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L’anévrisme de l’aorte abdominale

Publié le 26 octobre 2013
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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C’EST QUOI ?

Définition

→ L’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) est une dilatation permanente d’un segment de l’aorte dans sa portion abdominale, correspondant à une hausse de plus de 50 % du diamètre de l’artère (normalement entre 16 et 22 mm) avec disparition du parallélisme de sa paroi.

→ Le plus souvent, la dilatation se situe entre le départ des artères rénales et la bifurcation en artères iliaques (voir infographie). Dans 80 % des cas, elle se présente sous la forme d’un fuseau (anévrisme fusiforme), plus rarement sous la forme d’un sac (anévrisme sacciforme). L’anévrisme peut se prolonger sur les artères iliaques – on parle alors d’anévrisme aorto-iliaque – et/ou être associé à des anévrismes fémoraux et poplités.

À noter : il existe des anévrismes, plus rares, sur le segment thoracique de l’aorte.

Prévalence

Elle est évaluée à 0,5 % en population générale à 60 ans, mais elle augmente avec l’âge (5 % à 75 ans) et en cas de facteurs de risque associés.

Origine

L’anévrisme fait suite à des lésions des différentes tuniques de la paroi vasculaire dont l’origine reste mal connue. Dans plus de 90 % des cas, elles seraient liées à un phénomène d’athérosclérose mais, beaucoup plus rarement, des affections inflammatoires ou des infections locales sont mises en cause. L’existence de cas familiaux peut suggérer l’existence d’une composante génétique.

ÉVOLUTION À HAUT RISQUE

Distension progressive

L’anévrisme constitué va inexorablement se distendre, c’est mécanique ! Il s’exerce sur l’artère une force de distension liée à la pression intravasculaire (loi de Laplace). Elle se calcule ainsi :

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Force de distension = pression artérielle x rayon du vaisseau.

Plus l’artère est distendue, plus le rayon augmente ; plus le rayon augmente, plus la force de distension augmente…, c’est un cercle vicieux. Si la vitesse de croissance de l’anévrisme est parfois imprévisible (certains restent quiescents durant des années), elle est généralement corrélée au diamètre de l’aorte. D’abord lente – en moyenne 5 mm par an – quand le diamètre est inférieur à 40 mm, elle s’accélère – 7,5 mm par an, voire plus – à partir de 50 mm.

Graves complications

→ Rupture aortique : lorsque la force de distension est supérieure à la force de cohésion des fibres de la paroi vasculaire, l’artère se rompt. La rupture aortique, principale complication de l’AAA, est liée à une forte mortalité ; 80 % des patients décèdent avant hospitalisation ou en péri-opératoire. Le risque de rupture est corrélé au diamètre de la dilatation ; 3 à 15 % de rupture annuelle à partir de 50-60 mm, et plus au-delà.

→ Ischémie : la migration d’un caillot sanguin de l’anévrisme ou embolie peut être à l’origine d’une ischémie des membres inférieurs, avec risque de gangrène et d’amputation.

SIGNES CLINIQUES

Dans la grande majorité des cas, l’AAA non rompu est asymptomatique et découvert fortuitement lors d’un examen abdominal (échographie, scanner…).

Parfois, notamment en cas de rupture proche, le patient peut ressentir des douleurs abdominales, dorso-lombaires ou pelviennes, atypiques et sourdes, et/ou présenter des œdèmes des membres inférieurs en raison de la compression veineuse de l’anévrisme.

FACTEURS DE RISQUE

Ils sont bien identifiés :

→ l’âge supérieur à 65 ans ;

→ le sexe : l’homme est cinq à dix fois plus concerné que la femme, mais fréquence accrue chez la femme fumeuse âgée de plus de 65 ans et hypertendue ;

→ les antécédents familiaux proches (parents, frères et sœurs) ;

→ le tabagisme actif (6 à 7 fois plus de risques) ou passé (1,5 à 3,5 fois plus de risques). C’est le facteur de risque numéro un : 85 % des patients porteurs d’un anévrisme fument ;

→ les autres facteurs de risque cardio-vasculaires et athéromateux, notamment l’hypertension artérielle.

