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Des arguments peu probants
Les arguments pour ou contre la sortie des tests de grossesse et d’ovulation du monopole sont bien minces face à un gouvernement prêt à tout pour augmenter le pouvoir d’achat. Le vote de la loi relative à la consommation est attendu d’ici la fin d’année.
La mesure semble sortir de derrière les fagots. L’article 17 quater du projet de loi relatif à la consommation propose de sortir les tests de grossesse et d’ovulation du monopole officinal et pharmaceutique. Si la loi est votée en l’état avant la fin de l’année, les grandes surfaces, la supérette du coin ou une station-service pourront vendre ces dispositifs d’autodiagnostic (voir encadré). Malgré les protestations de la profession, les dés semblent jetés.
De l’or en barre pour le pouvoir d’achat
La sénatrice PS Patricia Schillinger à l’origine de l’amendement soutient sur son site que le « monopole a pour effet de maintenir les prix de vente aux consommateurs à des niveaux anormalement hauts ». Ce marché représente 4,7 millions d’unités en volume et 36,7 millions d’euros en valeur (chiffres IMS, juillet 2013) pour les tests de grossesse. Soit environ 1 600 € annuels par pharmacie. Entre 6 et 15 € dans les officines physiques, les prix sont plus alléchants sur le Web. « Sur universpharmacie.fr, nous sommes à 1,79 € », pointe Daniel Buchinger, président du groupement Univers pharmacie et de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Du côté des consommateurs, la demande d’ouverture du monopole rend perplexe. « On ne sautera pas au plafond si la mesure passe », indique Mathieu Escot, en charge des produits de santé à UFC-Que choisir. Pourquoi prendre la question du monopole par le seul petit bout des tests de grossesse ? Cela n’a pas de sens. Rendre du pouvoir d’achat passe par une libéralisation encadrée sous contrôle du pharmacien sur l’automédication et les produits frontières. »
Les pharmaciens ont été ignorés
Voté par le Sénat en première lecture en septembre, l’amendement de la sénatrice devra permettre de « faciliter l’accès [de ces tests] car ils seront commercialisés dans tous les circuits de distribution ». Logique pour Daniel Buchinger, qui ajoute, « mais nous y sommes opposés. Nous passons au-dessus de ces considérations économiques. Nous, nous parlons de santé publique ». Beaucoup de pharmaciens interrogés, ainsi que le Planning familial reconnaissent que, dans plus de 90 % des cas, il n’y a pas de demande particulière de la part des femmes, mais que quelques situations requièrent l’intervention d’un professionnel de santé. « Il faut être présent pour les ventes ponctuelles à problèmes », avance le président de l’UDGPO. Une suspicion de grossesse extra-utérine, un mésusage du test comme moyen de contraception, pour Alain Delgutte, président de la section ? A de l’ordre des pharmaciens, « la vente d’un test est souvent l’occasion de nouer un dialogue, surtout avec les jeunes filles, sur la contraception et la sexualité ». Il n’est pas rare que ce titulaire fasse des petits schémas pour expliquer un cycle et oriente au besoin vers un médecin ou un centre de planning familial. « À titre personnel, je pense que la vente des tests de grossesse par un professionnel de santé peut se justifier, poursuit Alain Delgutte. On est en train de tout sacrifier sur l’autel du prix pas cher ».
La révolte s’organise
Le gouvernement n’a pas sollicité, ni interrogé l’Ordre quant à la pertinence de cette mesure. Certains pharmaciens tentent de minimiser ce que Philippe Gaertner, président du syndicat FSPF, appelle « la perte de chance pour la patiente que représente la vente anonymisée en grande surface. » L’UDGPO propose d’accompagner cette vente en supermarché « avec les mêmes garde-fous que dans les officines, à savoir un pharmacien ou un préparateur pour la délivrance » et demande que « des inspecteurs des autorités régionales de santé contrôlent ces délivrances en grande distribution ». Une idée « totalement ubuesque » pour Frédéric Boël, président du Syndicat des pharmaciens inspecteurs de santé publique (SPHISP). Nous sommes 210 inspecteurs dont 136 dans les ARS, ce qui représente environ 40 personnes en temps effectif affectées à l’inspection-contrôle. Il ne faut pas espérer sécuriser la vente de ces dispositifs en dehors des pharmacies grâce aux pharmaciens inspecteurs ». Même si la loi le leur permettait.
Une méconnaissance patente
La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, souhaite « que cette mesure soit accompagnée de la diffusion dans les notices et sur les boîtes de messages d’information ». Selon la directive européenne 98/79/CE, les dispositifs destinés à l’autodiagnostic doivent répondre à des exigences essentielles et la notice est détaillée en annexe de la directive. « La France ne pourrait pas imposer une notice particulière. Elle peut par principe en fonction de la situation faire des recommandations ou rechercher à faire modifier la directive », explique Nicolas Thévenet, responsable de la Direction des dispositifs médicaux de diagnostics et des plateaux techniques de l’ANSM.
Même si aujourd’hui la législation interdit à tout distributeur autre que les pharmaciens d’officine de vendre ces tests, certains commerces font fi du monopole depuis longtemps. Il suffit d’aller sur le Net…
Les tests de grossesse et d’ovulation
→ Ce sont des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV), de la catégorie des dispositifs dédiés aux autodiagnostics, c’est-à-dire destinés à pouvoir être utilisés par des profanes dans un environnement domestique.
→ Leur mise sur le marché nécessite le marquage CE, témoin de la conformité aux exigences de santé et de sécurité exigées par la directive européenne 98/79/CE.
→ Ils font partie du monopole pharmaceutique (= dispensation par un pharmacien) et officinal (= vente dans les officines), selon l’article L4111-1 du CSP.
→ La notice doit être explicite, avec des conseils sur les mesures à prendre selon les résultats.
→ La publicité grand public est autorisée par l’ANSM. La surveillance de ces dispositifs médicaux se fait par la réactovigilance.
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