Pathologies Réservé aux abonnés

Hormones antéhypophysaires

Publié le 6 juillet 2013
Par Denis Richard
Mettre en favori

De nombreux médicaments pallient une dysfonction de l’antéhypophyse. D’autres sont à l’origine de réactions iatrogènes impliquant cette glande.

Qu’est-ce que l’hypophyse ?

Située dans le cerveau, l’hypophyse est une glande endocrine de la taille d’un pois, pesant environ 500 mg, connectée à l’hypothalamus par la tige pituitaire. Elle est divisée en deux lobes :

– L’antéhypophyse (= adénohypophyse) synthétise sept hormones sous le contrôle de l’hypothalamus, qui la stimule grâce à des facteurs de libération ;

– La posthypophyse (= neurohypophyse) est constituée de prolongements de neurones hypothalamiques qui y stockent l’ocytocine et la vasopressine (hormone antidiurétique ou ADH), moins fréquemment impliquées dans des troubles endocriniens.

Le diagnostic de dysfonction antéhypophysaire est souvent porté à l’occasion d’une exploration chez un patient présentant des signes cliniques et biologiques suggérant une hypersécrétion hypophysaire (acromégalie…), une insuffisance hypophysaire (hypogonadisme, insuffisance surrénale…) ou un adénome comprimant les tissus voisins (induisant céphalées et troubles visuels).

Quelle est l’origine d’une insuffisance hypophysaire ?

Elle résulte, indirectement, d’une atteinte hypothalamique (traumatisme, radiothérapie, encéphalite…) ou, directement, d’une atteinte hypophysaire (tumeur, anorexie…). La multiplicité des hormones hypophysaires explique que l’insuffisance hypophysaire se traduise par des présentations cliniques diverses :

– l’insuffisance hypophysaire aiguë induit une insuffisance corticosurrénale aiguë constituant une urgence thérapeutique (corticothérapie + traitement du choc) ;

Publicité

– une insuffisance chronique relève d’une hormonothérapie substitutive remplaçant les hormones dont la production est diminuée (corticoïdes, thyroxine…). La destruction d’un adénome (tumeur) non sécrétant mais inhibant la production de certaines des hormones hypophysaires peut être envisagée.

Et d’une hypersécrétion hypophysaire ?

Elle a généralement pour origine le développement d’un adénome. L’adénome peut être monosécrétant, « mixte » (souvent une sécrétion d’hormone de croissance et de prolactine) ou non sécrétant. En comprimant l’hypophyse saine, un adénome (même non sécrétant) peut entraîner une insuffisance hypophysaire en une ou plusieurs autres hormones.

Quelles sont les hormones antéhypophysaires ?

• L’hormone corticotrope (ACTH) stimule la sécrétion des hormones corticosurrénales (glucocorticoïdes, androgènes et estrogènes, aldostérone).

• Un déficit de sécrétion induit une insuffisance surrénale, n’affectant pas la production d’aldostérone par les surrénales (sous la dépendance, elle, du système rénine-angiotensine), avec asthénie, pâleur, amaigrissement, hypotension, perte de la pilosité, traitée par de l’hydrocortisone.

• Inversement, un excès induit une maladie de Cushing, avec obésité de la partie supérieure du corps, visage bouffi, signes cutanés, hirsutisme, troubles psychiques. Le pasiréotide (Signifor) est indiqué dans la maladie de Cushing : cet agoniste de la somatotropine réduit en effet la sécrétion d’ACTH (les adénomes hypophysaires sécrétant de l’ACTH expriment les récepteurs de la somatostatine).

• La thyréostimuline ou thyréotropine (TSH) régule et stimule la sécrétion des hormones thyroïdiennes.

• L’hypersécrétion, très rare, induit une hyperthyroïdie avec excitation, thermophobie, troubles du sommeil, tachycardie, diarrhées, tremblement des extrémités… Les adénomes thyréotropes répondent aux analogues de la somatostatine hypothalamique qui inhibent la libération de thyréostimuline : lanréotide (Somatuline) et octréotide (Sandostatine, Siroctid).

• Une sécrétion insuffisante induit, elle, une hypothyroïdie secondaire avec apathie, lenteur, frilosité, dépilation. Le traitement repose alors sur l’administration d’hormones thyroïdiennes.

• La somatotropine ou somatropine (GH = growth hormone) stimule la croissance cellulaire.

• Produite en excès dès l’enfance, elle entraîne un gigantisme. Chez l’adulte, cet excès induit une acromégalie avec sueurs, céphalées, macroglossie (épaississement de la langue), convexité anormale de la colonne vertébrale (cyphose), diabète, organomégalie, hypertension, et un syndrome dysmorphique par infiltration des tissus mous (gonflement des extrémités, épaississement des traits du visage, prognathisme). Le traitement repose sur l’administration :

– d’analogues recombinants de la somatostatine hypothalamique : octréotide (Sandostatine, Siroctid) et lanréotide (Somatuline) qui inhibent la sécrétion de GH (ainsi que celle de TSH) ;

– de pegvisomant (Somavert SC), un antagoniste de la somatotropine.

