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Syndrome de Gougerot-Sjögren : Quand la sécheresse devient pathologie

Publié le 12 janvier 2002
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Qui connaît le syndrome de Gougerot-Sjögren ? En France, il touche pourtant 200 000 personnes. Le point sur cette maladie invalidante alors que la pilocarpine est en passe d’obtenir une indication spécifique et que l’on fonde beaucoup d’espoirs sur la ciclosporine et les anti-TNF-alpha.

Tout le monde a eu un jour la bouche sèche lors d’un stress ou les yeux rouges et qui piquent, après avoir passé une journée à fixer l’écran d’un ordinateur. Des symptômes gênants, mais passagers. Pourtant certaines personnes en souffrent continuellement. Elles sont alors atteintes du syndrome de Gougerot-Sjögren.

« La maladie associe une sécheresse au niveau des yeux et de la bouche, ainsi que des douleurs articulaires, une grande fatigue et des anomalies du système immunitaire, explique le Pr Xavier Mariette, chef du service de rhumatologie au centre hospitalo-universitaire du Kremlin-Bicêtre. Si son origine demeure inconnue, on sait qu’il s’agit d’une maladie auto-immune (non contagieuse et ne se transmettant pas à ses enfants) et qu’elle touche surtout des femmes (90 % des patients). Les lymphocytes et certains des anticorps qu’ils sécrètent détruisent essentiellement les glandes exocrines, en particulier lacrymales et salivaires. Le fonctionnement anormal du système immunitaire affecte d’autres organes, ce qui peut conduire à une polyarthrite ou à des atteintes pulmonaires, rénales, neurologiques, cutanées ou ganglionnaires. »

Face à la multiplicité des signes, il est quelquefois difficile d’établir le diagnostic, d’autant qu’être victime d’une sécheresse oculaire, buccale, cutanée ou vaginale, ne signe pas pour autant un syndrome de Gougerot-Sjögren.

Des traitements symptomatiques

Des critères internationaux ont été établis pour différencier d’autres causes possibles de syndrome sec : prise de certains antidépresseurs ou neuroleptiques ; état anxiodépressif; port régulier et ancien de lentilles de contact ; autres maladies systémiques… Outre des tests permettant d’objectiver une sécheresse oculaire ou buccale, divers examens peuvent être proposés (prélèvement au niveau des glandes salivaires, prise de sang…). La biopsie des glandes salivaires accessoires, au niveau de la lèvre inférieure, importante pour établir le diagnostic, est un geste bénin réalisé sous anesthésie locale.

Pour l’instant, aucun traitement ne garantit une guérison définitive. Mais des médicaments agissent sur les symptômes en augmentant la sécrétion salivaire (Bisolvon et Sulfarlem, avec toutefois un effet limité), lacrymale (collyres, gels), vaginale (ovules, crèmes ou gels, THS chez la femme ménopausée), bronchique ou cutanée…

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Attention au maquillage !

« Pour lutter contre la sécheresse oculaire, un des symptômes principaux, les larmes artificielles ou le sérum physiologique et des gels à base de carbomère ou d’acide hyaluronique peuvent avoir une action plus prolongée, mais entraînant un brouillage de la vision pendant quelques minutes, explique le Pr Christophe Baudouin, chef d’un service d’ophtalmologie aux Quinze-Vingts à Paris. Il faut privilégier les produits unidoses sans conservateur mais, hélas !, ils sont peu nombreux et beaucoup plus onéreux. Pour éviter l’élimination des larmes, il est possible de poser des bouchons en plastique ou en collagène sur les points lacrymaux ou encore de les cautériser. »

A conseiller aussi : l’installation d’humidificateurs, notamment dans les chambres, le port de lunettes de soleil dès les premiers rayons. Et attention au maquillage qui peut accentuer une sécheresse oculaire !

Certains traitements, dits de fond, sont parfois aussi prescrits, même si la preuve de leur efficacité n’a pas été formellement établie. C’est le cas de l’hydroxychloroquine et du méthotrexate à petite dose, surtout indiqués en cas de polyarthrite ou de douleurs articulaires.

Pour calmer les douleurs articulaires, musculaires ou neurologiques, les médecins ont surtout recours aux antalgiques (en privilégiant le paracétamol qui n’a pas d’effet asséchant), aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (quelquefois efficaces), à la corticothérapie à petites doses (à privilégier en cures courtes), aux benzodiazépines (comme le Rivotril), aux antidépresseurs, tricycliques notamment…

Dernier progrès, des médicaments à effet systémique et à action cholinergique. En stimulant les glandes saines restantes, ils sont surtout efficaces sur la production de salive et, dans une moindre mesure, sur celle des larmes et des différentes sécrétions corporelles. La pilocarpine, commercialisée sous le nom de Salagen, devrait obtenir une extension d’indication pour ce syndrome en 2002. « Elle améliore environ la moitié des malades, précise Xavier Mariette, mais elle n’est pas remboursée (515 F la boîte, une et demi étant nécessaire par mois). L’Evoxac, de la même famille, n’est pas encore disponible en Europe. »

L’espoir se tourne aussi vers d’autres médicaments comme la ciclosporine ou un anti-TNF-alpha (Remicade) : un essai multicentrique randomisé vient de commencer en France. De nouvelles hypothèses laissent, en effet, penser que dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, l’organisme fabrique trop de TNF-alpha, une substance favorisant l’inflammation.

Définition internationale

Pour parler de syndrome de Gougerot-Sjögren, la présence de quatre des critères suivants est nécessaire, avec systématiquement les critères 5 et 6.

1. Symptômes oculaires

Au moins un des trois :

– sensation quotidienne, persistante et gênante d’yeux secs depuis plus de trois mois ;

– sensation fréquente de « sable dans les yeux » ;

– utilisation de larmes artificielles plus de trois fois par jour.

2. Symptômes buccaux

Au moins un des trois :

– sensation quotidienne de bouche sèche depuis plus de trois mois ;

– à l’âge adulte, épisodes récidivants ou permanents de gonflement parotidien ;

– consommation fréquente de liquides pour avaler les aliments secs.

3. Au moins un signe d’atteinte oculaire

Par exemple, test de Schirmer pathologique : la bandelette de papier buvard insérée sous la paupière inférieure, est humidifiée sur moins de 5 mm en cinq minutes.

4. Au moins un signe d’atteinte salivaire

Par exemple, flux salivaire sans stimulation inférieur à 1,5 ml pendant 15 minutes.

5. Signes histologiques

Présence d’au moins un nodule de lymphocytes sur la biopsie de glandes salivaires accessoires.

6. Présence d’autoanticorps

Une association de malades très active

Faire sortir de l’anonymat le syndrome de Gougerot-Sjögren, une maladie orpheline en terme de popularité, mais non de fréquence, c’est le but de l’Association française du Gougerot-Sjögren. « Créée en 1990, elle regroupe aujourd’hui plus de 1 600 adhérents », précise Barbara Turpin qui en est la présidente. Ses objectifs : apporter un soutien moral aux patients, souvent isolés et mal compris de leur entourage ; donner des informations sur la maladie et ses traitements ; intervenir auprès des pouvoirs publics afin d’améliorer le remboursement de médicaments ; aider financièrement la recherche grâce aux dons des adhérents.

Association française du Gougerot-Sjögren : 150, rue de Verdun, 76230 Bois-Guillaume.

Tél./fax : 02 35 61 11 99. Site Internet : orphanet.infobiogen.fr/associations/AFGS.