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Sécessions à la FSPF

Publié le 6 octobre 2001
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Quatre syndicats départementaux ont voté la semaine dernière leur départ de la FSPF et envisagent de créer dans de brefs délais une nouvelle structure fédérale avec l’APLUS. Mais la grogne transparaît aussi en interne à la Fédération… à presque un mois des élections nationales.

JACQUES PATAUX

L’Ardèche, la Drôme, la Loire et la Savoie ne feront vraisemblablement plus partie de la FSPF dans un mois et la Haute-Savoie devrait suivre. Réunis le 26 septembre en assemblée générale extraordinaire, les adhérents des quatre départements ont choisi de quitter la Fédération. Et la révolte pourrait bien se transformer en révolution si des départements chancelants suivent.

Ces sécessionnistes semblent prêts à intégrer une nouvelle fédération dont ils ont pratiquement finalisé les statuts, une assemblée constitutive étant prévue fin octobre, début novembre. Les 1 800 adhérents de l’APLUS, Action pharmaceutique libérale d’union syndicale (dont une une petite moitié sont des Franciliens partis de la FSPF depuis deux ans) devraient les y rejoindre – « si cette structure syndicale prend en compte la problématique des pharmacies urbaines », précise le président de l’Union des pharmacies de la région parisienne, Patrick Zeitoun. Gilles Bonnefond, président du syndicat de la Drôme, l’un des maîtres d’oeuvre de ce nouveau syndicat, affirme qu’elle pourra obtenir sa représentativité dans les six mois suivants. Selon lui, une vingtaine de départements hésiteraient encore à s’en aller.

Outre les traditionnels opposants au bureau national, il semble que certains responsables départementaux aient été confrontés à l’ire de leurs mandants après le vote favorable, le 17 juillet en assemblée générale de la FSPF, d’une baisse de 40 centimes du forfait associée à une prime au générique. En Rhône-Alpes, les présidents ont décidé des AG pour connaître l’avis des adhérents. Christian Frezet, président de la Loire, explique que la base a alors durci le ton en demandant un vote sur le départ de la FSPF avec à la clé un oui unanime des 146 officinaux présents ou représentés. Même unanimité dans la Drôme et la Savoie, deux voix s’étant élevées contre dans l’Ardèche. « Tout s’est déroulé sans hostilité personnelle vis-à-vis de Bernard Capdeville, mais juste vis-à-vis de la politique de compromission menée actuellement, précise Christian Frezet. J’apprécie monsieur Capdeville, mais il ne se conduit pas comme un syndicaliste… » Et de regretter l’absence de mot d’ordre pouvant aller jusqu’à des grèves.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas avoir choisi d’agir de l’intérieur, les élections à la FSPF ayant précisément lieu en novembre ? « ça a déjà été fait, estime Christian Frezet. Mais je ne vois vraiment personne se bagarrer contre lui, c’est un orateur hors pair. Il est trop fort… » Gilles Bonnefond, opposant de longue date à Bernard Capdeville, estime, lui, avoir « avalé nombre de couleuvres », ajoutant que « la FSPF ne fonctionne plus que statutairement. Les commissions ne sont plus que des chambres d’enregistrement ».

Nom de code : « Fédé bis »

Les syndicats sécessionnistes envisagent de se retrouver au sein d’une « nouvelle fédération ». « Elle devra être représentative car nous ne voulons pas être relégués au rang des éternels silencieux. Et nous pouvons nous appuyer sur l’expérience de l’APLUS qui tente depuis deux ans d’obtenir sa représentativité », poursuit Christian Frezet. « Elle devra accueillir également les adhérents mécontents des syndicats fidèles au bureau national actuel », selon Gilles Bonnefond. L’ANPO (Association nationale de la pharmacie d’officine), pensée initialement « comme un aiguillon pour le bureau national, servira de base à la nouvelle structure mais disparaîtra en tant que telle ».

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Mais intégrer une nouvelle structure pour quel programme ? Si les principaux dossiers professionnels subissent les foudres des sécessionnistes, c’est évidemment l’économie qui focalise l’attention. Et là, on retrouve des propositions avancées par Gérard Boucher, le président de l’APLUS, à savoir des forfaits à l’acte et surtout une position syndicale beaucoup plus musclée vis-à-vis des pouvoirs publics en opposition avec la politique de composition actuelle. « Bernard Capdeville est pris au piège de la parole donnée aux pouvoirs publics, estime Gilles Bonnefond. Les médecins n’ont peut-être rien obtenu en suivant une politique dure, mais au moins ils ne se sont pas vu appliquer de sanction. Signer pour un système de marge inflationniste pour l’assurance maladie ne pouvait que conduire à une pénalisation de la profession. C’était une faute stratégique. Et en plus, nous nous sommes mis les autres professions de santé à dos. » Tout en reconnaissant que l’Etat peut décider seul d’une baisse de la rémunération, les sécessionnistes lancent un jugement sans appel : un syndicat doit savoir dire non et ne pas engager sa signature. Un avis que partagent d’autres représentants qui commencent à gronder au sein de la FSPF.

