Stomies : Un marché perdu… de vue
Les patients stomisés, souvent « pris en charge » dès leur sortie d’hôpital par des revendeurs spécialisés, ne passent guère la porte des pharmacies pour acheter leurs accessoires. Le marché officinal a d’ailleurs connu une baisse de près de 10 % en 2000. Est-ce pour autant une vue de l’esprit que de vouloir le relancer ? Les associations de stomisés comptent en tout cas sur les pharmaciens.
La France recense 80 000 personnes stomisées, réparties en trois familles de patients : les colostomisés, les iléostomisés et les urostomisés. Heureusement, le nombre de colostomies tend à décroître, en raison de la prévention de plus en plus précoce et efficace des cancers colorectaux et du fait des progrès des techniques chirurgicales. En revanche, le nombre des iléostomisés et des urostomisés croît régulièrement car les maladies qui en sont à l’origine sont en forte évolution et encore mal maîtrisées.
Si les produits pour iléostomisés et urostomisés progressent en volume de ventes, ils ne représentent qu’un cinquième du marché, contre 80 % environ pour les produits pour colostomies. Par ailleurs, les stomies temporaires sont de plus en plus fréquentes. Tous les patients ne sont donc plus des stomisés à vie.
Le conseil : l’atout du pharmacien
Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant qu’en 2000 le marché officinal ait enregistré une baisse de près de 10 % en volume par rapport à 1999, selon IMS Health. En valeur, il a toutefois connu une légère hausse de 1,6 % pour atteindre 356,7 millions de francs. Selon la Fédération des stomisés de France, le marché total atteint près de 4 milliards de francs. La dépense annuelle moyenne en produits pour un patient stomisé varie de 9 000 à 15 000 F environ.
Les laboratoires B. Braun, Convatec, Coloplast et Hollister sont les principaux opérateurs de ce marché. Chez Coloplast, le leader, la confiance est de mise. « Sur les douze premiers mois de lancement des derniers-nés de la gamme Alterna Plus, les ventes ont été multipliées par quatre, affirme ainsi Stéphane Cotte, chef de produits stomies. Nous expliquons cela par la qualité de nos produits, au développement desquels participe tout un groupe de travail regroupant infirmières, stomathérapeutes, spécialistes du traitement de la plaie, etc. »
Côté pharmaciens, c’est au contraire la grimace. « Nous voyons peu de patients stomisés à leur sortie d’hôpital car il y a généralement une prise en charge directe par les revendeurs spécialisés », nous confie un confrère. Ces revendeurs sont en fait des sociétés de matériel médical qui se sont intéressées de très près à ce marché en fréquentant les services hospitaliers spécialisés, au point de devenir des interlocuteurs privilégiés des infirmières spécialisées. Conséquence, ces dernières ont pris progressivement l’habitude de leur confier leurs patients plutôt que de les orienter vers la pharmacie.
Et les patients semblent y trouver leur compte, notamment en raison d’une disponibilité rapide des produits, mais aussi du fait d’une meilleure confidentialité (le renouvellement des ordonnances peut se faire par envoi postal sous colis banalisé) et enfin des prix pratiqués. C’est un différend sur le prix TIPS qui a par exemple poussé l’année dernière Chantal Chaumeil à ne plus acheter ses produits en pharmacie, alors qu’elle était cliente depuis 1991. Aujourd’hui, elle s’approvisionne chez un revendeur et elle n’a aucun supplément à payer. Elle peut même se faire livrer à domicile en 48 heures, y compris sur son lieu de vacances et là encore sans bourse délier. C’est Information et aide aux stomisés du Lyonnais, l’association dont elle est aujourd’hui la présidente, qui lui avait indiqué les coordonnées du revendeur…
Une menace nouvelle s’est faite jour avec la décision d’un laboratoire, Convatec en l’occurrence, de proposer une vente directe aux consommateurs, avec prix TIPS garanti et numéro Vert (plusieurs infirmières entérostomathérapeutes sont à la disposition du public pour les conseiller)…
