Délivrance Réservé aux abonnés

Pauline, enceinte, veut arrêter de fumer

Publié le 1 mars 2023
Par Anne-Gaëlle Harlaut
Mettre en favori

Pauline, 32 ans, est enceinte de deux mois, et fume environ 20 cigarettes par jour. Cette première grossesse la motive pour tenter un sevrage. Elle sort de la consultation de tabacologie avec une prescription.

Ce que je dois savoir

Législation

Les sages-femmes sont habilitées à prescrire aux femmes enceintes des substituts nicotiniques, des laxatifs et de l’homéopathie.

Contexte

C’est quoi ?

• Cette ordonnance prend en charge l’arrêt du tabac chez une femme enceinte dépendante.

• Le tabagisme maternel entraîne un risque accru de prématurité, de faible poids de naissance, de malformations, de troubles du rythme cardiaque… Le sang fœtal contient un taux de monoxyde de carbone (CO) issu de la fumée supérieur à celui du sang maternel, et son élimination plus longue entraîne une hypoxie (= manque d’apport en oxygène) chronique.

Quelle prise en charge ?

• La prise en charge par un médecin et/ou un centre de tabacologie est recommandée en raison des particularités du sevrage durant la grossesse. Les femmes enceintes réduisent souvent leur consommation mais compensent en absorbant plus profondément la fumée, ce qui fausse le test de Fagerström. La dépendance avant la grossesse et la mesure du CO dans l’air expiré sont utiles pour définir la stratégie.

• Si la dépendance requiert une aide pharmacologique, les substituts nicotiniques sont les seuls médicaments recommandés chez la femme enceinte, la varénicline et le bupropion sont contre-indiqués. Ils augmentent significativement l’abstinence à six moi(1).

Objectifs

• Soulager les symptômes de sevrage pour faciliter l’abstinence et son maintien.

Publicité

• Favoriser son maintien dans le temps. 80 % des femmes sevrées en cours de grossesse rechuteraient dans l’année suivant l’accouchement(1).

• Lutter contre la constipation, fréquente dès le début d’une grossesse et potentiellement aggravée par l’arrêt du tabac, qui accélère le transit.

Médicaments

Nicoretteskin

Ce dispositif transdermique diffuse régulièrement de la nicotine dans le sang afin d’obtenir une nicotinémie stable sur seize heures. Le dosage à 25 mg/16 h est cohérent pour 20 cigarettes par jour. Le patch est privilégié durant la grossesse, où nausées et vomissements sont fréquents.

Nicotine comprimé à sucer

Forme orale dosée à 2 mg de nicotine absorbée au niveau de la muqueuse buccale dont l’action rapide, en moins de 3 minutes, est limitée à 30-60 minutes. L’ajout à une forme transdermique est plus efficace qu’une forme seule(1).

Spagulax

Tégument de la graine d’ispaghul à action laxative mécanique par effet de lest dont le délai d’action est de 12 à 24 heures. Laxatif recommandé en première intention en cas de constipation chez la femme enceinte(2).

Lobelia inflata

Médicament homéopathique obtenu à partir de la lobélie (tabac indien, plante herbacée), traditionnellement utilisé pour aider la désaccoutumance au tabac.

Repérer les difficultés

• Expliquer le mode d’emploi et la complémentarité des traitements substitutifs de la nicotine (TSN). Pauline n’en a jamais utilisé.

• Rassurer. Pauline peut être effrayée par le pictogramme « Grossesse = danger » des TSN.

• Apprendre à estimer le dosage. Rappeler les signes de surdosage et de sous-dosage.

• Ouvrir vers d’autres consommations à risque. Proposer un entretien « femme enceinte ».

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« C’est une bonne décision pour votre santé et celle de votre enfant » encourage l’initiative. « Savez-vous comment s’utilisent les patchs et comprimés ? » teste les connaissances. « Je vous propose de prendre quelques minutes pour parler d’autres risques durant votre grossesse » amorce l’entretien « femme enceinte » (voir La patiente me demande et Info +).

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

La nicotine limite les envies de fumer. Les substituts nicotiniques n’ont pas d’effets toxiques pour le fœtus, et la quantité de nicotine est de toute façon moindre que si la mère fumait. Leur dosage est ajusté aux effets ressentis. Ils sont maintenus puis diminués sur plusieurs mois, pour éviter les risques de rechute.

