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Mauvaise graine

Publié le 8 décembre 2001
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Il y a les bouquins de l’été et ceux de l’automne. Rien à voir entre les deux. Les premiers n’ont d’indigeste que la somme des pages à avaler, le contenu laissant peu de traces. Les seconds n’entrent pas dans notre vie de la même façon. On a repris le boulot et on s’octroie une tranche de plaisir. C’est le cas avec le dernier roman policier de John Le Carré : La Constance du jardinier.

A mesure que les feuilles tombaient sur le gazon, que le feu crépitait et que le chat ronronnait, j’ai tourné d’autres feuilles avec gloutonnerie. Quelques heures m’ont suffi tellement c’est palpitant. Mais depuis, le dit pavé me reste sur l’estomac.

L’histoire d’abord : l’épouse d’un fonctionnaire du Foreign Office, en poste à Nairobi, est retrouvée morte assassinée. Avocate engagée dans l’action humanitaire, elle avait décidé de dénoncer aux autorités britanniques les pratiques pour le moins douteuses d’un laboratoire pharmaceutique et d’une société de distribution de médicaments en Afrique. Amoralité, hypocrisie, corruption, avidité, tout y est.

Au coeur de l’intrigue, le « dypraxa », une molécule pour soigner la tuberculose, dont les effets secondaires sont mortels. D’où les vilains meurtres du début. (Parenthèse : Bernard Kouchner a déclaré récemment que les effets indésirables étaient la quatrième cause de mortalité en France, loin devant les accidents de la route !)

Le gentil mari, qui est aussi, comme le titre l’indique, fou de botanique, décide alors de partir à la quête de la vérité. Là, vous allez me dire avec un sourire narquois : « Ma pauvre petite, c’est de la littérature ! » Justement, pas vraiment. John Le Carré, ancien espion des services secrets britanniques, est tout sauf un rêveur. Avant de tricoter son histoire, il a enquêté. Il a également signé une tribune pour The Guardian dans laquelle il dénonce le procès intenté à l’Afrique du Sud par trente-neuf laboratoires afin d’empêcher l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les médicaments, facilitant l’accès aux produits génériques.

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Rassurez-vous, je ne vais pas passer en revue tous les scandales que l’écrivain a soulevés, mais juste vous conseiller de lire ce livre, pour qu’on soit sur la même longueur d’onde. Je ne suis plus la même cliente, vous ne serez peut-être plus le même pharmacien…