Et pourtant les associations attendent toujours beaucoup du pharmacien, notamment en zone rurale où il est bien difficile de consulter une entérostomathérapeute (on n’en compte que 550 en France). Des actions spécifiques vers l’officine sont d’ailleurs à l’étude au sein de la Fédération des stomisés de France. « Nous avons toujours prôné que le rôle du pharmacien était celui d’un conseiller relais, surtout en campagne, mais à condition d’assurer un minimum de confidentialité lors de la délivrance et de se former un petit peu », indique Hubert Fillol, son président honoraire. « Bien souvent, les pharmaciens n’y connaissent rien, poursuit Chantal Chaumeil. On voudrait bien qu’ils se mettent un peu plus au courant, qu’ils ne soient pas de simples revendeurs. » D’autant que, côté conseil, leurs concurrents directs sont totalement absents, se contentant de revendre…
Mieux se faire connaître
« La connaissance de l’appareillage n’est pas tout, notamment parce que le choix de la référence est généralement fait par le chirurgien ou stomathérapeute. Le pharmacien doit aussi être l’interlocuteur privilégié du patient et de sa famille et être à même de régler tous les problèmes pouvant intervenir dans l’utilisation du produit », indique Didier Cathelain, formateur chez Forma’Med. Ainsi il doit pouvoir répondre aux éventuelles complications (irritations cutanées…), donner les conseils hygiénodiététiques (aliments à privilégier…), conseiller les médicaments adéquats, et connaître parfaitement les produits annexes de confort (protecteurs cutanés, pâtes adhésives, ceintures, adaptateurs…).
Pour les pharmaciens désireux de développer leurs capacités de conseil, il s’agira ensuite de les faire reconnaître auprès des patients mais aussi de reconquérir la confiance des infirmières spécialisées. « Avec les années, il s’est créé un circuit fermé qui contourne les pharmaciens. Ces derniers doivent absolument mieux se faire connaître, et je leur conseille par exemple d’intervenir dans les écoles d’entérostomathérapeutes, conseille Hubert Fillol. Certes, cela représente un petit marché pour les pharmaciens, mais rien ne remplace un conseil spécialisé. »
Des formations prises en charge
Le FIF-PL a retenu plusieurs formations à destination des pharmaciens titulaires sur le thème des stomies pour l’année 2001. Elles présentent les différents appareillages ainsi que les soins spécifiques, les éventuelles complications, les règles hygiénodiététiques, la prise en charge sociale et psychologique, le remboursement…
Les trois formations qui suivent sont considérées comme prioritaires et à ce titre sont totalement prises en charge par le FIF-PL* :
– « Soins aux personnes stomisées », organisé par le Conservatoire national des arts et métiers de Nantes. La formation dure deux jours (la prochaine session aura lieu les 29 et 30 novembre prochains). Elle est également prise en charge par le FAF-PL. Renseignements : Monique Guillouet,
tél. : 02 40 16 10 47.
– « Le conseil aux stomisés », organisé par Forma’Med. La formation, qui a lieu à Villeneuve-d’Ascq (59), dure une journée (prochaine session le 5 novembre 2001). Renseignements : Didier Cathelain, tél. : 03 20 64 54 76.
– « Les stomies : indications – préventions ; vers une meilleure approche à domicile », organisé par Santelys Formation. Cette formation se tient à Loos (59). Elle est proposée au prix de 690 F. Renseignements : Marie-Ange Testelin, tél. : 03 20 96 68 58.
* Rappelons que la prise en charge se fait dans la limite des fonds disponibles et après examen du dossier.
Repères
– 356,7 millions de francs, c’est le chiffre d’affaires réalisé par la vente de produits pour stomies en pharmacie durant l’année 2000. Un chiffre en hausse de 1,6 % par rapport à 1999(1). Le marché total avoisine les 4 milliards de francs.
– Les trois produits leaders sur ce marché sont Coloplast Alterna Plus poche fermée (Coloplast), Colodress Plus (Convatec) et Crysalis Quiétide poche fermée (B. Braun Medical)(1).
– Les frais annuels d’appareillage pour un patient uréostomisé sont en moyenne de 16 300 F. Ceux d’un iléostomisé avoisinent les 9 500 F. Pour les colostomisés, on distingue ceux qui ont un système une pièce sans irrigation (12 900 F), deux pièces sans irrigation (15 000 F) et avec irrigation (8 760 F)(2).
(1) Source : IMS Health.
(2) Source Ilco Flandres Artois, une association locale affiliée à la Fédération des stomisés de France.
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