• Un déficit entraîne asthénie, fonte musculaire et, surtout, déficit staturopondéral voire nanisme. Son traitement repose sur l’administration :

– de somatotropine recombinante (Norditropine, Nutropinaq, Omnitrope, Saizen, Umatrope), qui stimule la croissance osseuse et somatique, augmente la masse maigre et réduit la masse grasse ;

– de mécasermine (Increlex), un facteur de croissance recombinant analogue à l’IgF-1 dont la libération est induite par la somatropine.

• La prolactine (PRL) a un tropisme pour la glande mammaire et un effet lactogénique et prolibidinal. Sa libération est inhibée par la dopamine hypothalamique.

– L’hyperprolactinémie a pour origine un adénome hypophysaire, une lésion de la connexion entre l’hypothalamus et l’hypophyse empêchant le contrôle inhibiteur de la dopamine, la prise de médicaments ou la grossesse. Elle se traduit par des nausées, une baisse de la libido, une galactorrhée, une aménorrhée, une ostéoporose.

Lisuride (Arolac, Dopergine), cabergoline (Dostinex), quinagolide (Norprolac) et bromocriptine (Parlodel), des agonistes dopaminergiques D2 d’action centrale, freinent la sécrétion de prolactine et réduisent l’hyperprolactinémie. Ils sont indiqués pour inhiber la montée de lait (Arolac, Norprolac) ou pour réduire les signes cliniques d’hyperprolactinémie (Arolac, Dostinex, Norprolac, Parlodel).

• L’hypoprolactinémie, plus rare, induit des signes cliniques insidieux : baisse de la libido, dépression, prise de poids, asthénie. Elle a souvent une origine iatrogène (voir encadré ci-dessous).

• Les hormones gonadotropes (sexuelles), lutéinisantes (LH) et folliculostimulante (FSH) contrôlent la spermatogenèse et la folliculogenèse. Leur synthèse et leur libération sont stimulées par la gonadolibérine (LH-RH ou Gn-RH) hypothalamique. Un déficit induit réduction de la libido, dysfonction érectile, oligoménorrhée, aménorrhée, gynécomastie.

• La gonadoréline (Lutrelef) et la nafaréline (Synarel), entre autres, des analogues de synthèse de la Gn-RH stimulant la sécrétion gonadotrope, sont indiquées dans la stérilité par anovulation d’origine hypothalamique.

• La leuproréline (Enantone), également analogue de synthèse de la Gn-RH, entraîne, après une stimulation initiale, une réduction de la sécrétion gonadotrope. Supprimant la fonction testiculaire ou entraînant une atrophie endométriale, elle est indiquée dans les cancers hormonodépendants (prostate, sein), le fibrome, l’endométriose et la puberté précoce. La triptoréline (Décapeptyl, Gonapeptyl) a les mêmes indications. Citons aussi la buséréline (Suprefact : traitement du cancer de la prostate et préparation à l’induction de l’ovulation ; Bigonist : traitement du cancer de la prostate) et la goséréline (Zoladex : traitement du cancer de la prostate ou du sein).

• La triptoréline (Salvacyl) a une indication plus particulière : la réduction de la testostéronémie chez le patient déviant sexuel.

• Le dégarélix (Firmagon), antagoniste des récepteurs hypophysaires de la Gn-RH hypothalamique inhibant la sécrétion des gonadotrophines, est indiqué dans le cancer de la prostate.

• La mélanocortine ou mélanotropine (MSH = melanocyte-stimulating hormone) stimule la production de mélanine en réponse aux UVA et exerce des actions métaboliques. Il n’y a pas de cible thérapeutique commercialisée en rapport avec cette hormone.

Sources : Collège des enseignants d’endocrinologie (2011), Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, coll. « Abrégés » Masson ; Falorni A. (2007), « Pharmacological causes of hyperprolactinemia », Therapeutics and Clinical Risk Management, 3(5), pp.929-951. Kamenicky P., Chanson P. (2012), « Hyperprolactinémie », Entretiens de Bichat.

PROLACTINÉMIE IATROGÈNE

De nombreux médicaments agissent sur la prolactinémie : cet effet peut être indésirable ou, au contraire, recherché au plan thérapeutique.

• Hyperprolactinémie. L’hypersécrétion de prolactine résulte généralement de la prise de médicaments inhibant l’action de la dopamine, inhibitrice de la sécrétion de prolactine dans l’hypophyse :

– antagonisme dopaminergique : antipsychotiques et antiémétiques antagonistes dopaminergiques (alizapride, dompéridone, métoclopramide), opiacés à forte dose, buspirone, alprazolam…

– inhibition de la recapture de la sérotonine (médiateur stimulant la production de prolactine) : divers antidépresseurs (à des degrés variables) ;

– stimulation directe de la production de prolactine : œstrogènes à forte dose.

– déplétion hypothalamique en dopamine : alphaméthyldopa, carbidopa, vérapamil, opiacés, cimétidine…

L’hyperprolactinémie iatrogène induit notamment une gynécomastie chez l’homme, et une galactorrhée (rarissime chez l’homme). Elle est traitée par l’arrêt du médicament incriminé ou la réduction de sa posologie.

• Hypoprolactinémie. Bien plus rare, elle peut elle aussi avoir une étiologie iatrogène. La sécrétion de prolactine est inhibée par :

– la dopamine et les dopamimétiques tels que la lévodopa,

– les agonistes dopaminergiques D2 (bromocriptine, lisuride, cabergoline, quinagolide).