Après la DGCCRF, les juges !
Un climat délétère règne dans la profession depuis les récents contrôles réalisés par la DGCCRF. D’autant que certains dossiers sont aujourd’hui portés au pénal pour infraction à la réglementation sur les remises.
Les enquêteurs débarquent à l’officine, font un relevé des prix d’achat et recalculent à partir des factures fournisseurs les prix de vente qui devraient être pratiqués selon l’appréciation de la DGCCRF. Puis ils proposent à l’officinal de signer le procès verbal qui s’ensuit. Cette scène s’est répétée ces derniers mois dans nombre d’officines françaises. « Au début c’est presque rigolo ! », raconte un pharmacien du Chesnay ayant subi un contrôle et mis en cause pour des prix de vente « anormaux » sur des génériques (jouant sur une différence d’un peu plus de un franc sur des boîtes de metformine, lopéramide et ranitidine). « C’était surtout aberrant : quand les enquêteurs commencent par vous demander comment on fabrique la vignette et comment sont fixés les prix ! … Mais au bout d’un moment, l’affaire prend des proportions tellement délirantes que vous vous demandez comment vous allez vous en sortir. »
Ces contrôles sont parfois sans suite, comme au Chesnay où l’administration a constaté les infractions mais n’a pas transmis le dossier au parquet, ce « à titre exceptionnel » ; ou bien les procès-verbaux aboutissent à une plainte auprès du tribunal de grande instance. C’est le cas par exemple dans les Bouches-du-Rhône où deux officinaux vont se retrouver devant le juge. En cause ici : des surremises sur les génériques, les comptes provisionnés grossistes, dont la rémunération sous forme de taux d’intérêt a été considérée par la DGCCRF comme une surremise supplémentaire au-delà des 2,5 % légaux, mais aussi des dépassements de ce plafond sur de l’homéopathie.
Et après ? Rien n’est sûr car ni l’administration ni la profession ne contrôlent la situation. « Il reste deux barrières, explique-t-on à la DGCCRF : la décision du parquet et le jugement. Nous n’avons que le pouvoir de constater les infractions. Et les jugements peuvent diverger d’un département à l’autre selon l’appréciation du juge pénal. »
Favoriser la concurrence par les prix
Combien de plaintes ont été déposées par la DGCCRF devant les tribunaux ? Impossible à savoir car c’est chaque directeur départemental qui décide de l’opportunité ou non de saisir le juge et aucune statistique n’est encore remontée jusqu’à l’administration centrale. Selon les bureaux nationaux des syndicats de pharmaciens, au moins une dizaine de cas ont été recensés via les antennes départementales qui s’en sont fait l’écho… pour l’instant. Mais la situation est suffisamment préoccupante – l’amende peut être très lourde* – pour que le sujet se soit immiscé dans les négociations Etat-Officine et les ait bloquées fin juillet (voir Le Moniteur 2408), les syndicats exigeant une remise à plat de la réglementation des remises commerciales à l’officine.
« La DGCCRF interprète les textes officiels, on ne peut pas appeler ça autrement », estime Jean-Marc Yzerman, chargé du dossier économie à la FSPF. « Notre interprétation est que l’officinal doit répercuter sur le prix de vente les remises qu’il a obtenues », confirme la DGCCRF. Au bout du compte, seul le pharmacien est donc mis en cause, jamais son fournisseur. Objectif affiché, favoriser la concurrence par les prix. « Il doit bien exister une concurrence entre confrères sur la parapharmacie, admet Jean-Marc Yzerman, mais quand il s’agit de médicaments, je me vois mal proposer deux boîtes pour le prix d’une alors que le pharmacien est censé veiller à ce que les gens ne consomment pas trop de médicaments… »
« Et essayez donc de baisser un prix de remboursable avec SESAM-Vitale : c’est inapplicable par la CNAM ! », renchérit Christian Grenier, président du syndicat des Yvelines. Suite à ses mésaventures, notre officinal du Chesnay a demandé à la CPAM s’il pouvait modifier le prix de la vignette. La réponse fut négative dans un premier temps puis… positive quelques semaines plus tard, en précisant qu’il suffisait de modifier le prix dans le logiciel de la pharmacie. Et, à l’étonnement du pharmacien, l’essai réalisé par la suite n’a pas abouti à un rejet de la caisse ! Mais la CPAM voisine aurait-elle réagi de même ? Reste que la CNAM travaillerait actuellement sur la possibilité technique de faire ainsi bouger les prix.
Le générique comme détonateur
L’autre solution (un partage des remises avec l’Assurance maladie) sera rediscutée à la reprise des négociations Etat-Officine en septembre. Avec l’espoir d’éviter, grâce à une nouvelle réglementation, de nouvelles plaintes et des sanctions lourdes pour ceux qui sont déjà en cause. La DGCCRF est pour et demande la possibilité pour les pharmaciens de négocier des remises supérieures au plafond mais de partager cette surremise avec l’Assurance maladie, partant du principe qu’« un texte qui n’est pas appliqué est peut-être à revoir », et admettant qu’« interdire les remises n’est peut-être pas le moyen de favoriser la concurrence ».
« Je pense que les juges ont d’autres chats à fouetter, avance Alain Jayne, président du syndicat des Bouches-du-Rhône. Mais s’ils veulent se payer des pharmacies, c’est le moment ou jamais. »
In fine, la DGCCRF admet que c’est la mise en place, en 1999, de la réglementation entourant le droit de substitution qui a tout déclenché. « Si je n’avais pas fait de génériques, je n’aurais jamais eu de problème, analyse l’officinal du Chesnay. C’est grotesque. Cela étant, je n’ai finalement rien changé à ma manière de faire concernant les génériques… »
Déontologie et concurrence sont compatibles
Dans un bilan sectoriel sur le médicalement publié cet été, la DGCCRF estime que la déontologie n’interdit aucunement aux officinaux de se faire concurrence par les prix.
Sur le non-remboursable, elle estime que l’affichage et l’accessibilité des prix pour le client restent « très lacunaires » et que l’identité de prix entre pharmacies est trop courante.
Sur le remboursable, elle juge que l’attribution d’un prix fort à un produit innovant ne se justifie souvent que par des indications spécifiques, alors que les médecins « ont tendance – à tort – à appliquer le principe « qui peut le plus peut le moins » » (attitude encouragée par les laboratoires). Il y en a donc pour tout le monde…
* Jusqu’à 10 000 francs par infraction, donc par boîte vendue.
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