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EUROPE DE LA PHARMACIE : Tout ou presque reste à faire
Au-delà des disparités d’apparence, le voyageur ne tarde pas à ressentir l’ubiquité de ce que certains ont appelé l’« euroculture ». Reste la fameuse Europe sociale, la plus difficile à construire. En matière de santé et de médicament, l’Europe reste aujourd’hui aussi un leurre.
La construction de l’Europe depuis la fin de la dernière guerre mondiale s’est faite sur des valeurs morales communes, dans l’idée d’en finir avec les querelles fratricides. C’est sur le champ de l’économie qu’elle s’est d’abord basée. La reprise de l’économie au lendemain de la guerre a rendu crédible l’idée de pérenniser la paix dans la prospérité partagée. Aujourd’hui, alors que la monnaie unique est sur le point de se substituer définitivement aux monnaies nationales et de souder encore davantage nos destinées, 60 % des échanges des Etats de l’Union européenne se font entre eux, au sein de l’Espace économique européen.
L’Europe d’aujourd’hui, c’est quinze Etats membres, mais quatre autres sont sur le point d’être admis et une dizaine ont fait acte de candidature.
Les structures de l’Europe communautaire s’imposent de plus en plus dans un grand nombre de domaines. Ainsi l’Europe agricole est-elle une réalité manifeste. Par ailleurs, les directives proposées par la Commission de Bruxelles et votées par le Parlement européen de Strasbourg s’imposent aux Etats membres, qui doivent impérativement les transcrire dans leur droit national.
La santé désintégrée
Pourtant, cette intégration ne prend pas en compte l’ensemble des secteurs d’activités. La santé fait encore partie des domaines réservés aux Etats membres, comme plus largement l’ensemble du domaine de la protection sociale.
Il y a naturellement quelques avancées de l’Europe en la matière. On peut citer à titre d’exemple :
– l’harmonisation des formations, la reconnaissance mutuelle des diplômes et la libre circulation des professionnels de santé ;
– l’existence au sein de la Commission d’un bureau en charge du secteur de l’industrie pharmaceutique et des autres industries de santé. On leur doit par exemple le marquage CE sur les dispositifs médicaux ;
– l’existence d’une Pharmacopée européenne commune ;
– la création à Londres de l’Agence européenne du médicament, en charge en particulier de l’évaluation des nouveaux produits et de la pharmacovigilance à l’échelle de l’Union et de la délivrance des AMM européennes ;
– la présence, au sein d’une autre direction générale de la Commission chargée de la protection du consommateur, d’un bureau appelé à travailler sur les aspects de santé ;
– un dispositif réglementaire commun en matière de ventes des médicaments sur Internet ou de critères de validité des documents d’information ou de promotion relatifs aux médicaments ;
– des règles communautaires très précises en ce qui concerne la circulation des médicaments entre pays de l’Union, dans le but de contrôler les importations dites parallèles intracommunautaires…
Un paysage pharmaceutique disparate
Mais s’agissant des pharmacies et des pharmaciens, le paysage européen apparaît encore extrêmement disparate. On voit ainsi que le monopole, qui réserve exclusivement la vente de tout ce qui est qualifié de médicament à un pharmacien ou à une personne qualifiée placée sous le contrôle direct d’un pharmacien, est loin d’être répandu dans toute l’Europe. On trouve dans certains pays, comme l’Allemagne par exemple, des produits OTC dans les Drogen… qui ne sont pas des pharmacies à proprement parler. De même les propharmaciens, qui ne sont plus chez nous qu’à peine une vingtaine, sont encore fort répandus voire encouragés dans les régions rurales mal desservies d’Autriche, de Belgique, d’Espagne, du Royaume-Uni et des Pays-Bas.
Les choses se compliquent encore lorsque l’on analyse les conditions d’ouverture et de fonctionnement des officines. Le principe de l’indivisibilité de la propriété de l’officine et de son exploitation semble chez nous intangible. De fait, il n’a guère été remis en cause depuis la jurisprudence qui en est à l’origine et qui date… de 1859 !
Cette jurisprudence n’était au demeurant que la traduction de la pratique « de toute éternité »… Or on constate que si ce principe est largement répandu en Europe, il existe de très significatives exceptions puisqu’en Belgique, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Suède un non-pharmacien peut posséder une pharmacie. En Italie, les chaînes de pharmacies municipales, récemment privatisées, ont été cédées en bloc à des opérateurs qui ne sont pas des pharmaciens titulaires d’officine mais pour l’essentiel des répartiteurs pharmaceutiques.
De même, la création d’officines est partout soumise à autorisation, sauf… lorsque c’est la collectivité qui est demandeuse. Ainsi, en Espagne, en Italie, au Luxembourg, au Portugal ou en Finlande, c’est le ministère de la Santé qui passe des appels d’offres lorsqu’il estime qu’une population a besoin d’une pharmacie.
L’implantation des officines est libre en Allemagne, au Royaume-Uni, en Irlande et aux Pays-Bas, alors qu’il existe une loi de répartition démogéographique dans les autres pays de l’Union européenne.
Même diversité à propos du sacro-saint principe – à nos yeux en tous cas : « un pharmacien = une pharmacie ». Les Belges, les Britanniques, les Irlandais et les Néerlandais considèrent qu’un même pharmacien peut « couvrir » plusieurs officines.
Le modèle idéal n’existe pas
Finalement, on aboutit à un paysage pharmaceutique très peu homogène. Cela est particulièrement visible si l’on considère la taille des officines, qui reflète généralement assez bien celle de la population desservie. Ainsi, on compte une officine pour 18 000 Danois, 1 pour 12 000 Norvégiens ou 1 pour 11 000 Suédois, contre 1 pour 1 000 Grecs ou 1 pour 1 900 Belges.
Avec 1 pour 2 700, la France est en milieu de classement, proche de l’Espagne (1/2 100), de l’Italie (1/3 700), de l’Allemagne (1/3 800) ou du Portugal (1/3 900). Les officines suisses (1/4 300), britanniques (1/4 700) ou autrichiennes (1/7 300) sont sensiblement plus grandes (ou plus encombrées !).
On pourrait également, alors que les pharmaciens français s’interrogent sur les conséquences à terme de la loi Murcef instituant les holdings de professionnels libéraux et sur les opportunités et les risques d’une éventuelle ouverture du capital, se pencher sur le statut du pharmacien titulaire ou responsable de l’officine et sur celui des pharmaciens assistants ou adjoints. On retrouverait là une disparité tout aussi manifeste.
En un mot, l’Espace pharmaceutique européen demeure à construire. Penser qu’il s’inspirera de notre modèle plutôt que de celui de nos voisins ne relève d’aucune logique irréfutable.
Le système idéal ne semble pas exister et chaque pays, comme chaque communauté de pharmaciens, semble s’accommoder assez bien du système que l’histoire et la géographie lui ont offert. Reste que l’économie semble bien aujourd’hui imposer peu à peu sa loi, que d’aucuns qualifieront d’irrespectueuse des particularismes manifestes – et certainement respectables. Nos gouvernants et nos élus politiques auront sans doute à faire des choix. Puissent nos responsables professionnels, notamment ordinaux et syndicaux, leur apporter les éléments d’information et de jugement propres à éclairer ces choix dans l’intérêt de la santé publique, tant il est vrai que les intérêts des professionnels n’ont de sens et d’avenir que s’ils recouvrent sur le long terme ceux des populations qui leur ont délégué ce qui est avant tout, il ne faut pas l’oublier, une mission de service public…
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