Vent de fronde en interne

« Ils sont vraiment partis ?, s’étonne Jean-Philippe Brégère, vice-président de Charente, avant d’argumenter : Il s’agit de l’accumulation d’une multitude de petites choses qui aboutissent à un ras-le-bol général. Nous ne sommes pas assez tenus informés. Par exemple, nous avons donné notre pouvoir à notre représentant régional en juillet en raison d’empêchements, sans savoir exactement de quoi il retournait. Et il a voté oui… Aujourd’hui on s’en mord les doigts. » « Nous avons le sentiment de n’être plus ni écoutés, ni respectés, on ne répond pas à nos courriers et ça ne se passe pas bien du tout au niveau de la base », assène Jean-François Bichon, président des Deux-Sèvres. André Kuypers explique, pour le bureau de la région Centre : « Nous n’envisageons pas de partir mais nous voudrions une défense professionnelle plus musclée. On a l’impression que nos représentants ne voient plus les choses de la même manière après des années confrontés aux cabinets ministériels, et d’être mis devant le fait accompli pour les décisions importantes. Il ne faut pas accepter de signer la baisse du forfait sans quoi nous perdrons des adhérents. » « Il vaut mieux savoir dire non et garder ses troupes derrière soi pour conserver du poids », renchérit Jean-François Bichon. Que feront-ils sans infléchissement de politique nationale ? Dans le Centre, le bureau se réunira en octobre, sans a priori. En Poitou-Charentes, « on va vers une radicalisation », prévient Jean-François Bichon.

Christian Frezet prévoit quant à lui que le départ de syndicats fera boule de neige, tout en laissant la porte ouverte : « Si la FSPF opère un revirement, pourquoi ne pas la réintégrer ? »

Restent les représentants fidèles au bureau national, pour l’instant silencieux, mais encore majoritaires, malgré la grogne de la base. Néanmoins, nul doute que le mouvement actuel fragilise gravement la FSPF.

« Je refuse le reproche de ne pas gérer la FSPF démocratiquement »

Alors qu’il nous annonce se représenter aux prochaines élections à la tête de la FSPF en novembre, Bernard Capdeville réagit…

… sur un éventuel « verrouillage » des débats et décisions :

ça je ne peux pas l’accepter, car le président n’a aucun pouvoir hors du cadre et du mandat qui lui sont donnés. Sur chaque gros sujet, nous sommes revenus devant l’assemblée générale qui a voté à bulletin secret, toujours favorablement mais avec des amendements qui nous ont conduits à renégocier. Nous n’avons jamais eu de chèque en blanc.

… sur la poursuite des négociations avec les pouvoirs publics :

La seule façon de faire prendre en compte la profession par l’Etat, c’est de signer un accord car nous ne sommes pas conventionnés. Quant à la baisse de 40 centimes, je rappelle qu’on était parti pour « se prendre » 1,20 F et qu’elle découle aussi de l’obtention d’un mode de rémunération plus avantageux. Le problème, et c’est humain, c’est qu’on veut toujours garder d’un accord ce qui nous arrange et rejeter le reste. Je sais faire du syndicalisme d’opposition, c’est amusant, mais vous n’obtenez rien.

… sur un déficit d’information des adhérents :

Nous informons autant que possible des dernières avancées des négociations. Mais lorsque nous sommes convoqués toutes affaires cessantes au ministère, nous n’y sommes pour rien et l’assemblée générale de la FSPF doit alors souvent être convoquée rapidement dans la foulée. Par ailleurs, nous sommes interdits de séjour dans les assemblées générales de certains départements d’opposition et, de plus, les adhérents y sont coupés des circulaires FSPF et du Pharmacien de France. Difficile dans ces conditions d’expliquer notre politique. A contrario, que des présidents organisent l’information pour que la base pense pis que pendre du bureau national, c’est du sabotage.

… sur la création d’une nouvelle structure syndicale :

Un nouveau syndicat pour diviser la profession comme chez les médecins ? Les divisions servent toujours le pouvoir… La FSPF est un système démocratique. Les élections de novembre sont donc l’occasion pour les opposants qui ont une équipe et un projet politique de le présenter.

Propos recueillis par F. Silvan