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MAINMISE DE L’ÉTAT SUR LES RETRAITES DES LIBÉRAUX
Dans son projet de loi sur la réforme des retraites, le gouvernement prévoit de prendre en main la gouvernance et la gestion des caisses de retraite des professionnels libéraux. Ce qui lui permettrait de puiser dans les réserves constituées par ces dernières. Une mesure inacceptable pour les libéraux. Dont font partie les pharmaciens.
Depuis une semaine, c’est l’émoi chez les professionnels libéraux. La raison ? L’article 32 du projet de loi sur la réforme des retraites. Ajouté au dernier moment, sans concertation, au motif de rendre plus efficiente la gestion des régimes de retraite de base et complémentaires des professions libérales, il prévoit en effet la nomination du directeur de la CNAVPL (Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales) par décret pour une durée de 6 ans. Mais aussi la signature d’un contrat pluriannuel et de contrats de gestion. Des dispositions inacceptables pour la CNAVPL et l’UNAPL (Union nationale des professions libérales). « L’article 32 implique la disparition de l’autonomie des caisses libérales. Nous sommes tous élus et cette autonomie a permis de gérer ces caisses depuis 1949 et d’avoir aujourd’hui des réserves qui permettront de verser des droits jusqu’en 2040 », déclare Bernard Lagneau, vice-président de la CNAVPL et président de la CAVP (Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens). « Cela donne à l’Etat un pouvoir exorbitant sur les retraites des professions libérales, mettant en péril les spécificités de chaque profession, car on ne peut pas traiter par exemple les architectes comme les médecins », s’insurge Michel Chassang, président de l’UNAPL.
La mise en œuvre de contrats de gestion suscite aussi de grandes inquiétudes. « Le Régime social des indépendants [RSI] a été créé par l’Etat, par la fusion de trois organismes. Il a été qualifié de “catastrophe industrielle” par le rapport de la Cour des comptes de septembre 2012, explique Bernard Lagneau. Le taux de recouvrement des caisses, à l’époque autonomes et aujourd’hui gérées par le RSI, qui était de 96 à 98 % avant la réforme, est tombé à 77,14 %. Celui de la CNAVPL, hors la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse, est de l’ordre de 98 % et celui de la CAVP de 99,38 %. Si l’Etat reprend les caisses libérales, cela sera un fiasco et nous ne le voulons pas. Dans cinq ans, le taux de recouvrement pourrait être de 75 % ! » Effectivement, dans son rapport sur le RSI, la Cour des comptes écrit : « Le RSI est aujourd’hui moins efficace et plus coûteux que les anciens régimes qu’il a remplacés. » Quant aux frais de fonctionnement, ils s’élèvent à 6 % pour le RSI et à moins de 1 % pour la CAVP.
Des réserves qui suscitent la convoitise
La deuxième crainte des professionnels libéraux est que l’Etat fasse main basse sur les réserves de leurs caisses de retraite. Les réserves s’élèvent au total à 15 milliards d’euros. Une manne non négligeable. La mutualisation des caisses permettrait de puiser dans ces réserves. « Le danger, c’est à terme une réunification de toutes les caisses de retraite », commente Michel Chassang. L’Etat pourrait aussi envisager d’augmenter la compensation nationale à laquelle participent les caisses des professions libérales. « En 2009, nous y participions à hauteur de 465 millions d’euros. En 2012, ce montant s’est élevé à 710 millions d’euros à cause des 200 000 auto-entrepreneurs, détaille Bernard Lagneau. Si la compensation nationale augmente encore, le régime de base siphonnera les régimes complémentaires. »
La CNAVPL a écrit à l’ensemble des parlementaires et adressé un mail aux professionnels libéraux pour les alerter. L’UNAPL a, de son côté, demandé à rencontrer des membres du gouvernement. « Nous avons été reçus deux fois cet été par le cabinet du Premier ministre et celui de Marisol Touraine, et nous avions fait des propositions pour améliorer la gouvernance et la gestion. Nous sommes prêts à discuter », commente Bernard Lagneau. « On va essayer de trouver une solution pour éviter le pire », déclare de son côté Michel Chassang.
Le projet de loi va être présenté au prochain Conseil des ministres le 18 septembre. S’il est adopté sans modification, il sera alors transmis à l’Assemblée nationale. Pour Bernard Lagneau, « le mal sera fait ». « Le conflit s’ouvrira avec chaque profession libérale »,prédit Michel Chassang.
REPÈRES
• Affiliation obligatoire à la CAVP pour les pharmaciens libéraux.
• 32 435 pharmaciens cotisants dont 88,7 % d’officinaux et 11,3 % de biologistes (au 31/12/2012).
• 24 786 allocataires dont 18 649 retraités de droits directs et 6 137 ayants droit (au 31/12/2012).
• 64,10 ans : âge moyen de départ à la retraite.
• 3 RÉGIMES POUR LES OFFICINAUX :
– le régime vieillesse de base, géré par la CNAVPL, fondé sur l’acquisition de points ;
– le régime complémentaire obligatoire géré par la CAVP, qui comporte une part par répartition (les droits dépendent du nombre d’annuités cotisées) et une part par capitalisation.
• COTISATIONS EN 2013 :
– régime de base : 4 128 € sur la base d’un revenu annuel de 90 000 € ;
– régime complémentaire : 5 100 € sur la base d’un revenu annuel de 90 000 €.
Ce qui représente 12,5 % des revenus d’un pharmacien non biologiste.
Source : CAVP.
Une remise en cause de la gestion des caisses
Pour rédiger l’article 32, le gouvernement aurait pris, selon l’UNAPL et la CNAVPL, prétexte de rapports de l’IGAS sur les caisses de retraite des professionnels libéraux mettant en cause leur gestion. Ces rapports n’ont pas été rendus publics. Dans le second, d’avril 2013, la CAVP est cependant épargnée. « Il y a eu effectivement quelques problèmes de gestion dans certaines caisses, reconnaît Michel Chassang, président de l’UNAPL. Mais, pour les résoudre, le gouvernement a sorti le bazooka, alors que nous sommes prêts à voir avec lui ce qui ne va pas et comment l’améliorer. » « Faire un rapport à charge, inquiéter les assurés en discréditant la gestion des caisses libérales et faire passer l’Etat pour le sauveur des régimes de retraite est un procédé qui a été utilisé, selon un cabinet d’actuariat parisien, en Hongrie, au Royaume-Uni et en Irlande, et il n’est pas question que ce procédé soit appliqué aux libéraux français », explique Bernard Lagneau, président de la CAVP.
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