Mode d’administration

• Nicoretteskin. Coller le patch au lever sur une surface cutanée plane et sèche : face externe du bras, haut de la fesse, omoplate. Le retirer avant le coucher et le jeter. Changer de site le lendemain. Il peut être gardé pendant la toilette, en évitant de diriger le jet d’eau sur l’adhésif. Un patch 16 heures diminue l’imprégnation du placenta en nicotine.

• Nicotine en comprimés. En cas d’envie de fumer et sans attendre qu’elle soit trop forte, sucer un comprimé en le plaçant alternativement contre une joue puis l’autre. Ne pas le croquer et ne pas déglutir trop vite ou souvent pour éviter les effets indésirables. Au-delà de 6 gommes par jour, envisager un réajustement du dosage du patch.

• Spagulax. En cas de constipation, avant ou après les repas, diviser le contenu d’un sachet en 3 cuillères à café et avaler les granulés de chaque cuillère, sans les croquer, avec de l’eau, du lait ou du jus de fruits, de façon à boire environ 200 ml au total. Ne pas prendre en position allongée ou moins de 30 minutes avant le coucher, et attendre au moins 30 minutes avant la prise de tout autre médicament.

• Lobelia inflata. Laisser fondre 5 granules sous la langue matin et soir, à distance des repas.

Effets indésirables

• Nicotine. Fréquents, communs à tous les TSN : céphalées, étourdissements, insomnies également associées au syndrome de sevrage, nausées, vomissements, troubles digestifs.

• Patchs : rash, urticaire, érythème et prurit au site d’application. Comprimés : toux, hoquet, irritation de la gorge, de la bouche, sécheresse buccale, flatulences, hypersécrétion salivaire, stomatite, dysgueusie, sensation de brûlure.

• Spagulax : flatulences, météorisme abdominal.

J’accompagne

Hygiène de vie

• Contre la constipation, boire au moins 1,5 litre par jour, consommer plus de fibres (légumes…), maintenir une activité physique quotidienne.

• Consommer des aliments riches en magnésium, comme les amandes, les noix, les noisettes, les poissons gras…, contre le stress, fréquent en début de sevrage. Les eaux riches en magnésium (Hépar, Contrex…) favorisent le transit.

Suivi

• Identifier les signes de surdosage (agitation, palpitations, nausées, céphalées, bouche pâteuse…) ou de sous-dosage (troubles de l’humeur, appétit en hausse, envie de fumer…) pour ajuster le dosage au prochain rendez-vous.

• Prévenir que réduire ou interrompre trop vite le traitement expose à un risque de rechute.

Entretien femme enceinte

Proposer l’entretien unique « femme enceinte ».

Vente associée

Un pansement adhésif étanche (Opsite, Tegaderm…) pour couvrir le patch en cas de bain.

(1) Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence en premier recours, recommandation de bonne pratique, Haute Autorité de santé, 2014.

Prescription

L. B. Sage-femme diplômée d’État, tabacologue, service de gynécologie tabacologie.

Pauline R. Née le 30 décembre 1990, 56 kg, 1,63 m.

Date présumée d’accouchement : 10 septembre 2023.

Ordonnance

• Nicoretteskin 25 mg/16 h dispositif transdermique

1 par jour.

• Nicotine 2 mg comprimé à sucer

Jusqu’à 6 par jour si besoin.

• Spagulax mucilage pur granulés en sachet-dose

1 à 3 par jour si besoin.

• Lobelia inflata 5 CH

5 granules matin et soir.

QSP 7 jours.

Rendez-vous dans une semaine.

Info+

→ L’entretien femme enceinte en bref

Par qui ? Un pharmacien d’officine.

Pour qui ? Toute femme enceinte, une fois durant sa grossesse.

Quelle rémunération ? 5 € TTC.

La patiente me demande

C’est quoi cet entretien « femme enceinte » ?

C’est un entretien de quelques minutes avec un pharmacien, qui vous interrogera sur les médicaments, les vaccinations, la consommation d’alcool, de drogues… et vous sensibilisera* aux risques des maladies et de certaines substances durant votre grossesse. On vous remettra un support Médicaments et grossesse, les bons réflexes** et on vous enverra un mail via l’adresse sécurisée de « Mon espace santé » avec un lien vers le dossier « Grossesse en bonne santé » et le guide Mon parcours assuré, Ma maternité de l’Assurance maladie***, que vous pourrez consulter chez vous.

(*) En s’aidant des supports de l’ANSM (ansm.sante.fr > Dossiers thématiques > Médicaments et grossesse).

(**) Sur ansm.sante.fr et cespharm.fr

(***) Sur ameli.fr