très petites entreprises – à l’image des pharmacies d’officine – inquiètes du coût de cette nouvelle obligation sociale. Philippe Denry, président de la Commission des relations sociales et de la formation professionnelle de la FSPF, assure que « l’intérêt de cet accord n’est jamais remis en question ». L’employeur se montre généreux, puisqu’il prend à sa charge environ les deux tiers des cotisations. La branche va donc au-delà du projet de loi, qui prévoit d’imposer une prise en charge à 50 % par l’employeur.

La portabilité des droits modifiée

Les pharmacies assurent aussi un haut niveau de solidarité puisque les retraités n’ont pas été exclus de l’accord de branche : 8 800 retraités continuent à bénéficier du contrat collectif. « Cette possibilité est mal connue », regrette Philippe Denry. Mais elle peut, là encore, être matière à réflexion. L’une des principales craintes soulevée par la généralisation de la complémentaire santé des salariés est en effet que cette solidarité entre actifs se fasse au détriment des inactifs, au premier rang desquels les retraités, qui pourraient voir leurs cotisations augmenter.

Toujours en matière de solidarité, un seul aspect de l’article 1er de la loi va avoir des conséquences pour les pharmacies d’officine : la portabilité des droits à la complémentaire santé doit passer de 9 à 12 mois. Autrement dit, à la fin d’un contrat de travail, non consécutif à une faute lourde, le salarié pourra conserver son contrat de santé pendant 1 an.

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Des assureurs mis en concurrence

Un autre sujet de vifs débats autour de cet article 1er tient aux conditions de la mise en concurrence entre assureurs. Là encore, la pharmacie a servi de terrain d’expérimentation. En 2011, les partenaires sociaux de la branche pharmacie ont procédé à un appel d’offres à l’issue duquel ils ont désigné par un accord majoritaire l’Institution de prévoyance du groupe Mornay comme assureur des régimes prévoyance et frais de santé des cadres des pharmacies. Mais l’accord a été contesté en justice par la CFDT, qui critique les conditions de cette mise en concurrence. Cette procédure n’est pas une exception, car les conditions de la désignation par les partenaires sociaux de l’assureur d’un contrat collectif de branche souffre de fragilités juridiques. « La future loi doit apporter des éclaircissements, estime Pierre Fernandez, directeur général de la FSPF.Si l’appel d’offres va dans le sens des évolutions actuelles, nous n’avions pas mesuré à quel point c’est une procédure lourde ». Pierre Cellot regrette, de son côté, que ces péripéties judiciaires aient fait « prendre du retard à la branche, qui bénéficiait pourtant d’une antériorité. Les garanties sont en attente d’amélioration. L’innovation est à poursuivre, notamment en matière de prévention. »