DÉTECTION

Diagnostic

Le diagnostic de l’anévrisme de l’aorte abdominale s’effectue par une simple échographie-Doppler qui mesure le diamètre antéro-postérieur de l’aorte et recherche d’éventuels anévrismes associés (iliaques, fémoraux, poplités). Avant une intervention chirurgicale, le scanner et/ou l’IRM permet éventuellement de préciser les caractères anatomiques de l’anévrisme.

Dépistage

En France, la Haute autorité de santé (HAS) recommande un dépistage ciblé opportuniste unique (proposé qu’une seule fois) chez les hommes âgés entre 65 et 75 ans affichant un tabagisme chronique actuel ou passé et ceux, entre 50 et 75 ans, qui présentent des antécédents familiaux. La Société française de médecine vasculaire (SFMV) le conseille de plus chez les femmes fumeuses et/ou hypertendues entre 60 et 75 ans. Chaque année, une journée de dépistage gratuit est organisée en France (voir actualité page 10, opération Vesale).

PRISE EN CHARGE

Approche globale

Elle vise à réduire les facteurs de risque et à ralentir l’évolution de l’anévrisme non rompu, quel que soit son diamètre. Elle consiste à :

– arrêter définitivement le tabac ;

– corriger les autres facteurs de risque cardio-vasculaires : excès de cholestérol, hypertension artérielle, diabète et surcharge pondérale.

Un traitement médical destiné à lutter contre le surrisque cardio-vasculaire peut être mis en place ; il associe classiquement un anti-agrégant plaquettaire, un IEC, un hypolipémiant type statine. Il faut noter que 80 % des patients présentant un anévrisme ne décèdent pas de leur anévrisme, mais d’une atteinte cardio-vasculaire ou du cancer du fumeur.

Approche ciblée

Elle dépend du diamètre de l’AAA.

→ Diamètre inférieur à 50 mm. L’évolution de l’anévrisme est surveillée par échographie selon un rythme guidé par son diamètre : tous les un à trois ans entre 30 et 40 mm de diamètre, tous les ans entre 40 et 45 mm et tous les semestres au-delà de 45 mm.

→ Diamètre égal ou supérieur à 50 mm et/ou si son évolution est rapide (> 10 mm par an). Un traitement curatif est envisagé après concertation médico-chirurgicale. Deux options sont possibles (voir encadré ci-dessus) :

– le traitement chirurgical : c’est le traitement de référence. Après laparotomie (ventre ouvert), il s’agit d’ouvrir l’anévrisme et de remplacer la partie de l’aorte endommagée par une prothèse tubulaire synthétique ;

– le traitement endovasculaire consiste à implanter une endoprothèse dans l’anévrisme, créant ainsi une nouvelle voie de passage renforcée pour le sang. Elle ne nécessite pas de laparotomie. L’endoprothèse est introduite par l’intermédiaire d’un cathéter de pose, via une artère fémorale, et guidée jusqu’à l’AAA par imagerie médicale. Cette technique est limitée par la présence de tortuosités ou de sténoses iliaques sur le chemin du cathéter.

À savoir : la mortalité du traitement chirurgical des anévrismes non rompus est inférieure à 4 %.

À la rupture

Lorsque le patient ne décède pas subitement suite à la rupture ou lors de son transfert par le Samu, sa prise en charge chirurgicale est une urgence absolue. Néanmoins, la mortalité du traitement chirurgical des anévrismes rompus reste très élevée (44,5 %), liée soit à l’intervention elle-même, soit aux conséquences de l’hémorragie lors de la rupture.

Avec la participation de Jean-Pierre Laroche, médecin vasculaire, Avignon (84) et Montpellier (34), vice-président du Collège français de pathologie vasculaire (CFPV) et responsable de la communication de la Société française de médecine vasculaire (SFMV).